Des périodes fastes de développement aux années de déclin, l’architecture des terrains de golf a connu une histoire mouvementée. Elle traverse aujourd’hui un second âge d’or, qui a débuté aux États-Unis il y a près de trente ans.

Le golf de Saint-Germain, créé en plein âge d'or par Harry Colt en 1922, est un exemple de parcours de très bonne facture. © D. R.

De Mère Nature à l’âge d’or de l’architecture

Mère Nature fut la première à façonner les parcours puis naturellement les professionnels locaux s’inventèrent architectes. Le boom économique qui suivit la Première Guerre mondiale permit aux architectes de bénéficier des meilleurs terrains et sous-sols. Minimaliste mais néanmoins audacieux, ce type d’architecture visait avant tout à s’inspirer de la Nature. Elle s’efforçait de se fondre dans son environnement tout en conservant sa rugosité et en offrant des options de jeu variées, avec notamment de larges fairways pour le plus grand plaisir des golfeurs.

Cette période s’étala de 1915 environ jusqu’aux années 30. Aux États-Unis, le pays comptait 750 terrains en 1916 pour atteindre les 6 000 en 1929. L’un des protagonistes de ce mouvement était l’architecte américain, Charles Blair Macdonald (1855-1939). En effet, après avoir découvert les links britanniques, il chercha à reproduire au pays de l’Oncle Sam ce qu’il avait trouvé et fut ainsi nommé le « Père de l’architecture américaine. » Son rêve de dessiner un parcours idéal, sorte de composite des meilleurs trous rencontrés lors de ses voyages en terre « lointaine », vit le jour à Southampton près de New York avec la création en 1908 de National Golf Links of America.

Cet épisode mit également en lumière le travail de formidables bâtisseurs tels qu’Alistair MacKenzie (Augusta National en Géorgie, Cypress Point en Californie, Royal Melbourne en Australie…), George C. Thomas (Riviera, Bel Air en Californie…) ou encore Donald Ross (Pine Needles, Pinehurst en Caroline du Nord…).

Le parcours West de Royal Melbourne, l’œuvre éblouissante d’Alistair MacKenzie en 1926, accueillit entre autres la Presidents Cup en 2019.

Un intermède malheureux

Malheureusement la Dépression de 1929 suivie par la Seconde Guerre mondiale mit un terme à cette époque de génie créatif. Un peu plus tard vers la fin du XXe siècle, le boom économique occasionna avec lui des conséquences regrettables pour l’architecture. Les golfs sortaient de terre à un rythme effréné et la mécanisation des tâches combinée à l’avènement du bulldozer donna lieu à toutes sortes d’extravagances ; la nature n’avait plus son mot à dire ! L’accent était mis sur la longueur, la difficulté et le spectaculaire. Les tees de départ arrière « devaient » mesurer plus de 6500 mètres. Les terrains devinrent artificiels et standardisés car les propriétaires et promoteurs étaient pour la plupart, obsédés par l’idée de recevoir un tournoi professionnel et donc de valoriser leur « produit ». Il s’agissait avant tout d’obtenir un label « championship course » bankable ! Le trou numéro 18 en particulier, se calqua systématiquement sur le fameux final de Doral en Floride ; soit une réinterprétation peu inspirée d’un par 4 dog-leg gauche où l’eau est omniprésente.

Cette période frénétique offrait des horizons nouveaux aux architectes qui étaient tentés d’en faire trop pour démontrer leur talent et qui étaient abondamment encouragés par le lobby des équipementiers, soucieux de vendre des clubs toujours plus « performants ». Les contours devinrent moins ingénieux au profit d’un style davantage uniforme et peu à peu les options de jeu si intéressantes pour les golfeurs, se réduisirent comme peau de chagrin et par la même occasion les privèrent d’une part de liberté. Les joueurs étaient confrontés à de véritables « monstres » avec des distances que seuls les « braves » pouvaient affronter… Il était nécessaire de « souffrir » pour vivre une expérience golfique de qualité. Vaste foutaise !

Le 18 du Blue Monster à Doral en Floride a été copié à outrance pour dramatiser le dernier trou d’un parcours.

Sand Hills et le début du renouveau

Par bonheur, les exigences écologiques actuelles associées à un besoin d’authenticité ont entrainé des créations récentes respectueuses de la nature et qui s’inscrivent à nouveau dans la durée. Cette nouvelle vague architecturale a débuté outre-Atlantique en 1995 avec la naissance de Sand Hills dans l’État du Nebraska, par le fameux duo formé par Bill Coore et Ben Crenshaw (double vainqueur du Masters). Ce tracé constitua le point de départ d’une nouvelle vision de l’architecture plus classique et plus minimaliste ; le site mis à disposition est glorifié, jamais contraint, ni dénaturé. L’optimisation du paysage local et son intégration totale dans la création des golfs engendrèrent un retour vers davantage de diversité. Les subtilités et les contours du terrain furent encore une fois mis en exergue et on assista à la réhabilitation du jeu le long du sol pour le bonheur de tous les golfeurs. Les parcours ne proposaient plus un jeu de « fléchettes » mais au contraire requérait une vraie inventivité avec logiquement, une consommation en eau réduite.

Comme le décrit très bien le journaliste-architecte australien, Darius Oliver, dans son dernier opus Modern Masterpieces : « Le golf est redevenu la préoccupation principale des promoteurs et non plus l’immobilier, permettant ainsi aux architectes de démontrer leur savoir-faire à travers notamment le « routing* ». Même l’Écossais David McLay Kidd que tout prédestinait à devenir le « MacKenzie des temps modernes » avec la réalisation du premier tracé de Bandon Dunes en Oregon ou encore Machrihanish Dunes en Écosse, s’est rendu compte au fil du temps qu’il avait fini par confondre difficulté et qualité du dessin : « j’ai longtemps pensé que la difficulté du terrain, sa résistance au par et au score étaient garant de qualité » (Golf Digest, 1er octobre 2014). Sa « rédemption » débuta en 2014 avec Gamble Sands dans l’état de Washington où, à l’instar de l’Old course de St Andrews, certains fairways peuvent atteindre 100 mètres de largeur et la distance des back tees ne dépasse pas les 6,500 mètres. Son but, galvaniser ceux qui arpentent son tracé puisqu’il est possible de driver trois par 4 ! Il n’est plus question ici de « tourmenter » les golfeurs mais au contraire de permettre aux joueurs aguerris d’accomplir un bon score, et aux débutants de réaliser une de leurs plus belles parties. En d’autres termes, ce sport redevient un passe-temps distrayant qui encourage à se surpasser sans jamais dénigrer des aptitudes différentes. Selon Mike Keiser, le missionnaire du retour de l’âge d’or, qui œuvre sans relâche aux États-Unis (créateur du resort de Bandon Dunes) et au Canada (copropriétaire de Cabot Links), « peu à peu le fossé qui existait entre les réalisations des années 20 et celles d’aujourd’hui se réduit par leur attrait pour les golfeurs de tous niveaux » (Modern Masterpieces).

Pinhurst n° 2 rénové par Bill Coore et Ben Crenshaw.

Un autre exemple réussi, non pas de construction mais de rénovation dans cet esprit, est Pinehurst n° 2 en Caroline du Sud ; l’œuvre magistrale de l’Écossais Donald Ross. Coore & Crenshaw furent sollicités en 2011 pour « revamper » ce tracé unique qui avait subi l’épreuve du temps. Et quel résultat époustouflant ! Une ode à la nature et à la simplicité ; un véritable retour aux sources sans aucun artifice. La réduction drastique de quinze hectares de « bermuda rough » pour ne laisser que deux hauteurs d’herbe (une première pour les greens et une seconde pour toutes les autres zones), permit de retrouver le dessin originel sur un terroir d’exception qui s’apparente à un links. Ainsi donc avec des fairways élargis de près de 50 % et une diminution conséquente de consommation d’eau, fermeté et rapidité sont devenues les maitres mots d’un golf qui vit au rythme des saisons et qui propose d’innombrables stratégies de jeu. Ce fut d’ailleurs la première fois depuis bien longtemps qu’en 2014, les meilleurs joueurs et joueuses du monde ne rencontrèrent pas de rough cauchemardesque lors d’un US Open. Devant un tel succès, l’USGA a déjà confirmé le retour de l’Open national à Pinehurst en 2024.

Plus proche de nous sur la Côte d’Opale, l’architecte néerlandais Frank Pont associé au Français Patrice Boissonnas ont réussi une belle restauration du parcours des Pins à Hardelot. Après trois ans de travaux, l’œuvre de Tom Simpson en 1931 a sans nul doute bien retrouvé son esprit originel et ses qualités visuelles.

Enfin, il apparait important de noter également le développement des petites structures en France dans le cadre de l’obtention de la Ryder Cup 2018 et des parcours de moins de 18 trous dans le reste du monde, pour répondre aux contraintes de la vie moderne et rendre ce sport plus accessible. Sur des tracés de neuf ou 12 trous par exemple, les architectes peuvent aussi plus aisément laisser libre cours à leur imagination.

Le parcours du « Craddle » (illusion au berceau du golf) à Pinehurst en Caroline du Nord, composé de 9 trous, a permis à son auteur Gil Hanse, de s’exprimer pleinement !

Le test suprême : l’épreuve du temps

Comprendre le passé a permis aux architectes de mieux appréhender l’avenir tout en faisant appel à leur créativité. Bien entendu, pléthore d’architectes d’exception n’existe pas mais face à de nouvelles contraintes environnementales et financières, seuls les meilleurs des bâtisseurs réaliseront des œuvres qui résisteront au test le plus implacable : l’épreuve du temps.

Kristel Mourgue d'Algue, qui est-elle ?

Ancienne joueuse du circuit européen qu'elle a rejoint après avoir remporté le titre de championne universitaire américaine, Kristel Mourgue d'Algue est aujourd'hui copropriétaire du Grand Saint-Émilionnais Golf Club et consultante pour la chaîne Golf+.