Un autre golf. Présent dans la cité finistérienne de Morlaix depuis plus de 10 ans, le street golf dispose depuis 2023 de son parcours permanent, dans une ancienne manufacture de tabac. De quoi pouvoir pratiquer cette discipline où amusement et créativité sont les maîtres mots.
Trou n° 1. Départ pour tout le monde au milieu de la cour, et objectif de toucher la porte de droite. Ensuite, trou n° 2, les novices prennent le départ à l'entrée du couloir, le but étant de toucher une grille au sol. Avec bonus d'un coup si la balle reste sur la grille, histoire de se mettre un défi supplémentaire. Et le parcours se poursuit ainsi, jusqu'au bout des 9 trous, avec en bouquet final le spectaculaire départ du 9, en haut des escaliers de la bigoudène (nommés ainsi car une fresque y représente une femme coiffée à la bretonne), jusqu'à toucher la dernière borne d'incendie.
Ce carnet de parcours paraît baroque, au premier abord, pour les habitués des bunkers et des fairways. Pourtant, il décrit un vrai tracé, au cœur de la cité finistérienne de Morlaix, et plus précisément de son ancienne manufacture de tabac. Depuis son inauguration le 1er avril 2023, il offre un cadre permanent pour la pratique d'une discipline originale : le street golf.
Discipline originale, mais loin d'être inédite dans ce coin de Bretagne. Depuis le début des années 2010, déjà, des passionnés pratiquent cette forme de golf urbain, dans lequel l'art d'imaginer des parcours occupe une place prépondérante. « Il n'y a pas de trou comme au golf classique, explique Guillaume Le Mével, président de l'association Street golf à l'ouest. On se sert du mobilier urbain, un lampadaire, une bouche d'égout, une poubelle. » Évidemment, taper des coups de golf avec de vraies balles étant trop dangereux, tant pour le matériel que pour les badauds, le street golf se pratique avec des balles spéciales, en mousse expansive. Cependant, il se joue avec de vrais clubs de golf, même si les distances parcourues sur un coup ne peuvent pas dépasser les 100 m environ.
À Morlaix, avant la création d'un parcours permanent, la créativité des pratiquants du street golf les a, par exemple, menés à imaginer un départ depuis un ponton des quais, et une arrivée de l'autre côté de la rivière. Mais donc, depuis plus de deux ans, un tracé précis a été établi, dans et autour de l'ancienne manufacture de tabac, que Morlaisiens et Morlaisiennes surnomment la Manu. Morlaix Communauté, la communauté d'agglomération locale, en a lancé la reconversion pour en faire un lieu culturel, que plusieurs associations et institutions se chargent de faire vivre. À côté d'un bar, d'une salle de concert, d'un espace des sciences, d'un musée sur l'histoire du lieu et d'un cinéma, les habitués de la Manu ou les simples passants peuvent donc évoluer sur un parcours de street golf permanent.
Permanent, mais pas complètement figé. En perpétuelle évolution, la Manu oblige les passionnés de golf urbain à adapter le tracé continuellement. Chose facilitée par le fait qu'il est accessible pour tout le monde en ligne, via Google Maps. « L'esprit du street golf, c'est d'aller taper la balle à des endroits où personne n'y aurait pensé, appuie Frédéric Eliès, trésorier de Street golf à l'ouest. Mais on essaie d’éviter des endroits où il y a trop de gens qui passent. Avec les débutants, c'est comme au vrai golf, les balles peuvent aller un peu n’importe où, même si elles ne peuvent pas faire mal. »
Des débutants, le tracé du cœur de Morlaix en voit passer beaucoup. Ne serait-ce que par les cours destinés aux enfants, et donnés ici tous les mercredis après-midis par Thomas Baggi, par ailleurs pro-enseignant dans plusieurs golf du Nord-Finistère. « On a beaucoup de demandes d'associations et d'animations pour les jeunes pour avoir accès à notre parcours », constate Guillaume Le Mével. La découverte peur mener plus loin, car couramment, des pratiquants du street golf se mettent ensuite à jouer au golf conventionnel. Le président et le trésorier de l'association en sont, d'ailleurs, deux exemples. Le chemin inverse, lui, est plus rare. « Au street golf, quand on fait une compétition par exemple, avec l'ambiance qu'il y a autour et le nombre de participants, il peut y avoir pas mal d'attente entre les coups. Et ça, les golfeurs, ils ont parfois du mal », admet Frédéric Eliès.
Le street golf, en effet, est non seulement une pratique, mais aussi et peut-être même surtout un état d'esprit. « Il y a moins le côté étiquette, reconnaît Guillaume Le Mével. On met de la musique, on n'a pas forcément le réflexe de se taire quand quelqu'un va taper, sauf si la personne le demande, bien évidemment. » Les règles, elles, sont précises. Même si, en partie amicale, il peut arriver de s'en affranchir d'un commun accord avec les partenaires de jeu. Mais en cela, c'est un point commun avec le golf classique.
Ces règles sont surtout appliquées dans les compétitions de street golf, nombreuses, et auxquelles l'association Street Golf à l'ouest participe avec assiduité. Au mois de juillet, à Saint-Brieuc, dans le département voisin des Côtes-d'Armor, plusieurs de ses adeptes ont pris part à la quatrième et dernière étape du Championnat de France 2025. Deux mois plus tard, Guillaume Le Mével et deux autres membres ont fait partie de l'équipe de France pour le European Urban Golf Contest, autrement dit le Championnat d'Europe par équipes de la discipline. Pour le coup, Street golf à l'ouest avait mis le cap à l'est, puisque le tournoi s'est déroulé à Strasbourg. En plus d'une belle visite de la capitale alsacienne clubs en mains, les Tricolores en sont revenus avec une médaille de bronze. Et surtout beaucoup de bons moments partagés. Après tout, c'est ça le golf. Dans la ville comme ailleurs.