Au quotidien, la vie des joueurs de golf des universités américaines est rythmée par les entraînements, le but étant de gagner sa place dans l’équipe lors des tournois. Et même dans ce domaine, les réglementations sont assez strictes.

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Sortons immédiatement du jeu l’image d’Épinal des étudiants américains festoyant ensemble dans leur résidence jusqu’à des heures impossibles, et partant dès la quille printanière vers la Floride pour le proverbial Spring Break. Car toutes problématiques de covid mises à part, et sans dire que les étudiants athlètes ne participent jamais à quelques amusements, ce mode de vie présente une certaine incompatibilité avec un réveil à 6 h tous les matins pour faire une séance de sport avant le lever du soleil, et enchaîner sur l’entraînement golfique couplé aux cours ordinaires pour le reste de la journée.

Même si certaines universités logent par principe leurs athlètes dans les mêmes locaux que leurs autres étudiants, afin de favoriser la mixité, les golfeurs ont donc un style de vie plutôt orienté vers l’optimisation de leur forme physique. « Être à l’université m’a donné une opportunité de m’entraîner tous les jours, chose que je n’avais alors jamais connue de ma vie, témoigne Adrien Pendaries, étudiant à Duke depuis septembre 2017. J’ai tout de suite beaucoup aimé ça. À Duke, le système est très professionnalisé. »

Golf tous les jours donc… enfin pas tout-à-fait. Pas sans certaines limites en tout cas. En effet, les nombreuses réglementations de la NCAA (lire épisodes précédents) englobent jusqu’à l’entraînement. Les coaches n’ont ainsi pas le droit de programmer plus de 20 h de séances par semaine, qu’elles soient d’entraînement golfique proprement dit, ou d’entretien physique. Par ailleurs, hors tournoi, ils ont l’obligation de laisser leurs étudiants entièrement libres un jour par semaine.

Une réglementation qui n’interdit pas, en revanche, l’entraînement en autonomie au sein des installations de la fac. « Clairement, 20 h, ça passe très vite », explique Chloé Salort, étudiante à Kent State depuis janvier 2018. « On sait tous que pour percer après dans le haut niveau, 20 h, ce n’est pas assez », ajoute Adrien Pendaries.

Beaucoup sont d’ailleurs ceux qui mettent à profit ce temps pour travailler avec les membres de leur propre staff (coach de swing, coach mental, etc.). Sur ce plan, les relations par écran interposé n’ont pas attendu la pandémie pour se développer.

L'intégration

Tout cela paraît simple dans l’énoncé. Mais pour les nouveaux arrivants, ou « freshmen » dans le jargon (cf. lexique ci-contre), un temps d’adaptation est forcément nécessaire. Car oui, les étudiants sont désignés par des noms différents en fonction de leur ancienneté dans le cursus ordinaire de quatre ans (une cinquième année est optionnelle, si l'étudiant souhaite par exemple obtenir un master). « Il a fallu que je m’adapte à un nouveau style de vie à l’université, confirme Adrien Pendaries. Ça prend forcément du temps, et puis ça pèse sur tout. Sur le parcours, tu ne penses qu’au devoir que tu dois rendre dans deux jours et que tu n’as pas encore commencé. Du coup, au début, je ne jouais pas bien, mais ça n’avait pas grand-chose à voir avec le golf. »

« L’été avant que je parte à la fac, une Suédoise et une Norvégienne qui y étaient déjà sont venues me voir quand on était au championnat d’Europe, pour qu’on fasse connaissance, narre de son côté Chloé Salort. Une fois à la fac, elles m’ont bien intégrée, ça s’est fait naturellement. » Une relation à construire également avec le coach et l’ensemble de son staff. « Il faut baser tout ça sur la confiance, poursuit la pensionnaire du RCF La Boulie. Ne pas avoir peur, ne pas hésiter à parler. Quand ça ne va pas, il faut le dire. À l’entraînement, il faut que le coach puisse voir ce qui ne va pas, pour savoir sur quel point il peut nous aider. »

La sélection

Car l’autre enjeu majeur de toutes ces sessions d’entraînement à domicile est de gagner sa place dans l’équipe de la fac pour disputer les tournois. Pour rappel, cinq places sont généralement disponibles pour un événement, alors que l’effectif de la fac (le « roster ») est en surnombre. « Personne ne veut être remplaçant, campe Adrien Pendaries. Ça peut être une source de pression, mais pour moi, ça a plutôt été une motivation. »

Chaque université organise sa sélection comme elle l’entend, mais le plus souvent, les premières places sont attribuées automatiquement par une qualification jouée en interne, et les autres à l’appréciation du staff. « J’ai toujours un petit stress dès qu’il y a un tournoi où je ne joue pas forcément très bien, confie Chloé Salort. Quand c’est comme ça, je vais me dire qu’il faut que je me reprenne. Ce n’est jamais acquis, il faut se donner à fond tout le temps. » Une mentalité qui a pour l’instant permis à la vice-championne d’Europe 2020 de ne manquer qu’un seul petit tournoi lors de sa première année, et ce à cause d’un ennui physique mineur. Désormais dans son année « Senior », elle est solidement installée comme titulaire.

Quelques procédures un peu plus originales peuvent exister pour la sélection de l’équipe. Ainsi, à Duke, deux des cinq joueurs sont désignés par un vote de l’ensemble du roster« J’ai loupé un seul tournoi, le 3e de ma première année, se souvient Adrien Pendaries. Je n’avais pas très bien joué au 2e, et j’ai été sorti. Lors du vote, je n’ai même pas voté pour moi, c’est dire si j’étais lucide sur la situation de mon jeu », sourit le joueur de Saint-Nom-la-Bretèche.

La concurrence

Forcément, avec ces places limitées, se pose la question de la relation avec ceux qui peuvent être des concurrents à l’intérieur des murs de la fac, pour devenir de vrais coéquipiers lors du tournoi. Tout est question de placement de curseur. « On sait au fond de nous qu’on est en compétition les unes avec les autres, admet Chloé Salort. Mais on sait aussi qu’on est amies. Si une joueuse joue mieux que moi, je me dis tant pis pour moi et tant mieux pour elle, je la battrai la prochaine fois. »

« Il ne faut pas souhaiter que l’autre joue mal, confirme Adrien Pendaries. C’est important que les joueurs continuent à se soutenir entre eux. » À en croire les étudiants eux-mêmes, les tournois sont de toute manière un contexte favorable à la fraternisation : « Partir en tournoi et être en chambre avec une fille en particulier, ça aide beaucoup à mieux se connaître », souligne Chloé Salort. Et donc à faire triompher ses couleurs au final.