Depuis plusieurs mois maintenant, de plus en plus d’athlètes tricolores s’appliquent à avoir une ligne éditoriale sur Instragram. Par plaisir, par influence et surtout par intérêt professionnel.

Bastien Amat est l'un des joueurs les plus récents à s'y être mis, après Marine Griffaut, Théo Boulet ou encore Aymeric Laussot. © Baptiste Laurensou

C’est un usage devenu norme. Poster une publication avant chaque tournoi, avant chaque tour. Toujours sur Instagram. Bien souvent, pour les joueuses et joueurs qui s’y adonnent, la création reprend les mêmes codes : un visuel travaillé, mettant en avant le ou la principal(e) intéressé(e) fers en mains, dans un décor qui se fond avec un design coloré et où apparaissent les mêmes informations de manière récurrente. Au-dessus, le nom du tournoi trône généralement de façon discrète, l’heure de départ des deux premiers tours habillent l’athlète, tandis que le patronyme de celui-ci s’invite ici ou là pour compléter l’ensemble. Marine Griffaut, Aymeric Laussot ou encore Théo Boulet en sont les meilleurs exemples. La première citée se place même comme une précurseur en France, « je n’ai pas peur de le dire » appuie-t-elle dans un sourire. En effet, depuis un an et demi, la membre du Ladies European Tour Access Series (LETAS) publie de manière récurrente des stories annonciatrices de la semaine qui l’attend. Et puis chaque jour, une nouvelle vient raconter son score et donner son rang au classement. Une manière de tenir au courant les quelques 3 231 abonnés qui la suivent. Ses homologues de deuxième et troisième divisions européennes masculines l’ont rapidement imitée, conquis par le caractère créatif de la chose.

© Baptiste Laurensou

Derrière eux, c’est un seul et même homme : Baptiste Laurensou, un ami de Marine et Théo ayant tapé dans les mêmes balles du golf de Meaux-Boutigny lorsque les trois avaient l’âge de 10 ans. Cet étudiant en stratégie d’entreprise, doublé d’un Masters en communication digitale et data analyse, a toujours eu sous la main les logiciels de la suite Adobe à portée de mains. Comme un passe-temps, il en a fait usage pour laisser parler sa créativité. De tutoriels en tutoriels, il a amélioré la gestion de ses calques - les couches qu’il superpose sur Photoshop - pour créer des fondus et harmoniser les formes, jusqu’à trouver un style qui lui est devenu propre.

Aujourd’hui en poste au sein de Alpha Fitting, il envisage de consacrer un jour son temps au métier de community manager. « C’est en réflexion » glisse-t-il au moment d’annoncer qu’il a réussi à attacher ses services auprès de Bastien Amat et Clément Charmasson. Il s’inviterait ainsi dans le cercle qui évolue déjà dans ce métier depuis plusieurs années à l’instar de David « Morpheus » Derhille, responsable de la communication et des relations Media de Matthieu Pavon, ou encore Matthias Coustans et son agence Snats. « J’ai trouvé très inspirant ce qu’avait fait l’équipe autour de Matthieu Pavon à partir de son arrivée et de sa victoire sur le PGA Tour (en 2024, ndlr). Je pense qu’il a été le premier à amener ça en France. » Mais pour l’entreteneur de 24 ans, la tendance était déjà bien ancrée dans le reste du monde, notamment chez les Anglo-saxons. « Les Américains sont très forts pour ça, on le voit avec les universités qui sont rapidement identifiables par leur style et leurs couleurs », pointe-t-il comme autre inspiration (voir ci-dessous).

Chacun son compte, chacun sa gestion

« Selon moi, c’est hyper important que les sportifs développent cette partie-là de leur métier. Parce qu’aujourd’hui, Instagram est devenu plus qu’un média, c’est un moteur de recherche » estime celui qui est également passionné par ce sport. Pour d’autres, comme Tom Vaillant, la tendance est avant tout une formalité professionnelle. « Je ne le fais que pour mes sponsors » résume-t-il. S’il publie régulièrement, la ligne éditoriale de son compte est plus sobre que celle de ses confrères et consœurs cités précédemment, moins professionnelle. « J’ai confié ça à ma copine dont ce n’est pas le métier mais qui s’éclate à faire quelques montages. Et moi ça me suffit. » De ce constat-là, comparer les styles n’a pas grand intérêt mais l’opposition met en exergue la différence d’engagement : un minimum nécessaire d’un côté, un investissement étudié de l’autre. « Tant que je n’ai pas la notoriété d’un vainqueur sur le DP World Tour, un peu à l’image de Martin (Couvra, ndlr), je ne pense pas que ça me soit hyper utile de mettre des sous là-dedans », recadre l’actuel 142e joueur du classement du circuit européen. Et même pour son pote, n° 8 de l’ordre du mérite, le travail consiste à simplement repartager pêle-mêle les posts d’autres comptes qu’ils l’ont mentionné.

L’aspect financier qu’implique une communication comme celle-ci est d’ailleurs le premier frein pour les pros, d’après Baptiste Laurensou : « Aymeric Laussot me disait que sur l’Alps Tour et parfois sur l’HotelPlanner Tour, les joueurs cherchent à économiser le moindre euro. » Ça a été le cas notamment pour Clément Guichard, actuel joueur du Pro Golf Tour, qui a préféré mettre un terme à sa collaboration l’an passé avec l’agence qui s’occupait de sa communication. « C’était top mais ça me coûtait trop cher, tout simplement. Et j’ai préféré mettre cet argent dans le golf plutôt que dans la communication » explique celui qui envisage peut-être de relancer cette activité en vue d’une très probable promotion sur la deuxième division européenne en fin d’année.

D’autres ont fait le choix de miser sur ça pour justement obtenir de nouveaux sponsors et donc plus de revenus. En se consacrant aussi elle-même à son propre compte, en partageant les coulisses de sa vie au détour de stories et autres vidéos TikTok, Marine Griffaut a vu sa visibilité augmenter en un mois : plus de 1000 followers sur sa page Instagram en mai. « C’est forcément une aide, la preuve avec Matthieu Pavon, il s’est retrouvé à faire une pub pour un robot de piscine ! » « En ayant une belle image, c’est forcément plus simple de se vendre » conclut de son côté Baptiste Laurensou.

Savoir faire des choix

Marine Griffaut : « Mon copain a été approché par une marque un peu particulière (produits interdits aux mineurs) via les réseaux et on s’est demandé si ça valait le coup d’être identifié à des choses qui peuvent parfois ne pas être en phase avec nous et d'autres partenaires. »

Enfin, la démarche de la joueuse est aussi destinée au grand public, avec la volonté de rendre un sport encore traditionaliste plus « ouvert et décoincé. » « Il y en a beaucoup qui ne se rendent pas compte de ce que peut être notre vie dans le haut niveau » raconte la native de Coulommiers. Motivée par l’envie de rendre son sport plus attrayant et d’attirer un public plus jeune, l’initiative ne peut-être que louable. De quoi mériter un like.


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