Si certains sont des marqueurs d’évolution, voire de l’histoire du golf, d’autres ont leur petite histoire à raconter. Tantôt une anecdote, tantôt un détail. Du côté des Greens d’Eugénie, la lumière est mise sur un couple dont l’amour pour un fils a donné naissance à un parcours bien singulier.

Depuis 2017, Les Greens d'Eugénie connaît un renouveau insufflé par un couple guidé par la passion de leur fils. © ffgolf

« Mais qui est donc cette Eugénie ? » Pour répondre à la question, il faut avoir mis les pieds dans ce petit bout des Landes ; quoique sa géolocalisation permet de se faire une idée sans faire le déplacement. Eugénie n’est ni la fille, ni la mère, ni même une ancienne figure historique - ou presque. Le prénom fait tout simplement référence à la ville d’Eugénie-les-Bains, elle-même baptisée en l’honneur de l’impératrice espagnole (et épouse de Napoléon III) Eugénie de Montijo, qui profitait régulièrement des sources thermales voisines au milieu du XIXe siècle. Près de cent cinquante ans et de nombreuses baignades plus tard, les environs ont vu les vallons du Tursan donner une petite place à un golf éponyme. Mais il faut attendre 2017, soit vingt-et-un an après sa création pour voir ce parcours être rebaptisé les Greens d’Eugénie. « La ville d’Eugénie-les-Bains est un lieu de calme et de bien-être, un peu hors du temps, et c’est exactement ce qu’on voulait rappeler ici », explique la propriétaire des lieux, Patricia Lebigre. Au sein de cette structure s’abrite donc un neuf trous au charme fou, taillé dans une nature isolée et qui étonne par la qualité de son entretien et la beauté de ses perspectives. Le fairway s’y déroule à l'anglaise, le grain de son herbe tondu dans des sens opposés donnant ces longues bandes esthétiques. Les greens y sont « propres » comme le veut le jargon des golfeurs et les abords respirent la rigueur. Pourtant, derrière ce tableau se cache une signature qui dénote : celle d’une équipe réduite… à trois personnes.

Retour au premier boulot

Si beaucoup de golfs tricolores aiment à définir leur atmosphère comme familiale, peu sont ceux qui ont la même légitimité que les Greens d’Eugénie de le dire. En compagnie de son mari, Éric, Patricia Lebigre a donc repris les lieux sur un coup de cœur. Pas pour les lieux, ni pour la région. « Notre fils Thibault, qui a un handicap mental, est paragolfeur depuis ses 8 ans et est un grand passionné. Il nous a amené dans cet univers que nous ne connaissions que très peu », raconte-t-elle. Quand il a fallu réfléchir à l’avenir de leur fils après le bac, le couple a décidé de vendre sa maison, de quitter sa situation professionnelle et de se lancer à Eugénie. Elle était dans la banque, lui dans l’audiovisuel. Aujourd’hui, derrière l’accueil gérée par Thibault, Patricia s’occupe de la partie financière et de la restauration. Éric, lui, a troqué les plateaux télé pour les tondeuses, la lumière artificielle pour celle du matin ; avec un souci du détail qui force l’admiration. « J’ai retrouvé mon premier métier », s’amuse ce dernier avant de poursuivre : « J’ai travaillé comme jardinier au golf de Fontainebleau en sortant des études. Mais ça ne me convenait pas tellement alors je suis parti », retrace-t-il, conscient du caractère cocasse de son chemin de vie.

« Je fais cent heures par semaine mais je veux que les gens repartent d’ici en disant : "waouh, c’est un petit jardin !" » Aidé par Mathias, le seul autre greenkeeper des lieux, Éric restructure, nivelle, taille, sable et plante pour proposer un parcours soigné. « Quand mon jardinier a fini ses heures, s’il y a quelque chose à terminer ou à reprendre, je remonte sur la machine », dit-il pour illustrer sa passion. Et petit à petit, « on a commencé à parler en bien de nous », complète sa femme. Malgré sa discrétion, ce golf a tout pour plaire. Mais sa réussite ne tient pas qu’à la qualité du travail fourni : il est aussi le résultat d’une vision. « On voulait un lieu vivant, accueillant, sans ostentation », explique Patricia. « Un club où les golfeurs se sentent bien, où la convivialité prime » l’apparat.

Un havre de convivialité pour les (non) golfeurs

Huit ans après son arrivée, le couple a su insuffler à Eugénie-les-Bains un esprit golf unique, basé sur la simplicité. En lien avec les établissements thermaux et les hôtels du secteur, Éric et Patricia développent aujourd’hui des formules mêlant cure et golf : des séjours pour couples ou amis, entre détente et parcours. Mais surtout, ils incitent tous ceux n’ayant jamais tenu un club entre leurs mains à s’essayer à la pratique. Au détour d’initiations, d’événements festifs et d'une salle indoor créée pour palier les conditions de jeu hivernales, ils mobilisent leur toute dernière recrue arrivée en juillet 2024 : le pro enseignant Thomas Vayssieres. « On a appris à s’entourer de gens qui nous conseillent à merveille et qui font partie de la famille, au sens propre comme au figuré. Et tout ça dans le but de créer de nouveaux golfeurs, pas seulement d'accueillir les anciens », insiste Patricia. Et le pari semble tenir : chaque initiation se solde par « une ou deux nouvelles adhésions. »

Que ce soit pour son parcours, pour son atmosphère ou pour la curiosité qu’il attise, le golf des Greens d’Eugénie fera à n’en pas douter parler de lui sur les prochaines années. « On a encore mille projets », sourit Patricia. « Mais on veut grandir à notre rythme, sans perdre ce qui fait notre âme. » Ainsi, le couple Lebigre a su prouver qu’avec de la passion, du travail et une bonne dose de cœur, il est possible de transformer un simple neuf trous rural en une véritable perle du Béarn. Certes, il faut prendre le temps d’y aller mais comme le dit si bien la mère des lieux : « Une fois qu’on l'a découvert, on y revient. »