En difficulté depuis le début de saison sur le Korn Ferry Tour, l’horizon de Paul Barjon s’est subitement dégagé le 2 juillet avec cette victoire dans l’Illinois. 28e de la Points List, le Français valide pour l’instant son ticket pour le PGA Tour 2024. Interview.

Paul Barjon victorieux le 2 juillet dernier dans l'Illinois. Une victoire capitale dans la course à la montée sur le PGA Tour 2024 © Jeff Curry / Getty Images North America - AFP

Après quelques jours de repos bien mérités consécutifs à sa victoire au Memorial Health Championship, la deuxième de sa carrière sur Korn Ferry Tour, Paul Barjon est dans le Colorado cette semaine (The Ascendant presented by Blue) pour confirmer cette embellie. L’objectif est désormais d’améliorer son classement actuel et d’assurer le plus tôt possible son droit de jeu sur le PGA Tour 2024 afin d'être, qui sait, au départ du prochain Open de France au Golf National. Comme en 2022...  

En quoi ce succès le 2 juillet au Memorial Health Championship change fondamentalement votre fin de saison sur le Korn Ferry Tour ?
Cette victoire relance effectivement ma saison… C’est clairement un gros coup de réalisé… J’étais classé 143e avant cela. J’étais très loin du top 30 qui permet de retrouver le PGA Tour en 2024. Il me fallait un bon résultat et celui-ci est arrivé au meilleur moment.

Comment avez-vous vécu ces six premiers mois de l’année durant lesquels vous n’avez jamais accroché le moindre top 20 ?
Franchement, je jouais plutôt pas mal. Tous les secteurs de jeu étaient en amélioration mais rien ne s’alignait au même moment. Il y avait des semaines où cela n’allait pas au putting, une semaine où ça ne drivait pas bien… Il n’y avait pas vraiment de connexion. Cela a un peu changé à l’US Open où j’ai très bien joué le premier jour avant de moins bien joué le vendredi, notamment au niveau du driving. C’était quelque part à l’image de la saison avec de très belles journées et de moins bonnes. Et puis là, ça a clické dans le bon sens…

Vous évoquez l’US Open au Los Angeles Country Club. N’est-ce pas dans ce grand rendez-vous que ce fameux déclic a finalement opéré ?
Oui, c’est vrai. Déjà, quand je me suis qualifié pour cet US Open, il y avait eu un bon feeling. La semaine d’avant, j’avais aussi bien joué même si j’avais manqué le cut d’un coup. Les choses allaient dans la bonne direction. Cela vous donne confiance quand jouez bien dans un US Open, quand on voit qu’on peut se retrouver dans un top 10, un top 5 d’un tournoi Majeur. Même si ce n’est que sur une journée (Ndlr, il a signé une carte de 67 (-3) le premier jour avant d’échouer à un point du cut le vendredi après avoir posté un lourd 76 (+6)). C’est bien, ça prouve je ne suis pas à la masse. Cela redonne un peu de vie au projet…

Ces six premiers mois, était-ce aussi le temps qu’il vous fallait pour digérer complètement votre retour sur le Korn Ferry Tour après une saison sur le PGA Tour ?
Je ne pense pas. C’est quelque chose que j’avais digéré assez facilement. J’essaie toujours de m’améliorer sur toutes les parties de mon jeu. Des fois, cela prend un peu plus de temps que prévu. C’est le golf. On traverse des moments plutôt bas. Durant ces six mois, j’ai toujours eu une journée où je me retrouvais entre le par et +2… Au lieu de faire -5, tu finis à sept coups de là où tu aurais pu finir… Et au lieu de faire un top 10, tu termines 40e… Et ça ne rend pas de points…

Il me manquait quelqu’un dans le registre des plannings d’entraînement, la stratégie et les statistiques. J’ai commencé à travailler avec Robin Cocq durant l’hiver et j’ai vraiment l’impression que cela m’a beaucoup aidé.

Et puis il y a ces larmes au micro au moment de commenter en bord de green cette victoire dans l’Illinois. Elles témoignent très certainement de ce trop-plein de stress accumulé depuis plusieurs mois…
Oui. C’est vrai… Surtout quand on ne voit pas les résultats arriver… C’est drôle car la semaine d’avant, j’avais consulté le programme des cartes, voir comment ça allait éventuellement se passer. Parce qu’à un moment, il faut être réaliste. Si on finit en dehors du top 70 du Korn Ferry, ça devient très compliqué. C’est marrant parce que j’en avais discuté en début d’année avec mon entraîneur (Jon Sinclair). Il me disait : « Tu es beaucoup trop focalisé sur le résultat » Il m’avait élaboré une petite pyramide composée de trois possibilités qui peuvent arriver en fin de saison : top 30 et on monte sur le PGA Tour, top 70 et on garde son droit de jeu sur le Korn Ferry, au-delà du top 70 et on part pour les cartes et ça recommence depuis le début. Tout ça pour dire que ces trois options peuvent se matérialiser en jouant correctement. On peut faire le boulot, suivre le plan et finir néanmoins 71e. On a mis tout ça à plat, on s’est remis au boulot en se fixant ce qu’il fallait faire. Et ça a bien fonctionné. Durant l’Open de France l’an passé, j’ai également rencontré Robin Cocq. On a parlé tous les deux. J’en ai discuté ensuite avec Julien (Brun) qui s’entraîne avec lui et c’est vrai qu’il me manquait quelqu’un dans le registre des plannings d’entraînement, la stratégie et les statistiques. J’ai commencé à travailler avec Robin durant l’hiver et j’ai vraiment l’impression que cela m’a beaucoup aidé. Cela a mis du temps à porter ses fruits mais ça s’est concrétisé. On bosse à distance tous les deux depuis le mois de janvier.

Vous êtes désormais 28e au classement (Points List). L’objectif est évidemment d’améliorer cette position et d’assurer rapidement votre carte pour le PGA Tour…
Oui, complètement. Je vais continuer dans le même sens, comme depuis le début de la saison. C’est-à-dire la planification des tournois et l’entraînement. Les trois derniers tournois de la saison sur le Korn Ferry (Ndlr, entre le 14 septembre et le 8 octobre) auront des champs qui vont se réduire de semaine en semaine. Un peu comme sur le PGA Tour. On commence avec 144 joueurs puis ça passe à 120 et la finale se dispute avec 70 joueurs. Cela éclaire un peu le planning, l’emploi du temps. Maintenant que je suis dans le top 30, l’objectif est de finir le plus haut possible et, pourquoi pas, premier du classement.

L’Open de France ? Ce sera un peu chaud. Il faut que je sécurise avant ma place dans le top 30. Mais j’aimerais bien…

Justement, avez-vous modifié votre programme depuis votre victoire ?
Si j’avais le choix, j’aimerais bien jouer trois tournois puis enchaîner avec une semaine de repos. Là, il y a sept tournois consécutifs qui arrivent. Je ne vais pas me fixer de limites. Physiquement, je me sens bien. Mais mentalement, après sept semaines, on est un peu KO. On va voir. Je vais jouer les trois premiers (Ndlr, du 13 au 30 juillet). On avisera pour le quatrième (dans l’Utah du 3 au 6 août). On verra comment ça se passe au niveau des résultats. Et au niveau des sensations, à la fois physique et mental.

Vous avez évoqué l’Open de France. Peut-on vous voir de nouveau au Golf National du 21 au 24 septembre prochain sur le DP World Tour ?
Les dates coïncident avec l’avant-dernier tournoi de la saison sur le Korn Ferry Tour (Ndlr, Nationwide Children’s Hospital Championship, dans l’Ohio). C’est possible mais il faut que j’en gagne encore un ou deux (rires) ! Ce sera un peu chaud. Il faut que je sécurise avant ma place dans le top 30. Mais j’aimerais bien. C’est quelque chose qui me tient à cœur (Ndlr, il avait pris en 2022 la 3e place ex aequo avec le Belge Thomas Pieters et le Sud-Africain George Coetzee, à cinq longueurs du vainqueur, l’Italien Guido Migliozzi). C’est toujours une option. J’ai d’ailleurs déjà regardé les billets d’avion pour la mi-septembre. Au cas où...

J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles ça n’allait finalement pas se faire. Je ne comprends pas trop comment cela peut marcher. Beaucoup de gens sont dans le flou.

Selon nos informations récoltées auprès de certains joueurs français du Tour européen, les dix spots qualificatifs pour le PGA Tour en 2024 seraient hiérarchisés après le vainqueur du Korn Ferry Tour mais devant les vingt-neuf autres joueurs de ce même Korn Ferry. Vous confirmez ?
Je ne sais pas ! Cela ne m’étonnerait pas car le premier du Korn Ferry a pour habitude d’avoir un droit de jeu complet, d’être qualifié pour le Players Championship, l’U.S. Open, etc. Les années précédentes, ils alternaient les 25 du PGA Tour qui remontaient et les 25 du Korn Ferry Tour. Là, franchement, je n’en ai aucune idée…

Avez-vous également un peu plus de visibilité sur cette fusion qui s’est matérialisée le 6 juin dernier entre le PGA Tour, le DP World Tour et le Fonds d’investissement public d’Arabie saoudite (PIF) ?
Depuis les deux-trois dernières semaines, on a l’impression que c’est en stand-by. Je n’ai pas entendu de nouvelles. J’ai l’impression que c’est tombé un peu à l’eau cette histoire… J’avais compris que ce rapprochement ne débuterait pas tout de suite. En 2024 voire plus tard… Ceci dit, 2024, c’est dans six mois… J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles ça n’allait finalement pas se faire. Je ne comprends pas trop comment cela peut marcher. Beaucoup de gens sont dans le flou. Je le sens comme ça. Pour moi, on se dirige vers un PGA Tour avec une trentaine de stars et le reste des joueurs feront leur Tour secondaire… C’est effectivement tout sauf clair. Même le système du PGA Tour l’année prochaine est un peu flou. Si on finit dans le top 50, on jouera tous les tournois sans cut… J’ai l’impression qu’on nous prépare une formule où sortir de ce top 50 sera très difficile. Et ce sera très dur d’y rentrer surtout…

Une Ligue mondiale de golf à l’image de ce qui se fait dans le tennis, est-ce envisageable selon vous ?
Je pense que c’est la direction que semble vouloir emprunter le PGA Tour, renforcé avec la présence du DP World Tour mais surtout du PIF. Je ne serais pas étonné que ça se finisse comme ça. Quatre Majeurs, plusieurs gros tournois aux Etats-Unis, quatre gros tournois en Asie, en Europe, en Australie… C’est l’impression que ça donne. Ce qui est dommage dans tout ça, c’est de constater que certains tournois réguliers du PGA Tour proposent aujourd’hui des dotations plus importantes que les Majeurs. Si vous remportez The Open, vous gagnez moins d’argent que si vous gagnez le Wells Fargo. Cela n’a pas de sens. Les Majeurs, c’est le summum de notre profession. Et ça devrait le rester. On vit une époque un peu bizarre !