Les "pourquoi" du golf. Dans cette nouvelle série, nous vous emmenons explorer les questions simples en apparence, mais souvent complexes en réalité, qui entourent le golf. Pour ce premier épisode, commençons par le commencement : pourquoi ce jeu porte-t-il ce nom… qui ne veut rien dire ?

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Le terme de "golf" est employé sur toute la planète... mais son origine exacte est dure à déterminer avec certitude. © Alexis Orloff / ffgolf

Le football s’appelle comme ça parce qu’on y tape dans une balle, prioritairement avec les pieds. Le basket-ball, parce que ladite balle est vouée à tomber dans un panier. Le tennis, parce qu’au XIVe siècle, les joueurs de jeu de paume, en France, lorsqu’ils étaient au service, vérifiaient que l’opposition était prête en lançant l’impératif « Tenez ! », prononciation de la terminaison incluse. Même le curling porte une signification dans son nom : celle de la pierre qui fait un dernier virage serré (curl, en anglais) avant de s’immobiliser sur la glace.

Mais "golf", ça ne veut rien dire. Enfin si, ça veut dire "golf"… mais c’est tout. Impossible de déterminer les principes fondamentaux du jeu à partir de son nom. Et pourtant, il lui est donné quasi uniformément, à quelques prononciations près, sur toute la planète. Au point d’être le terme désignant la lettre G dans l’alphabet radio international. Alors, d’où peut bien venir ce nom ?

Alerte déception : personne n’en est sûr à 100 %. Mais des pistes sérieuses existent. Toutefois, plus on s’amuse à remonter le cours de l’histoire, plus ces pistes développent des ramifications qui, du bel unisson sémantique de notre XXIe siècle, aboutissent à un buisson touffu. Alors, essayons de remonter aussi loin que possible.

La période universelle

Qu’on se le dise, il va falloir remonter loin. En France, en 1900, lors des Jeux olympiques de Paris, Géo Lefèvre, journaliste au quotidien sportif L’Auto, chronique les épreuves de golf disputées à Compiègne. Certes, toute la terminologie du jeu n’a pas encore traversé la Manche sans perdre de plumes, puisque celui qui est par ailleurs l’un des pères fondateurs du Tour de France cycliste parle de « maillet » pour le club, de « boule » pour la balle et de « points » pour les coups (cette dernière substitution, hélas, persiste). Mais dans ce XXe siècle naissant, le mot "golf", lui, est bien présent en France, et sous cette forme.

Il faut dire que la plus ancienne structure de l’Hexagone, le Pau Golf Club, approche alors de son cinquantenaire. En 1856 en effet, des soldats britanniques, retraités de l’armée de Wellington, avaient construit les premiers trous d’Europe continentale dans la plaine palloise. Et forcément, le terme de "golf" avait voyagé avec eux.

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Sur la rive nord de la Manche, en effet, le terme de "golf" avait déjà été consacré. Pas tant en Angleterre, qui allait développer ses premières grandes structures à peu près dans ce même milieu du XIXe siècle, mais plutôt en Écosse, où le Royal and Ancient (R&A), basé à St Andrews, édictait dès 1754 les règles du golf. Mieux encore, dix ans auparavant, l’Honorable Company of Edimburg’s Golfers, basée à Édimbourg comme son nom l’indique, avait fait de même. Mais, plus solidement établi, le R&A est celui dont le livre de règles a perduré jusqu’à aujourd’hui.

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La période écossaise

Notre voyage à rebours du temps est donc rendu au milieu du XVIIIe siècle, et jusqu’à présent, pour ainsi dire, tout le monde parle de "golf". Mais, dans l’Écosse de ces années-là, si le terme existe, l’orthographe varie : "gouff", "goff", "goif", "gowfe", et autres variantes à consonnes doublées.

Si l’on parle du mot "golf" avec cette orthographe précise, sa mention la plus ancienne connue figure sur un document du 6 mars 1457. Il s’agit d’un édit publié par le roi Jacques II d’Écosse, qui… interdit le golf. La raison : pousser les sujets de la Couronne à pratiquer le tir à l’arc, jugé plus utile. La seule exception concernait alors les Links, ces terrains de bord de mer où le golf ne présentait pas de danger. L’appellation la plus commune du jeu, selon la plupart de ceux qui ont étudié la question, était alors "gowfe", prononcé "gouf".

C'est vrai que ça veut dire "Gentlemen only, Ladies forbidden" ?

C'est l'une des légendes urbaines à la peau la plus dure de tout l'univers du golf. Donc, une bonne fois pour toutes : non, "golf" n'est pas un acronyme anglais signifiant qu'il est réservé aux messieurs, et interdit aux dames. Il s'agit en réalité d'une blague, dont chacun jugera le caractère drôle... ou pas.

Le Moyen Âge

Demeure la question : tous ces vocables écossais, d’orthographes diverses mais désignant en réalité la même chose, d’où viennent-ils ? À partir de ce moment, les certitudes ne sont pas totales. L’une des pistes consiste à jeter un pont entre le "gowfe" (appelons-le comme ça) écossais et le "colf", un jeu inventé dès le XIIIe siècle aux Pays-Bas, et qui consistait, déjà, à taper dans une balle à l’aide d’un bâton, afin de l’amener d’un point A à un point B en un minimum de coups. Ce terme de "colf" est un dérivé du vieux germain "Kolbe", qui signifie "bâton". À titre d’illustration, dans l’allemand d’aujourd’hui, le substantif Kolben désigne un piston, dans un cylindre de moteur.

Du colf, on serait alors passé au golf via les multiples échanges avérés, aux cours des siècles, entre les Pays-Bas et l’Écosse, séparés seulement par la Mer du Nord. Ce qui permet d’expliquer, au passage, que les premiers clubs écossais ont tous vu le jour sur la côte est du pays, face aux terres bataves, tandis que sa côte ouest a dû attendre bien plus tard.

L’autre principale explication consiste à considérer "golf" comme un terme purement écossais. Et ce en relevant le fait que le mot "golf" n’a jamais été employé en Europe continentale à cette époque, et que dans le même temps, jamais "colf" n’a été trouvé dans un document en Grande-Bretagne. "Golf" viendrait ainsi de termes écossais anciens comme "golfland" ou "golfing", qui signifient "frapper", comme pour parler d’une frappe de balle. Dur de trancher, donc. Mais heureusement, le temps a fait son œuvre d’unification sémantique.

Et "golfe", c'est la même racine ?

"Golf", qui désigne le plus beau jeu du monde, et "golfe", qui décrit une avancée de mer dans les terres, sont des termes si proches que la question est légitime : ont-ils une origine commune ? Alerte déception n° 2 : non. "Golfe" est considéré par le Larousse 2020 comme ayant pour origine l'italien golfo, lui-même issu du grec kolpos, qui veut dire "pli". Rien à voir, donc.

Bibliographie

André-Jean LafaurieLe Golf : son histoire de 1304 à nos jours, Jacques Grancher, 1988, 458 p.

André-Jean Lafaurie, Dictionnaire amoureux du golf, L'Abeille Plon, 2022, 569 p.

scottishgolfhistory.org, Meaning of word Golf


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