S'il ne remporta jamais l'Omnium international, dont il termina deuxième à trois reprises, le Niçois Auguste Boyer fut le golfeur tricolore le plus prolifique de l'entre-deux-guerres, décrochant pas moins de quatorze opens nationaux au cours des années 30.

Auguste Boyer lors du Grand Prix de l'A.P.G.F. de 1929 à Saint-Cloud. © Bibliothèque Nationale de France

De probables origines italiennes

Auguste Boyer naît le 13 mars 1896 à Cagnes-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, d'un père vraisemblablement d'origine italienne. Sur le registre d'état-civil de la mairie, il est en effet inscrit sous le nom de Boiero, avec pour prénom officiel... Antoine ! Dans cette région où le golf se développe à grande vitesse sous l'impulsion des étrangers nantis qui y séjournent tout ou partie de l'année, le jeune Auguste découvre la petite balle blanche tout près de chez lui, au Nice Golf Club. Dessiné à l'actuel emplacement de l'hippodrome de Cagnes-sur-Mer, ce parcours de 18 trous a ouvert en 1902 sous l'impulsion du baron Jean Roissard de Bellet. Facile d'accès, offrant un beau panorama sur les Alpes et doté d'un élégant club-house, le club devient rapidement l'un des plus importants de la région, et même de France. Il compte ainsi 300 membres en 1910, à l'époque où Boyer y pénètre en tant que caddie. Il y apprend le jeu de golf auprès des pros locaux, Alfred Covington puis Bernard Callaway, mais voit sa pratique interrompue par la Première Guerre mondiale. Il ressort du conflit, auquel il participe en 1918, décoré d'une croix de guerre mais privé de son frère aîné Geoffroi, décédé lors des premiers combats dans la Meuse.

Photo publiée dans la revue « Le Sport illustré » (n° 1323) du 7 juillet 1928.

Membre fondateur l'association des pros français

Au lendemain de la Grande Guerre, Boyer reprend son travail de caddie au Nice Golf Club, et accède quelques années plus tard, en 1923, au statut de caddie-master. Clubs en mains, son niveau de jeu s'élève : il commence à bien figurer dans des compétitions locales, à tel point qu'il s'aligne pour la première fois au départ d'une épreuve de niveau national en octobre 1924 : le championnat des professionnels, disputé à Saint-Cloud, qu'il termine à la seizième place sur quarante engagés. Sans doute encouragé par ces honorables débuts, Auguste se lance alors dans la carrière de joueur : l'année suivante, il dispute à Chantilly son premier Open de France – « l'Omnium international », comme on l'appelle alors – dont il se classe neuvième. Dans la foulée, il appose sa signature sur le document constituant officiellement l'A.P.G.F., l'Association des professeurs des golfs de France, en tant que représentant de la Côte d'Azur.

Quatorze opens nationaux en une décennie

En ce milieu des années 20, voilà donc Auguste bien installé dans le milieu des pros français. Alors que l'étoile d'Arnaud Massy commence à décliner, il s'impose comme l'un de ses deux successeurs potentiels, en compagnie du professeur de Saint-Germain-en-Laye, Marcel Dallemagne. « Recordman de tous les parcours de la Côte d'Azur où pourtant abondent les golfeurs de qualité […], Auguste Boyer est […] parmi les professionnels de la jeune génération, celui qui porte les plus belles espérances. Il est à l'aube d'une carrière qui s'annonce merveilleuse », est-il présenté dans l'avant-propos de son manuel, Le Golf, publié en 1930. Déjà victorieux de l'open d'Italie en 1926 et 1928, il fait honneur aux prédictions de son éditeur en signant deux nouvelles victoires de l'autre côté des Alpes, en 1930 et 1931. Toujours en 1930, il signe le premier de ses quatre succès dans l'open d'Allemagne, et la première de ses trois victoires dans l'open de Suisse. Les trophées des opens des Pays-Bas (1932) et de Belgique (1933 et 1936) viennent à leur tour enrichir sa merveilleuse collection : en une décennie, le professeur niçois amasse un impressionnant total de quatorze opens nationaux !

Extrait du journal « L'Excelsior » du 20 août 1935.

Souvent placé, mais jamais titré à l'Omnium international

Seules ombres à ce tableau, ses performances dans les rendez-vous les plus importants de l'année que sont les championnats britannique et français. Au British Open, qu'il dispute huit fois entre 1928 et 1937, il enregistre son unique top 10 en 1930 au Royal Liverpool Golf Club. Quatrième après trois tours, à cinq coups seulement du leader, il concède lors de la dernière ronde un calamiteux 80 qui le relègue à la neuvième place, loin d'un Bobby Jones en route vers le Grand Chelem. En 1931, il accompagne le professeur anglais de Saint-Cloud, Aubrey Boomer, de l'autre côté de l'Atlantique pour jouer son unique U.S. Open à l'Inverness Club (Ohio), dont il se classe 29e à quinze coups du champion américain Billy Burke. Mais c'est en France qu'Auguste Boyer subit ses revers les plus cruels : dans son open national, qu'il aborde régulièrement avec l'étiquette de favori, il échoue trois fois à la deuxième place en 1930, 1933 et 1934. Maigre consolation, il soulève quatre fois le bouclier en chêne récompensant le vainqueur de l'Omnium national (1931, 33, 34 et 36) et inscrit son nom au palmarès du Grand Prix de l'A.P.G.F. (1933).

Auguste Boyer lors de l'Omnium international de 1927 à Saint-Germain-en-Laye. © Bibliothèque Nationale de France

Le premier capitaine de l'Europe continentale

En 1939, le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale met un coup d'arrêt à sa carrière de joueur, et perturbe également sa carrière d'enseignant puisque le Nice Golf Club, détérioré par les combats, n'est pas reconstruit après la guerre. De 1946 à sa mort, Boyer partage alors son temps entre le Cannes Golf Club à Mandelieu, le Golf Club de Lyon alors situé à Saint-Genis-Laval, et plusieurs clubs suisses. En octobre 1953, il est le capitaine non-joueur de l'équipe d'Europe continentale qui accueille à Saint-Cloud, quelques jours après la Ryder Cup disputée en Angleterre, les golfeurs américains. Cette rencontre, prémisse de l'ouverture de la compétition biennale aux Continentaux qui interviendra en 1979, se solde par une victoire sans appel des visiteurs, sur le score de 12 à 3. En septembre 1956, alors qu'il se trouve à Saint-Moritz en Suisse, Auguste Boyer est victime d'une attaque. Rapatrié sur la Côte d'Azur, il décède quelques semaines plus tard, le 21 octobre, à l'hôpital Pasteur de Nice. À 60 ans seulement, l'un des plus grands golfeurs français de l'histoire disparaît.

« Le Golf », le manuel d'Auguste Boyer paru en 1930. © Collection Alexis Orloff

Palmarès

1926 : Open d'Italie
1928 : Open d'Italie
1930 : Open d'Italie, Open d'Allemagne, Open de Suisse
1931 : Open d'Italie, Omnium national
1932 : Open des Pays-Bas, Open d'Allemagne
1933 : Open de Belgique, Grand Prix de l'A.P.G.F., Omnium national
1934 : Open de Suisse, Omnium national
1935 : Open de Suisse, Open d'Allemagne, Addington Foursomes, Omnium national
1936 : Open de Belgique, Open d'Allemagne, Omnium national