Moment charnière dans une carrière de golfeur, la transition entre le statut d’amateur et celui de professionnel est toujours délicate à gérer. Alors comment la Fédération s’investit pour aider les jeunes talents dans ce processus ? Jean-Luc Cayla, directeur de la performance, nous en dit plus.

David Ravetto est un des joueurs qui va bénéficier des aides de la Fédération lui qui vient tout juste de passer pro. © Lucas Hélin

Quelles sont les attentes des amateurs au sujet de cette transition ?

Jean-Luc Cayla : leurs attentes se limitent à leurs besoins. Le constat c’est qu’ils ne savent pas vraiment ce dont ils ont besoin. Il faut donc anticiper tout ça et le faire bien avant le passage pro. Aujourd’hui on manque d’un guide, d’une sorte de ligne directrice pour aiguiller et sensibiliser les très bons amateurs sur ce qu’est être un joueur pro.

Si on fait les choses dans l’ordre, dans un plan de carrière, en prenant l’exemple d’un très bon joueur amateur ; son niveau de golf est déjà très élevé, il va donc chercher la performance. La suite logique est d’intégrer une filière de haut niveau. Il ou elle va ensuite se confronter aux meilleurs, s’entourer d’un staff, se déplacer sur des épreuves internationales, pourquoi pas jouer pour les équipes de France. Pendant toute cette période les frais engagés sont assez anecdotiques pour un jeune amateur (de l’ordre de 5000 à 6000 euros pour l’année) mais c’est normal puisque c’est la Fédération qui prend en charge et qui s’engage à soutenir ce jeune dans son projet professionnel. Un jeune amateur en structure coute à la Fédération environ 60 000 euros par an. On se le permet car notre but est tout simplement de former des champions. Sauf qu’une fois le statut pro acquis, tout ça disparaît et c’est à ce moment précis que les manques se ressentent. D’où la volonté d’en faire plus, plus tôt, pour que la transition soit plus simple.

Concrètement, comment allez-vous préparer ces amateurs à la vie de professionnel ?

Jean-Luc Cayla : Auparavant, c’était un peu la débrouille une fois passé pro. Cela fonctionnait de manière très inégale et non structurée. Certains avaient des difficultés à s’organiser, à gérer leur calendrier, leur staff, leurs finances mais ça va changer. La différence c’est qu’on va structurer cet accompagnement. On a identifié les sujets, on va organiser ça de manière cyclique pour que tout le monde passe dedans avant de se tourner vers le monde professionnel.

On démarre un programme pour les deux années qui viennent et il y aura des interventions deux à trois fois par an à destination des amateurs de haut niveau qui ont un projet solide et une vraie envie de passer pro. Typiquement une fille comme Pauline Roussin-Bouchard va pouvoir en bénéficier.

On va d’abord pousser fortement sur les langues et notamment l’Anglais qui doit être maîtrisé par tous. C’est la langue de tous les circuits, c’est juste indispensable pour réussir. Il y aura également de la sensibilisation aux notions de dopages. On ne veut pas qu’ils se fassent surprendre par un contrôle et c’est un domaine que les jeunes connaissent peu. Des interventions sur du média training pour apprendre à gérer son image lors des différentes sollicitations sont aussi prévues. Prenons encore fois l’exemple d’un garçon comme Charles Larcelet qui en 2019 passe le cut de L’Open de France en étant amateur et qui se retrouve sous la lumière. C’est assez difficile à gérer et on se doit de les sensibiliser sur ce point qui fait partie intégrante d’une carrière pro.

Bien sûr il y aura toujours une aide financière pour les amateurs sous forme de défraiement et non d’argent. Et puis enfin des conseils sur comment créer son équipe et comment préparer le financement d’une saison. Le but étant de professionnaliser nos amateurs et de leur donner les bons réflexes. 

Et une fois passé pro, le soutien de la Fédération se poursuit-il ?

Jean-Luc Cayla : Oui bien sûr ! Les néo-pros bénéficient d’un soutien de la Fédération sur quatre axes. Le premier est financier puisque certains reçoivent une enveloppe de plusieurs milliers d’euros pour les accompagner dans leur saison. Il faut avoir 30 ans maximum, avoir moins de 3 ans de circuit et des gains inférieurs à 500 000 euros sur l’année pour être éligible. Il y a donc cette année un petit nombre de joueurs, comme David Ravetto par exemple, qui vont recevoir cette aide.

Le deuxième axe porte sur les invitations. Plusieurs wild-card sont distribuées notamment pour disputer des épreuves françaises du Challenge Tour ou encore de l’European Tour comme l’Open de France. Cela marche avec les pros mais aussi avec des amateurs de haut niveau. C’est un coup de pouce non négligeable qui offre une visibilité aux joueurs mais aussi la possibilité de jouer face aux meilleurs.

Le troisième axe c’est la mise à disposition des infrastructures comme le Stadium du Golf National ou encore tous les outils techniques (Analyse 3D, tapis de putting indoor etc) disponibles sur les centres de performance.

Le quatrième axe est plus de l’ordre du conseil. Si un joueur veut des contacts ou cherche à se renseigner sur des questions fiscales du statut de pro, nous sommes là pour répondre au mieux à sa demande. Du jour au lendemain le sportif qu’il est devient aussi chef d’entreprise et tout ça fait souvent l’objet de contrats. Tous n’ont pas les connaissances pour gérer seul ce genre de choses et ils font parfois appel à nous pour les aider.

Enfin il y existe une autre aide qui est orchestrée par la ffgolf et qui est à mes yeux l’une des plus importantes. Certains coachs fédéraux travaillent avec des joueurs pros comme Julien Guerrier entraîné par Jean-François Lucquin (Coach équipe de France Boys). C’est l’occasion idéale pour nous et pour eux de créer des rencontres et des instants de partage avec les amateurs de haut niveau. Sous forme de stages ou de rassemblements, beaucoup de très bons amateurs ont la chance de rencontrer et de discuter avec ces pros. C’est une plus-value exceptionnelle car le message que l’ont souhaite délivrer aux amateurs a sans doute plus d’impact lorsqu’il vient directement d’un membre du Tour. Ce lien entre eux est très important et inconsciemment il offre de l’expérience aux jeunes et du plaisir aux pros. Avec l’arrivée des Championnats du Monde 2022 sur notre sol, ces enjeux sur la transition amateur pro sont majeurs. Ils doivent devenir une priorité pour nous si l’on veut faire briller le golf français.