Que ce soit dans le haut niveau ou non, les joueurs amateurs entrent en ce mois de novembre dans la période annuelle de trêve des compétitions. Comment, dès lors, garder le rythme pour être le plus performant possible lors de la reprise en 2022 ? Éléments de réponse avec Amélie Cazé, responsable de la préparation mentale au sein du Centre de performance du Golf National.  

Les conditions hivernales sont parfois un frein à la motivation pour s'entraîner. © Alexis Orloff / ffgolf

L’hiver arrive, et beaucoup de joueurs, de tous niveaux, vont passer plusieurs semaines ou mois sans jouer en compétition. Est-ce que ce manque peut se constater au niveau mental ?

Pas forcément. Déjà, voir d’emblée les conséquences néfastes traduit une manière de voir les choses. L’hiver peut aussi être l’occasion d’avoir du temps, enfin, pour travailler tous les petits points qui ont été relevés pendant la saison. La clé, pour passer un hiver productif, et revenir en forme dès les premiers tournois, au mois de mars ou un peu avant, c’est d’abord de faire un bilan de la saison qui vient de s’achever. De se dire ce qu’on a réussi, ce sur quoi on s’est amélioré, et ce qu’on aimerait continuer à améliorer. De faire aussi une projection sur ce qu’on aimerait qu’il se passe en 2022. Il faut donc avoir ces objectifs, avec pour ambition de trouver du sens au cours de l’hiver. Effectivement, souvent, c’est la compétition qui va amener du sens, et quand il n’y en a plus, on va se dire qu’il n’y a plus de sens. En fait, ce n’est pas vrai. Il faut simplement garder un peu plus de motivation, car effectivement, il fait froid. Mais à partir du moment où on a cette motivation et qu’on sait pourquoi on y va, ça aide déjà beaucoup. Toute la question est de trouver la raison qui va faire qu’on va avoir envie de continuer à s’entraîner.

Est-ce que se remettre en quasi situation de compétition, au lieu d’aller jouer sa partie de manière un peu trop détendue, peut être une méthode efficace ?

Encore une fois, on en revient à la motivation personnelle. J’accompagnais récemment un joueur amateur, et qui me demandais « Alors, à ton avis, qu’est-ce que je fais cet hiver ? ». C’est une personne qui fonctionne beaucoup par défis. Et effectivement, ça a du sens de se dire que par exemple, toutes les trois semaines, on se fait un parcours un peu plus "challenging", avec des paris à la clé ou ce genre de choses. De toute façon, le contexte de la compétition sera très peu reproductible. La tension et l’émotion seront toujours difficiles à retrouver ailleurs. En revanche, ça peut être intéressant pendant deux ou trois semaines de faire un bilan, d’aller faire 9, 14 ou 18 trous avec des amis, peu importe, et de se mettre des défis, en pariant le resto ou quelque chose de ce genre. On en revient à la question du sens. Faire une partie juste pour faire une partie et trouver du plaisir, c’est ok, ça dépend du niveau d’attentes et d’acceptation de chacun. Par contre, faire une partie et ne pas savoir pourquoi, ça n’a pas de sens.

Faire une partie et ne pas savoir pourquoi, ça n'a pas de sens.

Justement, est-il pertinent de profiter du début de l’hiver pour jouer de manière un peu plus ludique, et décompresser après une saison de compétition ?

Oui, j’ai même envie de dire que c’est la base de retrouver du plaisir. Il y a souvent beaucoup de compétitions au cours de la saison, donc ça peut être bien de profiter de l’hiver pour se dire qu’on va vraiment jouer au golf. Parfois, en compétition, avec la pression et l’envie de bien faire, on a envie de résultats, et on oublie qu’à la base, le golf, c’est jouer et prendre du plaisir. C’est le moteur le plus puissant. Donc à mon sens, la partie 100% plaisir du dimanche, si elle donne de l’énergie, de l’envie et de la joie, il ne faut pas s’en priver. Après, le but, c’est de l’inscrire dans un schéma plus large d’entraînement d’hiver. Mais ça doit y avoir toute sa place. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise tactique, du moment où elle a un sens.

Sur ce plan, y a-t-il une différence fondamentale entre les joueurs de haut niveau et les joueurs de niveau moindre ?

Sans faire de généralité, je dirais que la différence fondamentale réside dans le fait que l’athlète de haut niveau va peut-être un peu plus avoir le courage d’aller sur le terrain quand il va vraiment faire froid ou mauvais, parce que le projet va être plus fort. Si un joueur de haut niveau a envie de gagner de gros tournois ou d’être en équipe de France par exemple, cette force peut lui permettre de traverser l’hiver, quelles que soient les conditions. Mais ça dépend de tout un chacun.

Il faut se dire "Chouette, j’ai perdu mes repères"

Vous dites que les conditions de compétitions sont, quoi qu’il arrive, difficilement reproductibles. Cela veut-il dire que lors de la reprise de la compétition, il ne faut pas s’inquiéter si l’on est en recherche de ses repères et de ses sensations ?

Effectivement, je pense qu’avec deux ou trois mois sans compétition, il faut accepter que ce soit forcément un peu plus flou. C’est pour ça que c’est important de faire le bilan de l’année, de bien noter ce qu’on a appris, nos routines, nos techniques, nos stratégies. Le but est justement qu’au mois de mars, le corps aura peut-être oublié certains repères, mais relire ces notes pourra aider à se remettre dans cet état de performance. Et puis en un sens, j’espère que lors de la première compétition au mois de mars, les repères auront changé, parce qu’il y aura eu plus d’entraînement technique l’hiver, et donc une amélioration. Finalement, c’est aussi bon signe d’avoir des repères différents, et presque souhaitable. Donc au lieu de se dire « Zut, j’ai perdu mes repères », il faut se dire « Chouette, j’ai perdu mes repères », parce qu’on s’en est créé de nouveaux et qu’on a progressé. Maintenant, la question est de savoir comment on met ça en application en mode compétition. Et la première compète sera alors une opportunité, et pas une fatalité.


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