L’architecte anglais Stuart Hallett, créateur et rénovateur de nombreux parcours français, est engagé en faveur de la réduction de la consommation d’eau. À l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, il nous explique l’évolution de son métier sur cette question.

Golf National / Albatros / green du 1
© Steve Carr

Ces dernières années, le métier d’architecte de golf a-t-il évolué avec les contraintes environnementales plus grandes ?
Lorsqu’on crée un terrain de golf aujourd’hui, on fait davantage attention à être autonome en eau quand c’est possible. On a une approche différente par rapport aux années 1990 par exemple : à l’époque, on arrosait les roughs, les espaces entre les départs et les fairways… on arrosait partout, en fait. Aujourd’hui, sur plusieurs terrains que je suis, on arrose par exemple uniquement les plateaux de départ et le green, et pas leurs abords. On n'arrose pas les roughs, et les zones hors-jeu en général. Donc on maîtrise l’eau beaucoup mieux qu’avant. Souvent, dans cette optique, on ne sème même pas de gazon dans ces zones, on utilise la végétation naturelle du site. Sur les fairways, on utilise un système qu’on appelle "hard line", où on arrose depuis le milieu, et donc ça évite d’arroser le rough ou les arbres autour. Ça permet aussi de créer des couloirs écologiques, et de préserver la biodiversité sur le parcours.

Sur sa planche à dessin, de quels outils dispose l’architecte pour favoriser ces démarches environnementales ?
On est conscient de l’importance de la question de l’eau dès le début de la conception. On regarde d’abord un plan topographique vierge, et l’éventuelle présence de cours d’eau ou de plans d’eau qui peuvent être exploités pour le golf. C’est une première phase très importante avant de commencer à tracer le parcours. On regarde également les données météorologiques et pluviométriques des 10 ou 15 dernières années. Cela nous donne une fourchette de la consommation d’eau dont on aura besoin, ainsi que du stockage potentiel sur le site. Tout cela en tenant compte des éléments extérieurs, car évidemment, ce n’est pas parce qu’il y a un cours d’eau qu’on a le droit de pomper dedans. Il est certain qu’on ne va pas commencer par dessiner les 18 trous, rester figé dessus, et ensuite creuser un bassin perché au milieu de nulle-part. Au contraire, on va travailler le site pour optimiser la position des bassins, et après faire le parcours autour. On peut donc adapter l’architecture du parcours à l’environnement.

La largeur des fairways compte beaucoup.

Pour parvenir à n’arroser que les surfaces nécessaires, y a-t-il des formes de greens ou de fairways à privilégier ?
La forme n’est pas si importante. On peut adapter l’arrosage à toutes les formes ou presque. En revanche, la largeur des fairways compte beaucoup. Sur certains fairways, on sait qu’une double ligne d’arrosage, ça va suffire. Si on dépasse cette largeur-là, on passe sur une triple ligne. Et vous pouvez aisément imaginer l’impact sur l’ensemble des 18 trous, en termes de coût, de nombre d’arroseurs, et bien sûr de consommation. Donc on peut élargir des fairways à certains endroits, mais pas partout. Généralement, on reste à une largeur raisonnable, entre 35 et 45 m. Sachant que, lorsqu’on dessine, on pense à la consommation, mais on pense aussi tout simplement au coût de l’installation des arroseurs.

Les porteurs de projet qui ont recours à vos services d’architecte sont-ils également engagés dans cette démarche de limitation de la consommation d’eau ?
Au début, pas forcément, même si ça dépend des clients. Il faut dire qu’ils ne sont pas toujours renseignés sur le sujet. Donc c’est à nous de les avertir, par exemple, que si on crée un parcours avec d’énormes fairways, et qu’on arrose tout comme on faisait dans le temps, on va consommer beaucoup. Aujourd’hui, dans la très grande majorité des cas, lorsqu’on dépose un permis de construire pour un terrain de golf, on va d’abord nous demander si on est autonome en eau. Si on ne dispose pas de bassins suffisants, le permis va être refusé. C’est donc dans l’intérêt du client de bien prendre en compte cette problématique.

Comment peut-on procéder lorsqu’il s’agit de rénover des parcours anciens, conçus à une époque où ces enjeux étaient moins importants ?
C’est vraiment une approche philosophique. Si vous prenez par exemple Saint-Germain, où j’ai travaillé pendant sept ans, il y a une simple ligne d'arrosage sur les fairways. Cela fait que l’été, parfois, les bords des fairways et les roughs sont jaunes, mais cela va avec le fait que c’est un parcours naturel, c’est un choix assumé. D’autres clubs font le choix de parcours manucurés. Ils tondent et ils arrosent des hectares de zones qui ne sont pas en jeu. Certains y arrivent parce qu’ils en ont les moyens, mais d’autres n’ont pas les budgets pour cela. C’est donc une vraie réflexion philosophique : qu’est-ce qu’on veut comme golf ? Comment voulons-nous présenter nos terrains ? Ce n’est pas forcément dans les habitudes en France, mais ça progresse.