Le golf de 27 trous, situé dans les Pyrénées-Orientales, est soumis à des restrictions d’eau pour cause de sécheresse sans discontinuer depuis juillet 2022. Il ne manque toutefois pas de solutions face à cette situation, qui va sans aucun doute perdurer.

Le green et le fairway du 11 du Golf de Saint-Cyprien, le 14 mars 2023. © Saint-Cyprien Golf Resort

Cela fait maintenant bientôt neuf mois. Avec des variations entre les différents niveaux d’alerte, certes, mais neuf mois tout de même que le Golf de Saint-Cyprien, et le département des Pyrénées-Orientales de manière générale, vivent avec des restrictions d’eau. Pour cette région du Roussillon, la sécheresse de 2022 n’est officiellement pas terminée. Elle a même été suivie, sans interrègne, de ce que l’on peut sans équivoque appeler la sécheresse hivernale de 2023.

Depuis début janvier 2023, selon Météo France, il est tombé à Perpignan (située à une dizaine de kilomètres du golf) 78 mm de précipitations. L’an dernier, à la même époque et dans le même laps de temps, il en était tombé près de deux fois plus (144 mm). Les 78 mm tombés cette année représentent seulement 13,5 % du cumul de pluies annuel moyen, alors qu’un quart du calendrier est écoulé, d’une saison d’ordinaire humide qui plus est.

Ainsi, depuis un arrêté préfectoral du 23 février dernier, qui n’a fait que renforcer les mesures d’un précédent arrêté déjà en vigueur, la quasi intégralité du département est en restrictions d’eau, au stade dit "alerte avancée". Pour les golfs, cela signifie une interdiction d’arroser les fairways et les roughs, et une baisse obligatoire de 60 % de la consommation habituelle.

Le chiendent, ennemi devenu ami

Sur cette dernière donnée, l’objectif est largement atteint, et même dépassé. « Depuis juillet dernier, on a totalement arrêté d’arroser les fairways, ce qui diminue considérablement la surface, et donc par conséquent le volume utilisé, indique Julien Gaudin, greenkeeper de Saint-Cyprien. Donc on a fait davantage que les 60 %. Actuellement, nous arrosons uniquement les greens et les départs. »

Bien que jaunis, les fairways demeurent jouables. Sur ce plan, l’ennemi d’hier est devenu l’allié d’aujourd’hui, et a fortiori, celui de demain. « Nos gazons ont par endroits énormément de chiendent, poursuit Julien Gaudin. Avant, on luttait contre lui. Alors que maintenant, c’est notre meilleur ami, on fait tout pour l’encourager. » Le chiendent, implanté naturellement dans la région, présente en effet l’avantage de beaucoup mieux résister à la chaleur et de consommer moins d’eau que d’autres graminées. Dès lors, les sécheresses ayant pour conséquence l’arrêt de l’arrosage sur les fairways, il trouve les conditions favorables pour s’étendre.

Les fairways de Saint-Cyprien (comme ici au mois d'octobre 2022) n'ont reçu aucun arrosage depuis le mois de juillet dernier. © Saint-Cyprien Golf Resort

« Ce chiendent est actuellement en dormance, précise Julien Gaudin. Il en sort en général début avril. En ce moment, il est jaune, il ne pousse pas, mais à l’autre bout, ça veut dire que rien ne peut lui faire de mal non plus. » Le chiendent présente malgré tout quelques désavantages. Outre le fait que les joueurs doivent s’adapter à jouer sur un sol qui porte un peu moins la balle, il n’est pas possible, en tout cas sous cette latitude, de l’utiliser sur les greens. Le golf catalan a donc recours, comme la très grande majorité des terrains du sud de la France, à de l’agrostide stolonifère.

Un logiciel au dixième de millimètre

Du niveau "alerte renforcée", les Pyrénées-Orientales pourraient passer, dans le courant 2023, au seuil de crise des restrictions d’eau. La préfecture du département a été très claire sur le fait qu’elle n’hésiterait pas à monter d’un cran si la météo ne redevenait pas favorable. Dès lors, seuls les greens pourront être préservés. « Les départs, c’est un gros point négatif si on doit arrêter de les arroser, mais ce n’est pas la mort du golf », souligne Julien Gaudin. La situation deviendrait beaucoup plus périlleuse si les services de l’État décidaient d’un arrêt total de l’arrosage. « Si fin avril, on me dit "Plus d’eau sur aucune surface engazonnée", là c’est la mort du golf », insiste le greenkeeper. Dans une région où la tramontane sévit régulièrement, il estime à deux semaines maximum la durée de vie d’un green sans apport d’eau.

La situation actuelle a beau être préoccupante, elle a largement été anticipée par le Golf de Saint-Cyprien. Au travail pour essayer de favoriser les variétés de gazons les moins gourmandes en eau s’est ajouté celui pour réduire la consommation d’eau, sécheresse ou pas. « Je suis arrivé il y a 10 ans, et j’ai mis en place petit à petit des outils de travail », note Julien Gaudin. Exemple : un logiciel, relié à différents appareils de mesure, permet désormais d’optimiser au maximum l’arrosage, en le rendant précis au dixième de millimètre près.

Les eaux usées retraitées à l’horizon ?

Mais le golf envisage d’autres solutions, en particulier l’utilisation d’eaux usées retraitées d’une station d’épuration voisine. « On avait fait la demande il y a une dizaine d’années, mais les services de l’État avaient dit non, en invoquant un principe de précaution, fait valoir Thibault Lormand, propriétaire et gérant du Saint-Cyprien Golf Resort. Mais pourtant, la station, aujourd’hui, rejette ses eaux directement dans le port, donc c’est qu’ils estiment que ça n’est pas dangereux. » En contact régulier avec la préfecture, le propriétaire l’affirme : « Depuis l’an dernier, je pense qu’ils ont pris conscience du problème ».

Lui, en tout cas, est prêt à plus de transparence, tant vis-à-vis des pouvoir publics que des joueurs. « Nous avons été contrôlés deux fois depuis juillet dernier, affirme-t-il s’agissant des registres de prélèvements hebdomadaires obligatoires en période de restriction. Eh bien, ce n’est pas assez ! Venez nous voir de manière plus régulière, afin que nous puissions communiquer sur toutes nos actions auprès du public et des acteurs locaux. »  

Un point de vue que rejoint Julien Gaudin : « Le plus dur, je pense que c’est ça : communiquer vers nos membres pour leur dire que les restrictions sont là, qu’on doit faire des efforts, et que ça se traduit, peut-être, par tel ou tel travail sur le parcours, ou telle ou telle zone un peu dégradée. » Mais il n’en perd pas moins son optimisme : « Si on doit délaisser les fairways actuellement, c’est aussi autant d’heures de travail qu’on peut reporter sur les greens. Donc les fairways sont peut-être moins beaux, mais les greens sont meilleurs. » Et comme au golf, du moins selon certains, tout se joue au putting…