Sujette à fantasmes de la part des profanes du golf, couteau suisse de tous les golfeurs un tant soit peu gênés par l’attitude du voisin, confondue par les uns ou les autres avec le code vestimentaire ou les règles du jeu… et si l’on vous disait que l’étiquette, sous ce nom, n’a aucune existence officielle ?

Introuvable étiquette
Pratiques, ces lecteurs de fichiers PDF. Pas besoin d’éplucher un ouvrage de part en part pour y débusquer un terme, ni de le parcourir une seconde fois pour s’assurer de son absence. Un simple appel à la fonction « rechercher » permet de constater la chose suivante : dans les règles officielles du jeu de golf, telles qu’elles sont en vigueur depuis le 1er janvier 2023, le mot « étiquette » n’apparaît nulle part.
Impossible, pourtant, d’y déceler une perte à la traduction. Les règles du plus beau jeu du monde sont originellement libellées dans la langue de Shakespeare par le Royal & Ancient de St Andrews. Habiles importateurs, nos amis britanniques ont repris chez eux, avec une définition très similaire à la française, le terme « etiquette ». Seul l’accent aigu a été saisi par la douane. Mais dans leur version, pas plus d’occurrence du vocable.
Pour approfondir
Les Règles de golf 2023Les usures du temps
Face à cette absence, le golfeur de longue date ouvre nécessairement des yeux ronds. Toutes ces années, il lui a été demandé de faire attention à l’étiquette, de respecter l’étiquette, de faire respecter l’étiquette, de mal jouer s’il le veut mais de surtout jamais, au grand jamais, enfreindre l’étiquette. Il a joué sa balle dans les plus belles traces de pas laissées dans les bunkers, marché en slalom spécial parmi les divots non ramassés, relevé la demi-douzaine de pitchs qui donnaient un profil très spécial à sa ligne de putt, et ainsi blâmé tous ces gens qui ignoraient sciemment l’étiquette… tout cela pour réaliser que l’étiquette n’existe pas ?
Premier élément pour le rassurer, elle n’existe pas sous ce terme en 2025, mais non seulement elle a pris d’autres formes (lire plus loin), mais surtout, elle a bel et bien porté ce nom par le passé. Un passé pas si lointain d’ailleurs. Jusqu’en 2019, le chapitrage du livre des règles officielles du jeu de golf était différent. Ainsi, la version entrée en vigueur au 1er janvier 2016, avant de statuer sur les règles du jeu proprement dites, s’ouvrait par une première section intitulée « Etiquette ; Behaviour on the course », soit « Étiquette ; Comportement sur le terrain », dans la version traduite.

Pénalité ? Quelle pénalité ?
Cette section remplissait alors trois pages, et traitait du respect dû aux autres joueurs, au parcours, de la marque du score, de la cadence de jeu… bref, rien d’inconnu à qui s’est initié au jeu de golf. Mais le plus curieux est sans doute le dernier paragraphe de la section, qui porte le doux titre « Conclusion ; Pénalités en cas d’infraction ». Or, quelles pénalités prévoit ce paragraphe en cas d’infraction à ladite étiquette ? Techniquement et littéralement… aucune.
Il est recommandé au comité d’une épreuve de « prendre toute mesure disciplinaire appropriée » à l’encontre de quiconque enfreint régulièrement ces principes. Il lui est même donné le droit de disqualifier la personne en question. Sauf que… c’est en résumé le seul droit qui lui est donné. Selon ces règles, il n’était pas possible d’infliger des pénalités en coups ou en trous perdus. C’était, en quelque sorte, la disqualification ou rien.
En 2019, tout s’éclaire… et l’étiquette repart dans l’ombre
Arrive la version des Règles de golf applicable au 1er janvier 2019. Cette édition a proposé la plus vaste et la plus visible refonte récente des règles du jeu, offrant des dispositions entrées très concrètement dans la vie quotidienne des golfeurs (droit de garder le drapeau dans le trou, drop au niveau du genou, passage du temps imparti pour la recherche de balle de cinq à trois minutes, etc.). Au milieu de tous ces changements, elle a aussi supprimé la section consacrée à l’étiquette, pour l’intégrer directement aux règles du jeu. Et pour bien en signifier l’importance, le R&A lui a donné une place dans la règle n° 1. Sauf que dans le processus, le terme « étiquette » a donc disparu, dans la version anglaise comme dans la version française.
De quoi doit-on donc parler, désormais ? De « normes de comportement ». C’est le titre de la règle 1.2, qui est elle-même divisée en deux. Dans la règle 1.2a est décrit le comportement attendu de tous les joueurs (patience, on y arrive). Il est une nouvelle fois précisé : « Il n’y a pas de pénalité selon les règles pour un manquement à ces recommandations », même si le comité garde le droit de disqualifier une personne pour manquement grave. La grande nouveauté vient surtout la règle 1.2b, qui institue le code de comportement.
Ainsi, le comité organisateur d’une compétition peut édicter ses propres règles quant au comportement qu’il escompte de ses participant(e)s. Ces règles spécifiques sont alors consignées dans un « code de comportement ». Chose importante : il est donné le droit de prévoir des pénalités en cas d’infraction. « Par exemple une pénalité d’un coup ou la pénalité générale » - autrement dit deux coups en stroke play et perte du trou en match play, précise cette règle.
Prenons l’exemple de votre fédération préférée, qui a ainsi édicté un code de comportement régissant toutes les épreuves fédérales françaises. Il y est précisé, pour ce qui est du stroke play, que « Le Comité de l’épreuve, en fonction de la gravité de l’infraction, aura le choix d’appliquer les pénalités suivantes : avertissement, un coup de pénalité, pénalité générale ou disqualification. »
Mais alors, il y a quoi dans ces « normes de comportement » ?
Vous vous souvenez des trois pages de la section spécifique à l’étiquette des anciennes règles ? Les règles actuelles ont fait bien plus court : même pas une page entière. Et sans écrire plus petit ! Trois points sont spécifiquement soulevés :
- Agir avec intégrité, autrement dit respecter les règles et s’appliquer les pénalités le cas échéant.
- Faire preuve de considération envers les autres, et donc jouer à un bon rythme et dans le souci de la sécurité de tous.
- Prendre bien soin du parcours, en retrouvant le triangle magique : ratisser les bunkers, replacer les divots, réparer les impacts de balles.
Car oui, c’est cela, en réalité, l’étiquette : des préceptes simples qui visent à permettre à chacun de vivre une expérience agréable sur un parcours de golf. Et pas du tout de lourds protocoles qui dicteraient le comportement de tout le monde à chaque instant, dans une sphère codifiant chaque mouvement. Tiens mais au fait, quelle définition le Larousse donne-t-il du terme « étiquette » dans son acception réglementaire ? « Cérémonial et usage dans une cour, une réception officielle ; protocole. » Finalement, sa disparition des Règles du golf n’est pas si étonnante.