La promotion de Clément Guichard sur le Challenge Tour est bien sûr le fruit d’une saison pleine de régularité. Mais surtout, elle trouve sa genèse dans des décisions vieilles de plusieurs années, entre discussion avec Harry Higgs et passage pro prématuré.

Clément Guichard a obtenu son droit de jeu du Challenge Tour via un top 5 sur le Pro Golf Tour. © Aurélien Meunier / Getty Image via AFP

Courant septembre, le Golf National accueillait les grands noms du golf européen à l’occasion du Cazoo Open de France. Dès le premier tour, le public s’amasse autour des Rozner et Perez, découvre les Le Goff et Strachan de demain et ceux qui font le golf d’aujourd’hui, à l’ombre des plus grands. Entouré des bénévoles et d’une vingtaine de curieux au départ du 10, c’est donc dans une certaine discrétion que Clément Guichard officialise son deuxième tour de l’open national. « C’est un peu un touriste non ? » lâche un badaud derrière les cordes alors que le joueur s’en va vers le fairway. Bien que péjoratif, le sous-entendu n’est pour autant pas inadéquat. À 22 ans seulement, le Normand évolue ce jour-là deux strates au-dessus de celle qu’il côtoie habituellement. Si sa simple participation à l’événement a donné tort à son détracteur, sa 136e place finale a peut-être rappelé au joueur ce qui lui manque encore pour faire partie de l’élite professionnelle. Mais qu’importe. Car avant la pluie battante du DP World Tour, il y a eu l’éclaircie d’une saison réussie.

La célébration officielle s’est faite il y a trois semaines du côté d’Hambourg, lorsque le licencié du golf du Vaudreuil a conclu le dernier tournoi du Pro Golf Tour avec une 4e place, et ainsi bouclé son calendrier au 3e rang de l’ordre du mérite. Avec ce résultat qui s’ajoute à une victoire, trois podiums et trois autres top 10, la saison qui devait être sa troisième sur ce circuit est devenue sa dernière, laissant place à la préparation d’une année 2024 sur le Challenge Tour. Objectif accompli, d’une certaine manière. « Je ne me fixais pas d’objectif de résultats, avance l’intéressé. Si je m’en donne, j’ai tendance à me focaliser dessus et à me rajouter de la pression. En pôle Espoirs, de 2014 à 2016, lorsque l’on était en tournoi, il fallait annoncer aux coachs, avant chaque tour, le score que l’on voulait faire le lendemain. Sur le plan du jeu, ces deux années ont été les pires de ma vie. Mais ça m’a permis de comprendre que ce n’était pas ma manière de fonctionner. » Alors pour 2023, comme pour les deux années précédentes avec son entraîneur Stanislas Gaultier, les objectifs ont concerné la méthode. « C’est-à-dire réussir à mettre en place tous les moyens mentaux, techniques et physiques lors d’un tournoi. On savait que si j’arrivais à bien gérer ces aspects, les résultats suivraient derrière. »

Le bosseur qui roule sa bosse

Plus que la consécration d’un hiver passé à user les stries de ses wedges et putter pour combler des déficits de performance au petit jeu, cette promotion sur le Challenge Tour est venue récompenser une succession de choix, souvent décisifs, ces dernières années. D'abord, celui d’avoir privilégié le golf au basketball, alors que les deux sports lui souriaient depuis ses cinq ans. Ensuite, celui d’avoir opté pour l’académie Altus au Vaudreuil pour se former. Et puis, enfin, un choix plus profond en 2020, autour de son physique. En pleine remise en question lorsque beaucoup lui conseillent d’embrasser la préparation d’un athlète pur, il fait la rencontre du joueur du PGA Tour, Harry Higgs, à l’occasion d’un stage organisé aux États-Unis par l’académie. « J’ai eu une discussion avec lui, amorce-t-il. Bon, il a fallu qu’on me traduise tout parce que l’Anglais n’est pas mon fort, mais ça m’a quand même marqué. Il a pris son physique en exemple pour me faire comprendre que l’important était de faire marcher les qualités que l’on possède et qu’il n’y a pas forcément besoin d’être fit pour faire des birdies. »

Déjà galvanisé par le discours, Clément reçoit une seconde vague d’encouragements lorsque l’Anglais évoque son regret de ne pas avoir démarré sa carrière professionnelle plus tôt ; la faute à un cycle universitaire américain conservant les joueurs jusqu’à leurs 22 ans. « Ça m’a davantage conforté dans ma volonté de passer pro rapidement », raconte celui qui vit de son sport depuis maintenant trois ans. Une grande décision supplémentaire guidée par la quête du monde pro, mais aussi par celle de l’indépendance personnelle. Pas tant pour être loin du joug parental que pour débarrasser les siens d’un poids financier conséquent. « Il vient d’une famille modeste et ça l’a conditionné à être un bosseur. Il avait peut-être moins de talent inné que d’autres joueurs, mais il a passé plus de temps que les autres à travailler. Et le résultat est là. Il a appris la première année, a découvert lors de la deuxième et a converti dans la troisième », raconte Matthias Coutans, son ancien partenaire d’entraînement à l’académie Altus, qui l’accompagne aujourd’hui dans la gestion de sa carrière.

L'encadrement de Clément

Stanislas Gautier : coach technique

Guillaume Biaugeaud : coach technique ponctuel

Mark Walker : préparateur mental

Donat Vuylsteke : préparateur physique

Matthias Coutans : communication et gestion

Animé par l’esprit de famille, c’est avec ce fondement qu’il a choisi son entourage à partir du réseau de l’académie de Guillaume Biaugeaud. « Avoir ces personnes de confiance autour de moi, des amis que je connais bien depuis plusieurs années, ça me permet de mieux travailler », explique-t-il. C’est par ce même biais qu’il a trouvé l’essentiel de ses sponsors que sont le golf du Vaudreuil, Altus, Aserel ou Toshiba, à un niveau où ils sont plus vitaux qu’ailleurs : « De la sorte, je n’avais qu’à me concentrer sur le golf et rien d’autre. » Malgré ces aides non négligeables et le gain de près de 21 000 euros en 2023, saison où figurent deux participations sur le Challenge Tour, le Normand n’est parvenu qu’à couvrir de justesse ses dépenses professionnelles. « C’est sûr que c’est une vie minimum. Tu payes ton loyer, tu manges et tu t’entraînes », résume-t-il avant que Matthias Coutans ne rajoute : « Si le principe est encore le même sur le Challenge Tour, ce sera déjà un peu plus facile. »

En attendant de découvrir dans son entièreté un nouveau circuit en février prochain, le promu s’attaque aux PQ2, deuxième étape des qualifications du DP World Tour (du 2 au 5 novembre) en Espagne, avec pour objectif d’accéder à la finale et, pourquoi pas, obtenir un droit de jeu sur la première division européenne. « Je n’ai rien à perdre et que du plus à en tirer », conclut-il. Après tout, les PQ1 lui ont permis de découvrir, les PQ2 d’apprendre, alors pourquoi pas convertir lors des PQ3…