Les "Pourquoi" du golf. Du driver au plus petit wedge, et même à certains modèles de putters, toutes les faces des clubs de golf sont rayées de stries. Mais sont-elles vraiment là, comme on l’entend le plus souvent, pour donner du spin à la balle ? Vous avez encore quelques secondes pour décider si vous en mettriez votre main au feu…
Imaginez. Vous êtes au volant d’une formule 1. Vous êtes en plein grand prix, vous êtes en tête, votre machine tourne comme une horloge, et ses capacités associées à votre brillant pilotage ont mis une sauce à tout le peloton. Votre avance se chiffre en dizaines de secondes, mais peu à peu, des gouttelettes viennent frapper la visière de votre casque. Puis des gouttes. Puis plein de gouttes. Puis l’adhérence change, la piste noircit en même temps que l’horizon, et sur une reprise de gaz en sortie d’épingle, votre train arrière manque de se mettre à l’équerre. Bref, il pleut.
En réalité, vous n’avez sans doute jamais conduit une voiture de course de votre vie. Pourtant, vous savez exactement ce que vous devez faire en pareil cas : vous ruer dans les stands, pour que vos mécaniciens vous débarrassent de vos pneus lisses, et vous chaussent de pneus sculptés. Moyennant une petite adaptation de votre rythme de course aux nouvelles conditions humides, ils vous permettront sans problème de rallier l’arrivée, en gardant les quatre roues sur l’asphalte.
À ce stade, normalement, vous vous demandez pourquoi cette histoire de changement de pneus figure dans un article qui parle de golf. Tout simplement parce que les concepteurs qui ont sculpté des pneumatiques pour les rendre meilleurs sur route humide et ceux qui ont creusé des stries sur une face de club ont eu, peu ou prou, la même idée.
Pourquoi, donc, joue-t-on aujourd’hui, partout dans le monde et à tout âge, en utilisant des têtes de clubs munies de stries ? D’instinct, il est facile de penser que leur utilité est d’imprimer une rotation rétrograde (ce que l’on appelle du « spin » dans le jargon du golf) à la balle lorsqu’on la frappe. En venant au contact de ces stries, la balle s’en trouve davantage accrochée que sur une face lice, et tourne plus vite par conséquent. Eh bien, cette conception des choses… est vraie. Si vous aviez mis votre main au feu, vous pouvez souffler un grand coup, et ranger le bec bunsen.
Elle est vraie, mais dans une certaine mesure seulement. De nos jours, avec l’aide des radars et autres simulateurs, beaucoup se sont amusés à taper dans des balles avec des clubs à la face complètement lice. Le résultat est très net : le nombre de rotations par minute imprimées à la balle est plus petit. De moitié ? Des trois quarts ? En quasi-totalité ? Non… seulement de 5 à 10 % en moyenne. Pour ce qui est de la distance parcourue et de l’angle de décollage, c’est du pareil au même. Qu’on se le dise : une face lisse est parfaitement capable de générer du spin.
D’un point de vue de pure physique, dans un monde parfait, il est même préférable d’avoir une face de club complètement lisse. Ainsi, durant les quelques millisecondes où club et balle sont en contact, aucun vide ne se crée, les deux surfaces ne se quittent pas. Attendez, un peu comme… Mais oui, bien vu, un peu comme une voiture de course, sur piste sèche, est plus rapide quand elle est munie de pneus lisses. La gomme a une plus grande surface de contact avec la route, et l’adhérence est maximisée. C’est logique.
Sauf que nous ne vivons pas dans un monde parfait. Et surtout pas sur un terrain de golf, n’importe quel golfeur vous le dira. Tester des clubs sans stries, en intérieur et sur des tapis, c’est bien beau, mais dans la vraie vie, il y a des brins d’herbe, de la terre, des grains de sable, et même, parfois, de l’eau. Or, que se passe-t-il si, au volant de votre formule 1, vous persistez avec vos pneus lisses sur piste humide ? Ces pneus vont accumuler une pellicule d’eau sous leur surface de contact avec la route, ce qui, à terme, va soulever la voiture, et la priver d’adhérence. Vous ne rêvez pas : nous venons tout simplement de décrire sommairement le phénomène d’aquaplaning.
La solution, pour des pneumatiques, est donc de creuser des stries, afin que l’eau s’y engouffre, s’évacue, et que les parties saillantes gardent contact avec le tarmac. Pour des clubs de golf, c’est exactement la même chose. Les stries vont pouvoir recueillir tous les déchets récoltés pendant l’exécution du coup, et ainsi garder un maximum de métal disponible pour contacter la balle.
Le phénomène est particulièrement visible quand le test du club sans strie est effectué en mouillant, même légèrement, la face de club et la balle. Les chiffres sont alors sans appel : tandis que le club strié s’en sort honorablement (spin quasi constant, distance et angle de décollage inchangés), le lisse n’imprime presque plus de rotation, ce qui est la garantie d’un vol de balle chaotique. Pas vraiment le rêve pour tout golfeur.
C’est la raison pour laquelle les stries sont aussi présentes sur les bois, dont on n’attend pourtant pas qu’ils impriment un effet retro à la balle pour la faire reculer à l’atterrissage. Si vous êtes golfeur, prenez vos bois de parcours, et remarquez que, très probablement, ils ont quelques stries à l’endroit de l’impact, et peut-être un peu plus sur la pointe et le talon. Cela est dû au fait qu’un bois de parcours peut être joué depuis le fairway, et peut donc subir l’interférence de l’herbe, de la terre ou de l’eau. Maintenant, prenez votre driver, et voyez comme le centre de la face est, a priori, dépourvu de stries. Comme le driver est destiné à un coup de départ avec une balle haute sur le tee et soigneusement nettoyée, il vaut mieux optimiser la surface de contact. En quelques sortes, le driver, c’est un pneu lisse. Et tous les autres clubs, des pneus pluie.
Sans doute avez-vous déjà entendu votre enseignant insister sur l’importance de nettoyer régulièrement vos clubs, et de garder vos stries bien propres. Un conseil sage, en effet. Car des stries bouchées ne remplissent plus bien leur rôle, de la même manière que des pneus usés ne remplissent plus bien le leur. Mais une fois sur le parcours, soyez également vigilant à la présence d’eau ou de débris sur votre face de club après un mouvement d’essai. Car eux aussi peuvent rendre le système inopérant. Tant pis si le bas de pantalon doit servir de chiffon de fortune, cela vaut toujours mieux que de louper un coup. Par ailleurs, lorsque vous êtes autorisé à relever votre balle et à la nettoyer, n’hésitez surtout pas à le faire. Si votre partenaire de jeu vous demande pourquoi vos prenez tant de précautions, répondez-lui simplement : « C’est comme en Formule 1 ».
Ah, oui. Le putter. Lui aussi peut avoir des stries sur sa face, même si leur présence est beaucoup moins systématique que sur les autres clubs. On entend parfois dire que ces stries permettent d’optimiser la roule de la balle, ou encore de corriger la trajectoire d’une balle décentrée. Sauf que cette fois, c’est faux. La roule de la balle est avant tout déterminée par le loft dynamique, autrement dit l’ouverture de votre face de putter au moment de l’impact. Quant à la direction, elle est facteur de l’orientation de la face de club à ce même moment d’impact.
Lorsque des stries sont présentes sur un putter, leur rôle est avant tout d’adoucir le contact de balle. En effet, le putting est purement une histoire de transmission d’énergie entre la tête de club, qui a une certaine masse et une certaine vitesse, et la balle. Si une tête de putter est massive, elle va transmettre une plus grande énergie cinétique à la balle qu’une tête plus légère. Pour la vitesse, c’est encore pire, puisque l’énergie cinétique se calcule non pas en fonction de la vitesse, mais de son carré. Ainsi, pour ne pas transformer les putters en trampolines, des fabricants munissent leurs faces de stries. En ayant moins de surface de contact avec la balle, l’énergie cinétique transmise sera moins grande. Pour les inserts, le principe est le même : en absorbant davantage le choc que le métal brut, l’insert va permettre de diminuer l’énergie cinétique transmise à la balle. Tout est alors une question de sensations dans vos mains, pour déterminer quel putter vous convient le mieux. Mais n’attendez de quelques rainures sur votre face qu’elles soient capables de remettre vos putts dans la bonne ligne.