La joueuse de 18 ans, formée à Fontainebleau, revient des Jeux olympiques pour athlètes sourds et malentendants, qui se sont achevés ce mercredi à Tokyo, avec une médaille d'argent autour du cou et la fierté d'avoir été porte-drapeau à la cérémonie de clôture. Une belle conclusion pour la compétition qui lui tient le plus à cœur.

Margaux Bréjo, médaille d'argent autour du cou, aux Deaflympics 2025 à Tokyo. © CPSF / B. Lorinquer

On ne s'en lasse pas. De voir et de revoir ce putt, à une dizaine de mètres, rentré par Margaux Bréjo le 20 novembre dernier, sur son dernier trou des Deaflympics 2025. Un putt qui a trouvé sa cible, et permis à la joueuse française de 18 ans de s'assurer la médaille d'argent, trois ans après avoir récolté le bronze dans la même compétition, à Rio. « Je marche sur le green, et je n'imagine qu'un seul scénario : la balle qui tombe dans le trou, narre la joueuse de Fontainebleau en parlant de sa routine. Je ne vois pas un seul trois-putts, pas un seul deux-putts, je ne vois que la ligne, la vitesse, et la balle qui rentre. Quand elle sort du putter, je sais qu'elle a la bonne vitesse, et à la fin, je vois qu’elle rentre. C’était énorme, avec toute la pression qui redescend d’un coup. »

Si la pression est retombée d'un seul coup, c'est parce qu'elle était d'autant plus grande quelques secondes plus tôt. Non seulement parce que la deuxième place de Margaux Bréjo était sous la menace directe de la Canadienne Erika Dawn Rivard, qui pointait à une longueur et avait une franche occasion de birdie. Mais surtout parce que cette compétition internationale multisports, calquée sur le modèle des Jeux olympiques et réservée aux athlètes sourds et malentendants, est celle que rêve de gagner un jour la Française. « Les Deaflympics, pour moi, c'est la compétition la plus importante, confie-t-elle. C'est ce qui regroupe le plus de joueuses, car c'est accessible aux professionnelles. On se retrouve dans une collectivité, avec des athlètes d’autres sports. On espère des médailles pour tout le monde, et on a une motivation en plus. Pour moi, c’est la dernière médaille d’or qui me manque. C'est beaucoup de pression, mais j'aime la pression. Quand je la ressens, je me sens vivante. »

Championne du monde et d'Europe

En effet, si l'on excepte ces Deaflympics (dont elle devrait connaître encore moult éditions à l'avenir), Margaux Bréjo a tout gagné dans les grandes compétitions internationales pour joueuses sourdes ou malentendantes. Championne du monde, tout d'abord, en catégorie U21, elle l'est devenue en toutes catégories, en 2024, en ayant survolé la compétition (11 coups d'avance au final). En 2023, elle a également décroché la médaille d'or au Championnat d'Europe. Lors de ces Deaflympics, néanmoins, il lui a fallu se contenter de la deuxième place derrière l'Indienne Diksha Dagar, joueuse professionnelle sur le Ladies European Tour, et qui avait participé aux Jeux olympiques de Paris 2024.

Si les Deaflympics sont si importants au cœur de Margaux Bréjo comme à celui des athlètes engagés dans les 21 disciplines sportives inscrites au programme, c'est aussi parce que la déficience auditive ne fait pas partie des handicaps représentés aux Jeux paralympiques. D'où l'existence de cet événement spécial, organisé tous les quatre ans, et qui a fêté son centenaire l'année passée, puisque sa première édition s'est déroulée à Paris en 1924. « On espère un jour avoir la même notoriété que des Jeux paralympiques », explique la golfeuse française, qui a pu compter, pour financer sa préparation et sa participation, sur ses fidèles sponsors : Amundi, EDS et GN Hearing.

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Margaux Bréjo saute de joie avec son caddie Aurélien Lacour, alors qu'elle vient de rentrer le putt lui assurant la médaille d'argent des Deaflympics 2025. © CPSF / B. Lorinquer

Car oui, cette compétition des Deaflympics, elle se prépare spécifiquement. Pas seulement pour que la joueuse soit dans sa meilleure forme golfique, mais surtout parce qu'elle revêt une spécificité commune à tous les tournois pour sourds et malentendants : les athlètes ne sont pas autorisés à porter le moindre appareillage auditif. Une différence de taille pour Margaux Bréjo, qui entend correctement avec son appareillage, mais connaît une perte d'audition de 70 dB sans. « Si quelqu'un crie à côté de moi, je vais l'entendre comme un chuchotement », illustre-t-elle. Par conséquent, lorsqu'elle joue au golf sans aide auditive, il lui est impossible d'entendre le bruit de son contact de balle, et donc de se servir de cette information pour en évaluer la qualité. « Toute la semaine, par exemple, je n’ai pas su dire si j’avais un seul bon contact sur mes fers », appuie-t-elle. D'où l'aide précieuse apportée, sur son sac, par Aurélien Lacour, référent paragolf au sein de la Fédération française de golf

Mais l'approche de ce genre de compétition sans appareillage ne s'arrête pas là. Car passer cinq heures (la durée approximative d'une partie) privée de sollicitation sonore, cela s'anticipe. Tout d'abord en s'entraînant spécifiquement sans appareils lors du mois et demi précédent l'échéance de Tokyo. Chose qu'a pu faire Margaux Bréjo, étudiante de première année dans l'université américaine de Georgia Southern, à l'issue de la saison de tournois automnale. « J’ai une coach de fac qui m’a préparée pour les Deaflympics, on s’est vu une à deux fois par semaine en individuel », précise la joueuse française. Mais, même une fois arrivée au Japon, il a fallu s'adapter aux futures conditions de compétition. Les trois à quatre jours précédents, la Bellifontaine s'est peu à peu passée de ses appareils dans la vie courante, afin de ne pas opérer une transition trop brusque d'un environnement sonore à l'autre. Même chose à l'issue des parties, où remettre son appareillage d'emblée lui occasionnerait beaucoup de fatigue du fait de percevoir trop de sons d'un coup. « Grâce à une application de GN Hearing, je peux régler sur mon téléphone le son que je perçois dans mes appareils, donc je fais ça de manière progressive, et je remets complètement quand je me sens apte à réécouter la vie », souligne-t-elle.

Adaptation réussie aux États-Unis

L'arrivée aux États-Unis, justement, l'été dernier, a été un changement majeur pour celle qui fut pensionnaire du Centre national de performance de Terre Blanche. Entre le nouvel environnement, les nouvelles relations, le fait d'être loin de la France et le choc gastronomique, elle s'attendait à une adaptation difficile. Qui, finalement, ne le fut pas tellement. « J’avais aussi besoin de mon indépendance, livre-t-elle. Et en fait c’est top, car on apprend à être toute seule. J’ai découvert le fait d’aller à l’encontre du confort, de me retrouver dans un nouveau style de vie complètement différent. » Elle se réjouit donc de la perspective de passer quatre années là-bas, sur sa route vers le monde professionnel. « Malheureusement, sur la nourriture, c'est quand même compliqué », ajoute-t-elle dans un rire.

Car si Margaux Bréjo brille dans les compétitions pour joueuses sourdes ou malentendantes, ses terrains d'exploits sont loin d'être aussi réduits. La joueuse de Fontainebleau a fini médaillée au Championnat de France cadettes en 2023 (argent) et 2024 (bronze), a participé à la médaille de bronze de l'équipe de France au Match octogonal en février dernier, et a disputé une demi-finale à la dernière Coupe Esmond (les Internationaux de France U21 féminins), s'inclinant au 19e trou face à la future lauréate, sa compatriote Alice Kong. Lors de The Southern, début septembre, qui constituait seulement son deuxième tournoi universitaire américain, elle a décroché son premier top 10 en individuel (9e).

Sa fac de Georgia Southern, justement, elle y retourne tout droit, après la cérémonie de clôture des Deaflympics, qui s'est tenue ce mercredi au Japon. Car après avoir terminé son épreuve de golf le 20 novembre, elle est restée au soutien de tous nos athlètes français encore en lice. « Malheureusement, je ne vivrai pas l’accueil au ministère à Paris », sourit-elle. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle n'a pas eu le droit aux honneurs, bien au contraire. Car après avoir dû louper la cérémonie d'ouverture, pour cause de cours importants à l'université, Margaux Bréjo a été désignée comme porteuse de la bannière tricolore pour la cérémonie de clôture, conjointement avec le footballeur Rafaëlli Kuzehgaran, médaillé de bronze. Les 10 m de son putt pour la médaille se sont transformés en une trentaine de mètres drapeau à la main que, là encore, on ne se lasse pas de regarder. La golfeuse française, qui avait eu l'honneur d'être relayeuse de la flamme au Golf National en juillet 2024, donnait ainsi une image de plus à son rêve. Celui des Deaflympics. Et celui des Jeux olympiques.