Récemment élu président du Players Committee du circuit européen senior, Marc Farry, 63 ans et toujours animé par la passion du jeu, évoque les enjeux et objectifs de son nouveau rôle.

Marc Farry a été élu à la présidence du comité des joueurs pour deux ans. © Phil Inglis / Getty Images - AFP

Comment vous êtes-vous retrouvé à la présidence du comité ?
Je faisais déjà partie du comité des joueurs depuis quatre ans. Il y a eu une nouvelle élection il y a quelques semaines car l'ancien président, David J. Russell, s'est retiré. Le directeur général du Legends Tour, Phil Harrison, m'a demandé si je voulais bien me présenter en me disant que je ferais un bon président. J'ai accepté, et il y a eu un vote de la dizaine de membres du comité qui a été unanime en ma faveur. Donc c'est parti pour deux années renouvelables.

En quoi consiste ce rôle de président ?
Mon rôle est de diriger ce comité, qui a voix au chapitre sur un certain nombre de sujets concernant l'organisation générale du circuit. Le boulot de ce comité, en gros, c'est de gérer le quotidien du Legends Tour en défendant le point de vue des joueurs. On a une réunion ce vendredi, et on va évoquer par exemple le problème d'un joueur qui a demandé une exemption médicale car il a des problèmes de dos, mais qui a en même temps une bonne catégorie Career Money List, donc qui n'était pas obligé de faire cette demande d'exemption. Ça pose problème car, comme il rentre dans une nouvelle catégorie, il risque de faire sortir un autre joueur. Le rôle du comité est aussi de déterminer combien de tournois on peut avoir l'an prochain, combien de joueurs par tournois, combien d'invitations, quelles dotations, combien de cartes à la Q-School, si on doit donner une année entière d'exemption à un vainqueur d'un tournoi co-sanctionné, etc. Il y a donc tout un panel de responsabilités, principalement sur le plan sportif, mais aussi sur les règlements. On en débat, et on essaie de trancher au plus juste, toujours dans l'intérêt des joueurs.

Qui sont les autres membres de ce comité ?
Il y a notamment Joakim Haeggman, Santiago Luna, Peter Baker, Clark Dennis, André Bossert, et quatre ou cinq autres. Le Tour est représenté par son directeur général Phil Harrison, et par son directeur des opérations Mark Aspland. Mais ce sont nous, les membres du comité, qui avons le pouvoir décisionnaire.

Il faut admettre que les Américains jouent le jeu, car chaque année ils nous rajoutent des places dans les Majeurs.

Quel est le mode de gouvernance du Legends Tour et sa vision stratégique ?
Le circuit, qui s'appelait auparavant European Senior Tour, est détenu à 70 % par un Anglais, Ryan Howsam, qui est le propriétaire d'une boîte d'assurance anglaise pour les 50 ans et plus, qui s'appelle Staysure. Il était sponsor titre en 2018 et 2019, et il est devenu propriétaire majoritaire en septembre 2020, sachant que le PGA European Tour a gardé 30 %. Howsam a une vision qui est de communiquer davantage sur le circuit, puisqu'il y a de très bons joueurs, et qu'on doit faire des tournois en alliance. C'est une vision qui ne plaît pas à tout le monde, il y a des joueurs qui n'aiment pas forcément passer 5 h 30 sur un parcours avec deux amateurs, mais c'est sa vision et il injecte beaucoup d'argent dans le circuit. Maintenant, il est majoritaire et il fait plus ou moins ce qu'il veut sans forcément demander au PGA European Tour.

Pour quelle raison le PGA European Tour a-t-il vendu la majorité des parts à un investisseur privé ?
À l'époque, le circuit n'était pas dans une grande forme financière, et le PGA European Tour en avait sans doute assez d'injecter de l'argent sur le circuit senior alors qu'ils en injectent déjà beaucoup sur le Challenge Tour, sans parler du DP World Tour. Pour eux, c'était une opportunité économique intéressante.

La vision de Ryan Howsam rencontre-t-elle du succès ?
Je pense que le côté alliance avec des célébrités ne marche que dans le Royaume-Uni. Ce sont des sportifs de haut niveau, des présentateurs télé, des célébrités qui ne sont connus que par le public britannique. Donc quand ça se passe en France, en Italie ou en Allemagne, ou même à l'île Maurice, ça marche moyennement. Mais Ryan a donné une impulsion globale qui commence à porter ses fruits. On a cette année deux tournois à un million d'euros, chose que je n'ai jamais eue depuis douze ou treize ans que je suis sur le Tour. L'année prochaine, ils ont ouvert les portes à un horizon un peu plus large pour qu'on aille jouer en Asie. Peut-être que c'est lui qui a raison, même si beaucoup de pros n'aiment pas forcément l'idée de jouer deux tours avec des amateurs. Mais il faut reconnaître que ça a l'air de fonctionner, et je crois que l'année prochaine va nous permettre d'évoluer significativement en nombre de tournois et en dotation. Il faut reconnaître aussi que Ryan n'a pas eu de chance car il est arrivé sur les années Covid, et plus récemment la guerre en Ukraine, donc son timing n'a pas été idéal, mais malgré tout on ressent bien qu'il a une vraie volonté de développer le circuit. Il aime les pros, et c'est vrai que nous on a beaucoup de choses à raconter sur notre carrière, et les partenaires de pro-ams avec qui on peut jouer en redemandent, ils trouvent ça génial. Alors que quand on joue sur le DP World Tour, les pros restent souvent avec leur cadet et ne parlent pas trop aux amateurs. C'est pour ça que beaucoup d'amateurs préfèrent aujourd'hui jouer en pro-am avec des seniors ou des femmes.

Si j'ai de bonnes sensations sur les greens, je suis toujours capable d'inquiéter les petits jeunes de 50 ans !
Marc Farry, lors du Scottish Senior Open en 2021. © Phil Inglis / Getty Images - AFP

Est-ce que votre nouveau rôle de président va vous amener à discuter avec les représentants du circuit senior américain pour défendre les intérêts européens ?
Sur les trois Majeurs qui sont co-sanctionnés par nos deux circuits, à savoir le Senior PGA Championship, l'U.S. Senior Open et The Senior Open, le comité a effectivement son mot à dire. Mais il faut admettre que les Américains jouent le jeu, car chaque année ils nous rajoutent des places. Pour le PGA on est passé de 20 à 23, pour l'U.S. on est passé de 3 à 5 puis à 10. Et pour The Open on deale directement avec le R&A, mais on a aussi augmenté de trois ou quatre cette année. Donc il y a une grosse amélioration récente, et on va certainement continuer à discuter avec eux pour poursuivre sur cette lancée.

Existe-t-il des solutions pour faire venir davantage de grands joueurs européens sur le Legends Tour ?
Avoir plus souvent sur nos tournois les légendes du golf européen, c'est bien sûr ce que l'on souhaite. On n'a que deux tournois à un million cette année quand le plus petit tournoi du PGA Tour Champions est au-dessus de 2 millions, et le plus gros au-delà de 4. Évidemment on est loin de ça, mais il y a beaucoup de joueurs du circuit américain qui sont prêts à venir jouer en Europe. Je crois qu'il y a une carte à jouer ; par exemple juste après The Senior Open cet été, on a une épreuve à un million qui s'appelle le JCB Championship, et je sais déjà qu'on aura une bonne dizaine de joueurs du circuit américain qui vont venir. Donc c'est bien pour tout le monde, car ça fait toujours plaisir de voir un Fred Couples ou un John Daly venir chez nous. Et puis on aura les Olazábal, Jiménez, Bjørn, Cejka, Karlsson, donc du beau monde. C'est sûr qu'il y a de belles choses à faire sur le Legends Tour, et je pense que si un sponsor qui met un million voit que ça marche bien, il mettre peut-être un demi-million de plus l'année suivante.

Pour conclure, vous êtes encore et avant tout un joueur du Legends Tour, au départ ce vendredi du Jersey Legends. L'envie d'être compétitif au plus haut niveau vous anime-t-elle toujours ?
Quand on a toujours la passion, comme c'est mon cas, on pense toujours être capable de gagner, du moment qu'on est en forme et malgré le fait que certains ont dix ou douze ans de moins. Je suis toujours en bonne forme physique et je tape toujours la balle relativement loin. L'an dernier à l'open d'Autriche j'ai fini 3e en faisant un malheureux bogey sur le dernier trou, mais j'étais tout près de gagner. Donc j'ai toujours envie, je me sens bien, et c'est toujours au putting qu'est le nœud du problème pour moi. Je sais que si j'ai de bonnes sensations sur les greens, je suis toujours capable d'inquiéter les petits jeunes de 50 ans !