Joueuse de l'alliance Biarritz-Chiberta lauréate du trophée Golfers' Club en 1982, Isabelle Inchaurraga a retrouvé cette semaine avec émotion le trophée qu'elle avait soulevé il y a 43 ans.

Une vieille histoire d'amour se renoue à Biarritz... © Tomas Stevens / ffgolf

« Ah, te voilà, toi... » Comme dans les vieux films en noir et blanc où deux êtres chers se retrouvent après des années de séparation, Isabelle Inchaurraga ne peut retenir une petite larme en étreignant à nouveau le trophée Golfers' Club. Quarante-trois ans après l'avoir soulevée à l'issue de l'édition 1982 du championnat de France par équipes Dames de 1re série, la joueuse qui portait à l'époque les couleurs de l'alliance formée par Biarritz et Chiberta peut enfin serrer à nouveau, 43 ans plus tard, la précieuse coupe contre son cœur. « C'est merveilleux de faire remonter tous ces souvenirs ! J'aimerais les revivre aujourd'hui avec la maturité accumulée depuis, car à l'époque j'avais juste 18 ans, j'étais un peu réservée, je ne savais pas trop comment vivre ces moments-là pleinement », poursuit-elle avec émotion.

Le 2 mai 1982, Isabelle Inchaurraga scellait la première victoire dans l'épreuve d'un club non issu de la région parisienne. C'était sur le parcours voisin de Chantaco, au terme de la troisième journée d'une compétition qui n'avait pas grand-chose à avoir avec ce qu'elle est aujourd'hui. À l'époque, l'élite féminine française est loin d'être aussi développée et structurée que de nos jours. Malgré une première délocalisation en province en 1971 à Hossegor, la Golfers' reste une affaire essentiellement francilienne, et les clubs des environs de la capitale s'affrontent la plupart du temps entre eux sur leurs terres, les provinciaux rechignant à faire le long déplacement « là-haut ».

Biarritz et Chiberta, l'union fait la force

De retour dans le Pays basque en 1980 à Chiberta, le championnat a lieu pour la troisième fois sur la côte basco-landaise deux ans plus tard, sur le parcours de Chantaco à Saint-Jean-de-Luz. Pour l'occasion, treize clubs sont inscrits : sept de la région parisienne et six du Sud-Ouest. Parmi eux, une intrigante alliance formée par Biarritz et Chiberta. « Le golf du Phare voulait inscrire une équipe, mais j'étais la seule joueuse de première série, donc on est allés voir Brigitte Varangot qui était à Chiberta. Même si elle était déjà dans sa quarantaine, elle n'a pas hésité très longtemps ! J'ai trouvé ça très bien que deux clubs puissent s'allier pour l'occasion, car ça nous a rapprochées, et c'était super de faire ce petit bout de chemin avec "Bibiche", une grande dame du golf français que j'admirais beaucoup. Et il y avait aussi Josiane Poulliat, la deuxième joueuse de Chiberta, qui nous a épaulées et avec laquelle on a formé un beau trio ! » se souvient Isabelle Inchaurraga.

Cette Biarrote pur jus, quant à elle, venait d'avoir 18 ans, et jouait au golf depuis cinq ans seulement, après avoir tâté de la pelote basque dès sa plus tendre enfance. « C'est le grand sorcier Pierre Hirigoyen qui m'a donné les bases, ici à Biarritz. J'ai appris aussi avec René Darrieumerlou, Olivier Léglise, et enfin à Chantaco avec Raymond Garaïalde à l'âge de 16 ou 17 ans. Et là ça a été l'explosion ! J'ai vraiment progressé avec lui », poursuit-elle. Des titres en Grand Prix aux quatre coins de l'Aquitaine viennent garnir son palmarès naissant, fruits d'autant d'efforts et de sacrifices : « J'ai eu une jeunesse très différente de mes copines : je ne sortais pas le soir, je n'allais pas à la plage, je m'entraînais six heures par jour », précise-t-elle.

De g. à d. : Catherine Lacoste, Brigitte Varangot, Marie-Laure Zivy, Lally Segard, Isabelle Inchaurraga et Josiane Poulliat. © D. R.

Saint-Nom barré en qualif', le RCF sorti en demie

Le championnat, disputé les 30 avril, 1er et 2 mai, voit donc l'éphémère alliance Biarritz-Chiberta défier les grosses écuries franciliennes du RCF La Boulie, Morfontaine, Saint-Nom-la-Bretèche ou encore Saint-Cloud. Au terme de la première journée, consacrée à la qualification, le trio basque arrache miraculeusement la 4e place grâce à des scores de 87 en foursome (Varangot-Poulliat) et de 77 (Varangot) et 79 (Inchaurraga) en simple. Pour un coup, les tenantes du titre de Saint-Nom-la-Bretèche sont éliminées, le dernier carré rassemblant le Racing (228), Chantaco (235), Morfontaine (239) et Biarritz-Chiberta (243).

En demi-finale le lendemain, l'alliance défie le RCF, vainqueur de la qualification et largement favori sur le papier. « J'ai joué merveilleusement bien ! », se remémore Isabelle Inchaurraga. « J'ai un flash d'une arrivée au dernier trou en foursome le matin, où je mets un chip au drapeau en laissant un putt presque donné à Brigitte pour gagner... » Après le gain du point du double au 19e face à Odile Semelaigne et Laurence Schmidlin, la benjamine de l'équipe dispose en simple de Karine Espinasse au 15e trou, offrant aux siennes la qualification en finale. Leur adversaire sera Morfontaine, qui a éliminé le club hôte de Chantaco, emmené par sa légendaire joueuse et présidente, Catherine Lacoste.

Une coupure de presse et un extrait du journal personnel d'Isabelle Inchaurraga. © Isabelle Inchaurraga

Les encouragements d'Hervé Claude

La finale, disputée sous le soleil, sur un parcours en excellente condition et devant un public nombreux, commence mal pour Biarritz-Chiberta, qui s'incline au 18e trou dans le foursome matinal. Revanchardes, Brigitte Varangot et Isabelle Inchaurraga réussissent à renverser une situation mal embarquée dans les simples de l'après-midi : la première, pourtant menée 1 down au 9 par Marie-Laure Zivy, s'impose au 16e trou (3&2) pour égaliser à un partout.

La seconde est opposée à Lally Segard, l'une des icônes du golf français qui en dépit de ses 61 ans reste une joueuse redoutable. « Elle avait encore un petit jeu exceptionnel », se souvient son adversaire. « Je l'aimais beaucoup car elle était au-dessus de beaucoup de choses, et elle reconnaissait les joueuses à leur juste valeur. Alors qu'elle était la légende contre la petite jeune, elle a vraiment eu la grande classe, et j'ai adoré son fair-play. » Gagnée par l'enjeu et menée 3 down au départ du 7, la Biarrote se ressaisit et gagne les quatre trous suivants, puis passe 2 up au 13, portée par les encouragements d'un public acquis à sa cause. « Hervé Claude, le présentateur du journal sur Antenne 2, est venu me parler pendant la partie. Je ne sais pas ce qu'il faisait là - il devait être golfeur - mais il s'est approché de moi et m'a dit "continuez à vous accrocher comme ça, car vous avez un jeu merveilleux !" J'étais impressionnée car je l'avais reconnu, et recevoir des mots aussi gentils de la part de quelqu'un comme lui, c'était adorable ! »

Après avoir manqué un court putt pour partager le 14, Isabelle s'accroche : elle a toujours un trou d'avance en arrivant au départ du 18. Malgré une pression maximale, elle distille sur ce dernier par 4 un second coup fantastique, qui finit sa course à 50 centimètres du drapeau et scelle la victoire de l'alliance basque. « J'ai gagné la Golfers'... » sourit-elle avec émotion. « C'était vraiment le Graal pour moi, car après tous les titres régionaux, ça complétait mon palmarès amateur de la plus belle des manières. »

Catherine Lacoste, présidente du Golf de Chantaco, et Isabelle Inchaurraga, lors de la remise des prix. © D. R.

« Une étoile est née »

La victoire des provinciales, restée la seule dans l'histoire de la Golfers' jusqu'au succès de Valescure en 2019, est saluée à sa juste mesure par la presse d'alors : « Une étoile est née ce week-end à Chantaco », conclut l'article du journal local. Pourtant, l'ascension d'Isabelle Inchaurraga vers les sommets du golf hexagonal n'aura pas lieu. « Derrière, on m'a dit que j'étais pré-sélectionnée pour les championnats du monde amateurs de 1982 à Genève, puis on m'a laissé entendre que je serais dans l'équipe, et ça ne s'est pas produit... La politique, le copinage... C'était moche, mais je ne suis pas restée là-dessus et je suis passée à autre chose. J'ai rangé mon sac de golf au garage et je n'y ai pas touché pendant deux ans », avoue-t-elle la gorge nouée.

Isabelle Inchaurraga reviendra au golf quelques années plus tard, passant son brevet d'État pour enseigner de 1989 à 2000 à Ilbarritz, avant de quitter le milieu pour se lancer dans des aventures entrepreneuriales. Même si le golf est resté un amour distant, les regrets et l'amertume l'ont depuis longtemps quittée : « Ma route dans le golf s'est arrêtée, mais pas ma vie ! », conclut-elle dans un dernier sourire. « Aujourd'hui, je ne joue plus beaucoup, mais les quelques parties que je peux faire avec mon fils ou avec des amis me remplissent de bonheur, car le golf c'est avant tout de merveilleux moments de partage ! »

Isabelle et la coupe, il y a 43 ans... © Isabelle Inchaurraga