Fondé en 1934, le Masters s'est peu à peu ouvert aux joueurs étrangers après la Seconde Guerre mondiale. En 1952, Albert Pelissier fut le premier Français à y participer.

Albert Pelissier fut le premier des onze Français à participer au Masters, en 1952. © Photomontage : Patrick Smith / Getty Images North America - AFP & D. R.

Après-Guerre, Augusta s'internationalise

S'il fallut attendre la victoire du Sud-Africain Gary Player en 1961 pour voir un étranger endosser la Veste verte, le Masters accueillit dès sa première édition des golfeurs non-Américains. En 1934, un Canadien et trois Anglais établis aux États-Unis se partagèrent cette distinction, mais leur nombre ne crût guère avant la Seconde Guerre mondiale en raison du caractère onéreux d'un voyage au fin fond de la Géorgie, à cette époque, pour des joueurs vivant hors des frontières américaines. Après le conflit, le nombre d'étrangers augmenta cependant de manière significative, en même temps que la réputation du tournoi à l'international : Magnolia Lane vit ainsi passer l'Anglais Henry Cotton, l'Argentin Roberto de Vincenzo ou encore le Sud-Africain Bobby Locke à la fin des années 40 et au début des années 50, ouvrant ainsi la voie à des joueurs exerçant leur métier aux quatre coins du monde.

Vainqueur de l'Open de Belgique en 1951

En 1952, un Français reçut pour la première fois la fameuse invitation à disputer le tournoi : Albert Pelissier. Né le 16 septembre 1917 à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), ce professionnel enseignait alors non loin de là, au golf de la Bastide du Roy, à Biot. À une époque où les carrières des grands champions français de l'Entre-deux-guerres – Auguste Boyer, Marcel Dallemagne et Firmin Cavalo – déclinaient, ce Méridional pur jus s'était fait un nom dans le petit monde du golf français en remportant le Grand Prix de l'A.P.G.F. en 1950 à Aix-les-Bains, et l'Open de Belgique l'année suivante au Royal Latem Golf Club. De quoi le considérer, probablement, comme le numéro 1 tricolore de l'époque. « C'est grâce à Bobby Locke qu'il reçut une invitation officielle à jouer le Masters en 1952 », nous indique Jean-Marc Autiero, enseignant à Biot, qui l'a connu à la fin des années 80.

© D. R.

Quatorze coups au-dessus du par après 36 trous...

En ce printemps 1952, Albert Pelissier traverse donc l'Atlantique à bord du Queen Elizabeth, accompagné de son ami et collègue golfeur Jean-Baptiste Ado. Après avoir participé début mars à l'open du Mexique – remporté par Bobby Locke – il se rend à Augusta. Un premier tour en 78 (+6) le relègue d'emblée en fond de classement, et après un 80 (+8) le lendemain le Français est bon dernier. Même s'il aurait pu jouer le tournoi jusqu'au bout, le cut des 36 trous n'étant instauré qu'en 1957, il préfère abandonner. « Il s'est rendu compte qu'il n'avait pas le niveau pour rivaliser avec les meilleurs, donc il s'est retiré et a profité du spectacle des deux dernières journées », avance Jean-Marc Autiero. Depuis l'extérieur des cordes, Pelissier assiste ainsi au deuxième sacre de Sam Snead.

Albert était un brave homme, avec ce côté un peu "grande gueule" typiquement sudiste, mais gentil comme tout avec tout le monde. Il enseignait aussi bien aux enfants qu'aux têtes couronnées d'Europe qui passaient l'été dans le Sud de la France.

Françoise Autiero

Le premier « driving range » de l'Hexagone

L'aventure américaine ne s'arrête pourtant pas là pour Pelissier, qui sillonne l'Est du pays. Il visite notamment un driving range à Evanston, dans la banlieue de Chicago (Illinois), qui lui fait une forte impression : « C'est là-bas qu'il prit conscience du développement du golf dans la mentalité des Américains. Selon lui, personne en France ne se rendait compte de l'importance du phénomène outre-Atlantique. Il s'inspira de cette structure avec le désir d'en reproduire une à l'identique lors de son retour à Biot », relate un article de presse de l'époque transmis par Jean-Marc Autiero. À son retour au pays, Pelissier lance le chantier. En 1955, le premier practice de l'Hexagone ouvre ses portes, ou plutôt ses postes, à Biot, sur un terrain jouxtant le parcours de la Bastide du Roy.

Un héritage bien vivant

Albert Pelissier y enseignera jusqu'à la fin de sa carrière, dans les années 80, lorsque Lucien et Françoise Autiero, les parents de Jean-Marc, lui rachètent la structure. « C'était un endroit révolutionnaire, car avant l'ouverture de ce practice, le professeur faisait taper ses élèves entre deux trous, quelque part où ça ne dérangeait pas les clients du golf », raconte Françoise, qui a commencé à travailler à Biot comme caddie à l'âge de onze ans, en 1950. « Albert était un brave homme, avec ce côté un peu "grande gueule" typiquement sudiste, mais gentil comme tout avec tout le monde. Il enseignait aussi bien aux enfants qu'aux têtes couronnées d'Europe qui passaient l'été dans le Sud de la France. » Soixante-huit ans après avoir ouvert la voie pour les Français à Augusta – Victor Perez, qui participe à la 84e édition du tournoi des Maîtres, est le onzième Tricolore – et quinze ans après son décès le 24 mai 2005, l'héritage d'Albert Pelissier est plus que jamais vivant.

Couverture de « La Vie du golf » n° 2 d'avril 1962. © A. P. G. F.

Palmarès

1950 : Grand Prix de l'A.P.G.F.
1951 : Open de Belgique