Les « Pourquoi » du golf. Dans cette série, nous vous emmenons explorer les questions simples en apparence, mais souvent complexes en réalité, qui entourent le golf. Dans ce quatrième épisode : pitching wedge, lob wedge, sand wedge… pourquoi ces clubs si particuliers portent ce nom de "wedges" ?

Le sand wedge, surtout destiné à sortir des bunkers, a été mis au point dans les années 1930. © Laurence Mouton / AltoPress - AFP

« Il faut que je travaille mes wedges » ; « Aujourd’hui, j’ai eu du mal avec mes wedges » ; « C’est un parcours où il y a beaucoup de wedges à taper » ; et de plus en plus, certains osent même l’emploi du terme comme verbe d’action, qui fait plus que friser le néologisme : « Je wedge bien en ce moment ». De la même manière qu’on « drive » ou qu’on « putte », au golf, avec certains clubs, on « wedge ».

Ces clubs, tous les golfeurs qui ont passé le premier stade de débutant les connaissent et les utilisent. Ils ont pour nom pitching wedge, gap wedge, sand wedge ou lob wedge. Souvent, dans le langage courant, le jeu des abréviations et autres raccourcis nous font dire « mon sand est trop ouvert », ou bien « à cette distance, je tape pitch ». Le mot "wedge" passe à la benne… alors qu’il est, en réalité, le plus important dans le nom du club. En tout cas celui qui lui donne sa plus grande spécificité. Mais alors, d’où vient-il ?

Comment sortir d’un bunker avec une lame de rasoir ?

Retour à l’Antiquité du golf, autrement dit à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Époque dans laquelle vous seriez sans doute perdu si vous y étiez téléporté, puisque la numérotation des clubs, et notamment des fers, n’a pas encore conquis toute la planète. Pas de fer 9, de fer 5, et donc pas non plus de PW ou SW écrit sur les semelles. Au lieu de cela, les fabricants usent de petits noms, tels mashie, jigger, niblick, ce dernier étant le plus couramment utilisé pour les courtes distances dans les années 1930.

Avec son shaft en bois garanti d’époque, le niblick présente une face assez ouverte, qui en ferait l’équivalent d’un actuel fer 9. Seulement, le souci, c’est sa semelle. Peu épaisse, elle lui donne le même aspect de lame de rasoir que les autres fers du sac. Pas facile, lorsqu’il s’agit de jouer dans le sable ou les terrains gras, où une tête avec un bord d'attaque aussi affûté s'enfonce au moindre effort.

Les solutions les plus rudimentaires étaient alors, dans le cas des bunkers, d’utiliser des clubs à la face plus fermée, mais en laissant le joueur adapter son amplitude et son angle d’attaque pour parvenir à sortir sa balle. De quoi faire diminuer significativement les chances de réussite du coup. Les innovations qui allaient plus tard mener aux wedges que nous connaissons aujourd’hui ont commencé à apparaître à ce tournant des années 1930, mais ont surtout été mises au point et perfectionnées par Gene Sarazen.

La semelle dépote

En 1930, l’Américain est déjà l’une des pointures du golf mondial, avec un U.S. Open (1922) et deux PGA Championships (1922-23) à son actif. Lors d’un vol à bord de l’appareil privé de l’aviateur Howard Hughes, il remarque les volets mobiles qui augmentent la surface des ailes lors du décollage et de l’atterrissage, pour maximiser la portance. Et se dit que la physique d’une aile d’avion doit bien être transposable à une semelle de club de golf, surtout quand ce dernier a tendance à s’enfoncer dans le sol.

En 1931, il fabrique lui-même son prototype, en ajoutant du plomb à la semelle de son niblick. Non seulement pour l’élargir, mais aussi pour augmenter la masse de sa tête, et faire descendre son centre de gravité. Par ailleurs, il incline la semelle de 10° par rapport au sol, cet angle lui ayant paru comme l’optimum, lors de ses tests, pour que le club ne s’enfonce ni ne rebondisse trop violemment. En 1932, lors de l’Open britannique, qu’il remporte, il garde son invention soigneusement cachée des autorités du jeu. Avant d’enchaîner par une victoire lors de l’U.S. Open, la même année. La dissimulation ne sera plus de rigueur par la suite, puisque le R&A et l’USGA déclarent l’engin légal.

Le sand wedge prototype de Gene Sarazen, lesté de plomb sur sa semelle. © USGA Museum

Cinq caractéristiques principales

Le wedge ainsi mis au point par Sarazen est alors appelé le sand wedge, car sa principale qualité est de sortir du sable. Ses caractéristiques physiques vont faire que le nom va être transmis tout le reste de la fratrie : le pitching wedge sera le plus fermé, le gap wedge ("gap" signifie "écart" en anglais) s’insèrera entre les deux, et le lob wedge sera le plus ouvert, pour les adeptes de la balle parachute.

Ces caractéristiques se résument principalement à cinq aspects. Tout d’abord, le wedge est un club au manche court, car sa raison d’être est de couvrir les petites distances. Ensuite, il possède une face de club ouverte (de 45° pour les pitching wedges les plus fermés à 64° voire plus pour les lob wedges), pour favoriser un angle de décollage de la balle prononcé. Troisièmement, il est muni d'une tête de club lourde, afin de maximiser son moment angulaire (son inertie ou son énergie, si vous préférez) au moment d’entrer en contact avec le sol.

Et puis surtout, ses deux caractéristiques principales se situent au niveau de la semelle. Tout d’abord, celle-ci doit être large, afin d’ajouter de la masse en bas de la tête de club (toujours cette histoire de centre de gravité). Et enfin, cette semelle doit présenter une inclinaison par rapport au sol. C’est le fameux rebond du club, ou "bounce", pour reprendre le terme anglais. Et comme son nom l’indique, plus cette inclinaison sera importante, plus le club aura tendance à rebondir sur le sol, et donc à remonter vite.

Comme une cale

Si vous ne vous êtes encore jamais amusé à observer ce rebond sur la semelle de votre club, faites vous-même l’expérience. Attrapez votre sand wedge (c’est généralement le club où le bounce est le plus important), et tenez-le à la verticale, tête en l’air, semelle qui vise le ciel et face qui regarde le sol. En jetant votre regard dans le même sens que les stries, constatez que le bord de la semelle le plus proche de la face de club est un peu plus bas que son bord opposé. C’est tout simplement cela, le rebond. Et si jamais le doute vous prend, faites la même chose avec votre fer 7, et vous constaterez que cette semelle inclinée dans ce sens ne concerne que les wedges.

Il subsiste toutefois une question : d’où vient-il, ce nom de "wedge" ? Des cales. Dans la langue de ce bon vieux Shakespeare, "wedge" est le nom donné aux objets, triangulaires dans la plupart des cas, qui servent à caler les roues d’un camion sur un bateau, ou celle d’un camping-car dans une pente. Le nom a, tout simplement, été donné au club par analogie de forme, lui qui présente une tête avec un bord sensiblement plus charnu que l’autre. Tâchez d'observez finement la réaction de votre partenaire de jeu préféré quand, lors de votre prochaine partie, vous lui lancerez : « Dis-donc, je tape drôlement bien ma cale à sable, aujourd'hui ».


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