Après plusieurs saisons sur le Pro Golf Tour et le circuit français, Jules Coupade a mis un terme à sa carrière de joueur professionnel l'an dernier. Une décision motivée par une prise de conscience écologique, et dont la conséquence inattendue est d'exceller aujourd'hui au... billard !

Jules Coupade, ici lors du Linxea Open ffgolf 2021, au Golf National. © Alexis Orloff / ffgolf

Ne cherchez plus son nom sur les leaderboards du Pro Golf Tour ou du circuit français ; n’écarquillez pas les yeux pour tenter d'apercevoir sa longiligne silhouette sur un tee de départ : Jules Coupade, 30 ans depuis le 20 mai dernier, n'est plus un golfeur professionnel. « Enfin, je ne sais pas... Est-ce que j'ai envoyé un courrier pour résilier mon statut ? Bonne question », sourit-il. Quoi qu'il en soit, voilà plus d'un an que ce joueur, né à Metz en Moselle et élevé à Verdun dans la Meuse voisine, n'a plus touché un club.

Lorsqu'il avait découvert la petite balle blanche, à l'occasion d'une journée d'initiation au domaine de Madine, il s'était pourtant pris de passion pour ce jeu, au point d'arrêter aussitôt le tennis, son premier sport de cœur dans lequel il affichait un prometteur classement de 15/1 à l'âge de 13 ans. Devenu meilleur joueur du département en deux années de pratique, il avait poursuivi sa progression en intégrant un sport-études à Chalon-sur-Saône, puis s'était consacré pleinement à son rêve de devenir golfeur professionnel. À l'automne 2016, l'obtention d'une catégorie sur le Pro Golf Tour, circuit de troisième division européenne, avait été la récompense d'années d'efforts.

Entamée en 2017, la grande aventure a toutefois davantage ressemblé au parcours du combattant qu'au tapis rouge vers la gloire. Comme beaucoup de ses confrères, Jules Coupade a vite été confronté à l'impitoyable réalité du bas de l'échelle du golf pro : « À ce niveau-là, tu dois tout gérer toi-même : l'entraînement, les tournois, la logistique, mais aussi tout ce qui est administratif, recherche de partenaires, etc. À 18 ou 20 ans, ce sont des choses auxquelles tu n'es pas préparé. Si tu es blessé ou malade, tu n'as rien ! C'est vraiment une charge mentale », reconnaît-il.

De la prise de conscience à la crise de conscience

Au-delà des difficultés inhérentes au métier de golfeur professionnel, la carrière naissante de Jules Coupade a été freinée par des causes extérieures, démultipliée par la pandémie de Covid-19. « Ç'a été un gros bouleversement pour moi, pour le golf en général, et pour la planète évidemment, et ça m'a donné envie d'aller un peu plus loin dans mes engagements naissants », explique-t-il. « En 2017, à l'époque où je suis passé pro, où je me suis installé seul, où j'ai voté pour la première fois, j'avais commencé à m'intéresser au monde qui m'entourait, et notamment aux thématiques sociétales, à des sujets auxquels je n'avais pas vraiment eu accès au cours de mon cursus scolaire. C'est là que j'ai découvert la question du changement climatique. »

Pratiquant un sport global engendrant de nombreux et lointains déplacements, bien souvent en avion, Jules Coupade s'est retrouvé peu à peu tiraillé entre ses ambitions de sportif et ses convictions de citoyen. « Dans un premier temps, j'ai essayé de faire ce que je pouvais à mon niveau : par exemple, en m'engageant dans des associations tout en pratiquant ma passion en parallèle », poursuit-il. « Mais les dissonances se sont amplifiées : mon bilan carbone explosait car je partais un peu partout en Europe, et même au Maroc ou en Guadeloupe. Ça m'embêtait vraiment... » En 2020, à la sortie du confinement, il prend une décision radicale : « J'ai arrêté de prendre l'avion, et j'ai fait uniquement des tournois sur le continent. »

C'est frustrant d'être passionné par ce jeu et de voir qu'il ne va pas dans la bonne direction, et de constater qu'en tant que joueur je ne peux pas faire grand-chose pour inverser cette tendance. La seule option, c'est d'arrêter, et c'est un peu triste.

Mais en se limitant à l'Europe, le Meusien a mathématiquement diminué ses chances de monter sur les divisions supérieures. « Je ne pouvais plus nourrir mon ambition de départ, à savoir atteindre le plus haut niveau. J'avais un peu moins la flamme sur les parcours », admet-il. « Mais surtout, je ne me sentais pas spécialement utile pour la société dans laquelle je vis. Il y a quand même une urgence au niveau de l'habitabilité de notre planète à court terme, et même si je n'étais pas dans une démarche néfaste, j'étais dans l'absence d'action positive. »

Finalement écœuré par les dommages collatéraux de la mondialisation d'un jeu pourtant « magnifique, qui m'a fait et continue à me faire vibrer » - voyages au bout du monde, développement frénétique dans des écosystèmes désertiques comme au Moyen-Orient, etc. - le joueur désormais installé à Lyon s'est résolu à tourner la page mi-2024. En paix avec ses idées, mais non sans tristesse : « C'est frustrant d'être passionné par ce jeu et de voir qu'il ne va pas dans la bonne direction, et de constater qu'en tant que joueur je ne peux pas faire grand-chose pour inverser cette tendance. La seule option, c'est d'arrêter, et c'est un peu triste », reconnaît-il.

La bille blanche a remplacé la balle blanche

Depuis quelques mois, Jules Coupade mène donc une existence « normale », à l'écart des parcours de golf, et surtout en accord avec ses convictions. Dans le respect du régime alimentaire vegan qu'il a complètement adopté il y a six ans, il travaille à mi-temps dans un magasin bio. En parallèle, il consacre une partie de son temps libre à son rôle d'animateur pour La Fresque du climat, une association de sensibilisation aux thématiques du changement climatiques. « J'interviens dans des ateliers ou des conférences que l'on donne dans des écoles supérieures, des entreprises, des collectivités, sur tous ces sujets que j'aime approfondir et dont j'ai plaisir à parler », explique-t-il.

Jules Coupade est intervenant pour l'association « La Fresque du climat ». © D. R.

En dehors de cette nouvelle vie professionnelle, le jeune homme nourrit également une nouvelle passion : le billard. « Un peu après le Covid, je cherchais une activité à faire le soir, quand je ne pouvais plus m'entraîner au golf. J'avais toujours bien aimé le billard, comme tout le monde j'y avais un peu joué dans les bars, mais j'étais plutôt bon et j'avais une appétence pour ce jeu. Je m'y suis mis plus sérieusement en 2022, d'abord au pool puis au billard français », raconte-t-il. Progressant rapidement en appliquant sur les tables la même approche méticuleuse qu'il avait fait sienne sur les parcours, Jules Coupade s'élève dans la hiérarchie du cinq quilles, variante du billard français également appelée billard italien. « Ça s'est accéléré follement il y a deux mois ! » résume l'air de ne pas y croire le récent vainqueur des deux premiers tournois de la saison en catégorie Masters !

Sélectionné pour représenter la France aux championnats d'Europe qui se joueront en mars 2026 en Turquie - où il se rendra en train ! - Jules Coupade savoure les joies que lui apporte cette discipline certes confidentielle, mais en plein développement. Et dans laquelle, étonnamment, il retrouve certaines similitudes avec le golf : « Il y a pas mal de calculs à faire, de la géométrie, de la stratégie. Il faut imaginer des coups. Ce sont des choses que je retrouve du golf où j'aimais bien réfléchir aux possibilités dans telle ou telle situation sur un parcours, entre un recentrage et un coup risqué par exemple. C'est peut-être ça qui fait que j'ai progressé très vite dans ce billard ! » avance-t-il. « Je n'ai pas eu la chance de représenter la France au golf, donc je suis heureux de pouvoir le faire dans un autre sport. Même si c'est un peu improbable ! »

Jules Coupade est l'actuel n° 2 français du billard cinq quilles ! © D. R.

Quant au golf, il est désormais relégué à l'arrière-plan dans sa tête, même s'il assure vibrer encore, comme au premier jour, devant les retransmissions du Masters ou de la Ryder Cup. Et sa carrière naissante de joueur de billard risque, de toute façon, de ne guère lui laisser l'opportunité de troquer les queues pour les clubs. Pas par manque d'envie, mais par pur esprit de compétition : « Ça me plairait d'y rejouer, mais pas en compétition. Quand je fais quelque chose, je le fais à fond, et aujourd'hui je suis à fond dans le billard, donc je ne me vois pas jouer pour un club, pour une équipe, sans m'entraîner à fond pour être compétitif », conclut-il. « En revanche, faire des parties avec des amis ou initier des jeunes, j'adorerais. Partager une passion, c'est ce qui me plaît par-dessus tout. Et la beauté du golf, c'est qu'on peut en faire partout, et on n'a pas besoin de prendre l'avion. En France, on a de super beaux parcours. On est gâtés, et on ne s'en rend pas assez compte... »