Chaque année, le système redémarre. Après la diffusion du calendrier d’une nouvelle saison, tous les athlètes s’adonnent à l’organisation de leur propre agenda. Entraînements, phase de « stretch », période de récupération… On prend note de tout ce qu’il y a calculer.
Le calendrier est - évidemment - un indispensable. Annoncé par chaque Tour sur la fin de sa saison, en accord avec les instances qui régissent le golf planétaire (le R&A et l’USGA), il définit l’organisation même d’une année, désigne les semaines qui accueilleront des Majeurs et donne un aperçu de comment les enjeux vont se faire à mesure que les dimanches passent. Pour les athlètes, c’est un fondement, une base. Mais de la même manière qu’il n’y a pas un swing identique à un autre sur tous les circuits du monde, si les fondements du calendrier sont les mêmes, leur construction n’est jamais la même.
Un travail plus ou moins collectif
La construction du calendrier démarre toujours par un geste ultra primordial : « Regarder quand il commence, pour savoir quand il faut être prête » sourit Pauline Roussin-Bouchard qui évoluera sur le LPGA Tour l’an prochain. Ensuite vient le temps de l’ébauche, dont elle seule tient le crayon. « Car la personne qui me connaît le mieux, c’est moi. » Pas de concertation extérieure, si ce n’est celle de sa famille. Chez Tom Vaillant, la musique est différente. Une fois définies les périodes charnières, celles où le DP World Tour concentre le plus de points, il convoque rapidement son staff, notamment son coach Jean-François Lucquin, figure d’une génération antérieure de ce même circuit. « On se connaît par coeur et je sollicite ses conseils. » Mais parfois leur vision diffère. « Lui était capable d’enchaîner cinq ou six semaines sans souci et plus de 30 tournois par an. On est opposés là-dessus mais c’est aussi un moyen de mieux se connaître. » Au total, ce travail d’ébauche se fait en une vingtaine de minutes, quand l’élaboration finale dure deux à trois heures.
La limite des « stretches »
Avec des circuits toujours plus denses en tournoi, il y a une équation que chacun doit résoudre : combien de semaines peut-on enchaîner sans se déliter ? Ces successions de tournois ont un anglicisme, les « stretches », et semblent être plafonnés par les intéressés à quatre semaines, sauf exception. Tom Vaillant en a fait les frais cette année avec cinq semaines consécutives durant l’été, dont un FedEx Open de France en bout de course. « J’étais complètement cuit. » Même avis du côté de son aîné sur le circuit, Julien Guerrier. « Pourtant, il y a quelques années je pouvais faire plus parce que j’avais tendance à être bon sur la fin de mes stretches. » Aujourd’hui, celui qui dispute sa 10e saison dans l’élite donne davantage de priorité à sa vie personnelle : « J’évite de faire plus de deux semaines de suite sans voir mes enfants. Sinon, j’essaie de les faire venir. » Perrine Delacour, elle, avoue être encore en phase d’apprentissage sur ses stretches : « C’est un point que je dois améliorer. » Là est d’ailleurs une règle du monde professionnel : il offre toujours son lot de découvertes. « Ma première année sur le LPGA, j’ai fait deux blocs de neuf semaines d’affilée… et j’ai compris à la dure que c’est quelque chose que je ne devais pas faire » plaisante Pauline Roussin-Bouchard qui se limite elle aussi à quatre semaines au maximum.
Toujours plus de tournois
Parmi les quatre grands circuits de première division, le LET compte 29 semaines de tournois dans une année, le LPGA Tour, 34 ; le PGA Tour 43 et le DP World Tour, 42.
Tout pour éviter la fatigue
Avec une augmentation de 50% du nombre de tournois en dix ans, le LET est un exemple de la densité sans précédent des circuit mondiaux. Densité qui implique plus de voyages, de décalages horaire et d’efforts. Dans ce contexte, la gestion de la fatigue est devenue un art et les respirations naturelles du calendrier, ces semaines où il n’y a pas de tournois, sont des opportunités à ne pas manquer. « Lorsque j’ai une semaine off, je récupère deux ou trois jours et je retape ensuite la balle pour le préparer le prochain événement » explique pour sa part « PRB » avant d’ajouter : « Si j’ai deux semaines off, je peux couper totalement pendant 7 jours ou consacrer du temps à un travail technique si le swing a bougé en cours d’année. » Le golf étant toujours plus poussé dans sa professionnalisation, rien n’est plus laissé au hasard. En 20 ans de carrière, Julien Guerrier l’a observé. Le sommeil est notamment devenu une part de son agenda. « Si je n’ai pas mes 9-10 heures de sommeil à mon âge, je sens que ça peut faire une différence lors d’un putt important le dimanche par exemple. On me l’a toujours dit depuis mes 20 ans mais je ne l’ai assimilé que depuis quatre ans environ. »
S’habituer à l’improvisation
Si le calendrier publié par le circuit est fixe, celui des pros ne l’est pas. L’ébauche de Pauline Roussin-Bouchard évoquée plus tôt ne la suit que sur les premières semaines de l’année. « Ensuite, ça évolue selon les résultats, les points, la participation ou non aux Majeurs et la fatigue. Le plus dur, c’est de rester dans la semaine en cours tout en sachant que ça peut impacter la suite. » Sa compatriote sur le LET appuie davantage cette instabilité : « Les changements ne touchent pas que nous. D’une semaine à l’autre, on peut modifier les plans de tout notre staff parce qu’on rentre dans un tournoi le mardi alors que ce n’était pas prévu. » Pour ce qui est du DP World Tour, la première moitié d’année est « assez simple à gérer » d’après Julien Guerrier ; tandis que « la période de mi-août à la fin de saison est un casse-tête. » Dans ces moments-là, selon le besoin de points, ils ne choisissent plus vraiment. Ils s’adaptent. Un trait propre à leur métier comme le résume le joueur de 23 ans : « Le calendrier restera toujours une matière vivante. Même dans dix ans, je testerai encore de nouveaux ajustements pour trouver ce qui fonctionne le mieux pour moi. »
Se faire plaisir
Parce qu’elle est l’une de leur première essence pour performer, les athlètes agencent aussi leurs semaines en fonction de leurs envies. Les deux Open de France, celui d’Espagne chez les hommes, Crans-Montana, The Amundi Evian Championship… certaines dates sont vite « triplement entourées en rouge » sourit Vaillant. Pour les dames, la Solheim Cup ne change rien à l’organisation des efforts : « une sélection n’est que le résultat de ce qu’on fait toute l’année » s’accordent Delacour et Roussin-Bouchard. Et puis il y a les petits clins d’oeil aux copains : « J’aimerais bien gagner en Turquie cette année, histoire de gommer le dernier nom au palmarès que je ne trouve pas génial » conclut avec humour Tom Vaillant.