Révérés dans les pays anglo-saxons, les architectes de parcours demeurent pour la plupart anonymes en France. Ces « maestros du design », véritables bâtisseurs de l’ombre, conçoivent pour le plus grand bonheur des golfeurs, leurs terrains de jeu favoris. Alors qui sont-ils exactement ?

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Une histoire singulière

Les premiers parcours furent façonnés par Mère Nature en Ecosse puis les champions locaux se lancèrent peu à peu dans le dessin des parcours. Ainsi, Allan Robertson (1815-1859), le premier professionnel de golf de l’histoire, ouvrit la voie en 1842 en entreprenant quelques modifications sur la « Vénérable Dame » de l’Old course de St Andrews et en imaginant notamment le célèbre « Road Hole » du trou numéro 17.

Puis, il fallut attendre l’Écossais Donald Ross (1872-1942) à l’origine de 400 tracés aux Etats-Unis et qui en fit un commerce rentable pour que cette activité devienne un métier à part entière. Les personnalités étaient à l’époque très hétéroclites. Alistair MacKenzie (1870-1934), créateur entre autres d’Augusta National fut d’abord médecin lors de la Guerre des Boers où il acquit en particulier l’art du camouflage, avant de se lancer dans l’architecture. En 1920, il rédigea un livre intitulé « Golf Architecture ». Avec « Some essays on architecture » écrit par le cabinet britannique Alison & Colt, ils furent les deux ouvrages fondateurs. Cette période de création extraordinaire fut alors estampillée « l’Age d’Or de l’Architecture. » Ce fut néanmoins l’association de Jack Nicklaus avec l’architecte Pete Dye (1925-2020) en 1969 à l’occasion de la création du golf d’Harbour Town en Caroline du Sud qui mit en lumière aux yeux du monde cette profession et fit la renommée du créateur du TPC Sawgrass en Floride.

Le célèbre livre fondateur de l’architecte d’Augusta National, Alistair MacKenzie. © DR

Formation et compagnons de travail

Jusqu’à une période récente, il n’existait pas de diplôme dédié à cette pratique ; la majorité des architectes tels Robert Trent Jones Senior (le Père de l’architecture moderne décédé il y a plus de vingt ans), Tom Doak (six parcours dans le top 100 mondial) ou encore Gil Hanse (le créateur du golf des JO 2016 à Rio et du nouveau parcours des Bordes en Sologne) furent tous éduqués à l’Université de Cornell aux Etats-Unis avec une spécialisation en architecture paysagère. Une fois leurs études terminées, certains ont pu bénéficier de mentors tels que Pete Dye qui forma Tom Doak, Bill Coore ou encore Jack Nicklaus et Greg Norman.

Les qualités requises sont très larges puisque l’architecture est un savant mélange d’art et de science. Passionnés, les architectes sont avant tout d’incroyables artistes, capables de façonner les terrains les plus accidentés pour concevoir une œuvre unique. Créativité et imagination sont au centre de leur travail mais leur savoir-faire à part, nécessite également des compétences très variées en ingénierie, irrigation, cartographie, topographie... Leur talent est souvent associé à une empreinte facilement identifiable comme les traverses de chemin de fer de Pete Dye ou encore les vastes éclats de sable d’Alister MacKenzie.

Il peut aussi les pousser à imaginer des bunkers en bancs d’église comme ceux d’Henry Fownes en 1903 à Oakmont en Pennsylvanie, de proposer deux greens comme ceux de Seïchi Inoue pour répondre aux exigences du climat japonais au début du 20ème siècle ou encore rendre hommage à Vauban lors de la création par Robert Berthet en 1999 de neuf trous de forme géométrique au golf de Dunkerque. Quoi qu’il en soit, rien ne remplace le travail indispensable effectué sur un terrain de jeu aussi vaste et qui requiert du temps pour se révéler ; soit l’application de la théorie à la pratique !

L’architecte américain, Tom Doak avec son associé Brian Slawnik, n’hésite pas à conduire toutes sortes de machines de construction. © DR

Il ne faut pas oublier néanmoins l’équipe de spécialistes, les « shapers » qui entourent l’homme de l’art. Ils s’apparentent à d’authentiques sculpteurs du terrain. L’architecte donne les grandes lignes, partage sa philosophie pour le futur parcours mais ne se dispense généralement pas d’écouter les propres idées des shapers. Il s’agit véritablement d’un processus de création évolutif. Durant les années 20, il était d’ailleurs plus fréquent pour les architectes de collaborer comme ce fut le cas pour l’incroyable tracé de Pine Valley dans le New Jersey qui fait partie des meilleurs du monde. George Crump (1871-1918), chef de file, n’hésita pas à s’entourer en 1914 des plus brillants architectes de l’époque avec Harry Colt, Hugh Wilson, George Thomas, William Flynn, Charles Blair Macdonald, Walter Travis, Robert Hunter, A.W. Tillinghast, Alister MacKenzie, Donald Ross, William Fownes, Charles Alison ou encore Perry Maxwell ; chacun apportant sa pierre à l’édifice.

Gil Hanse, architecte du nouveau parcours des Bordes. © DR

Une vie d’explorateurs golfiques

Citoyens du monde, les architectes de renom sillonnent la planète à la recherche effrénée de la terre promise ! Déjà dans les années 20, le célèbre Alistair MacKenzie n’hésita pas à s’aventurer sur les quatre continents ou encore Charles Alison qui voyagea jusqu’au Japon pour y laisser son empreinte qui permit par la suite au pays du Soleil Levant de posséder plus de 2,000 parcours.

Aujourd’hui, certains architectes comme Jack Nicklaus ont un palmarès éloquent avec 400 tracés dispensé dans 45 pays depuis 1969 alors que Bill Coore et Ben Crenshaw n’en réalisent que quelques-uns par an. Il n’en demeure pas moins que les architectes sont coutumiers du décalage horaire et ont développé une grande capacité d’adaptation aux différentes cultures mais également aux diverses contraintes inhérentes aux projets (financières, écologiques, du terrain…). Un petit escargot de deux millimètres tel que le « vertigo angustior » a par exemple réussi à contrecarrer les ambitions initiales de Greg Norman à Doonbeg en Irlande en 2002. Bien entendu, les architectes préfèrent travailler avec des clients qui partagent leur vision et leur laissent carte blanche car finalement, peu maitrisent la lecture d’une carte ou d’un plan…

Peu de femmes mais un objectif derrière chaque architecte

Peu de femmes pratiquent cette profession en raison essentiellement de sa pénibilité. La plus connue étant Alice Dye (1927-2019) qui travaillait avec son mari Pete qui lui demandait de valider chacune de ses idées. Elle s’ingénia notamment à l’amélioration des départs réservés aux femmes mais également à ce que les golfs demeurent amusants et stratégiques pour les moins longs frappeurs.

Les architectes dans leur grande majorité, s’emploient à  proposer un test psychologique pour tester la force mentale, mais aussi à laisser un tracé qui résistera à l’usure du temps. Alors, la prochaine fois que vous arpenterez les fairways, renseignez-vous sur ces concepteurs géniaux !

Alice Dye, surnommée « la Première Dame » de l’architecture de golf aux Etats-Unis, ici avec son mari Pete et ses associés. © DR

Kristel Mourgue d'Algue, qui est-elle ?

Ancienne joueuse du circuit européen qu'elle a rejoint après avoir emporté le titre de championne universitaire américaine, Kristel Mourgue d'Algue est aujourd'hui copropriétaire du Grand Saint Émilionnais Golf Club et consultante pour la chaîne Golf+.