Seul des quatre amateurs invités à avoir franchi le cut, Darren Strachan a bouclé son premier Open de France à la 35e place. Au-delà du résultat, le joueur de 19 ans a savouré sa première incursion dans le monde professionnel, qu'il compte bien rejoindre un jour.

Darren Strachan a fait honneur à son statut de champion de France. © Lucas Hélin / ffgolf

« On the tee, from France : Darren Strachan ! » Ce jeudi à 9 heures, il pleut à verse lorsque Darren Strachan prend le départ du Cazoo Open de France. Le joueur de 19 ans, qui représente le Golf de Chantilly, est l'un des quatre amateurs en lice dans cette 105e édition, et en dépit de son apparente sérénité il n'en mène pas large. « J'avais bien dormi, mais j'étais tendu au réveil, les bras un peu lourds. J'ai fait mon practice comme à mon habitude, et j'ai réussi à taper le coup qu'il fallait au 1 », raconte-t-il. Sur ce trou n° 1 du parcours de l'Albatros, sa mise en jeu trouve le rough à droite, au pied des buttes, mais de cette position son approche attrape le green et, deux putts plus tard, il coche un premier par sur sa carte de score. Seize autres suivront, ainsi qu'un birdie au 10, dans une journée maîtrisée de bout en bout malgré des conditions météo exécrables. « J'aime bien ce genre de temps car il faut se battre, et c'est dur pour tout le monde », sourit-il.

La pluie, le vent, le froid, le jeune homme connaît : formé à Hardelot par son père, Ken, un pro écossais qui en a été le directeur durant de longues années, il s'entraîne désormais à Wimereux où sa famille est installée. « Je suis habitué aux parcours de bord de mer, donc là, j'étais dans mon élément ! » À tel point que lorsque la journée s'achève, Darren est l'un des rares joueurs du champ, qui comprend tout de même 149 professionnels et 4 amateurs, à n'avoir pas concédé le moindre bogey ! « J'ai réussi à poser mon jeu. Certes, j'ai raté quelques greens, mais je me suis accroché. J'ai fait de bons choix stratégiques et ça m'a bien aidé à ne pas me mettre en danger », explique-t-il. Si sa performance est éclipsée par le sans-faute de son confrère amateur Hugo Le Goff (67, -4), Darren figure du bon côté du cut ce jeudi soir. « Mon objectif est de battre le parcours chaque jour, et je sais que si j'y parviens je vais passer le cut », assure-t-il.

Chip-putt pour passer le cut !

Vendredi en début d'après-midi, c'est armé d'un assurance accrue que Darren se présente au départ du trou n° 10. Sous un ciel nettement plus clément que la veille, il donne la première note d'un nouveau récital de solidité : mise en jeu plein fairway, approche dans le bunker, sortie donnée et premier par. Au fil de la journée, les trous s'enchaînent sans encombre, un birdie au 16 venant même colorer sa carte, et le champion de France amateur en titre se dirige tranquillement vers une qualification pour le week-end. Jusqu'au 8, son 17e trou : sur ce par 3, son coup de fer termine en bas à droite du green, et son chip trop court est sanctionné d'un trois-putt à 7 mètres en descente. Double bogey. L'ultime par 5 décidera de sa participation aux deux derniers tour. « Je n'ai pas pensé au score que je devais faire au 9, mais je savais qu'il fallait faire un bon dernier trou pour passer le cut. Je l'ai joué avec la pression, mais j'ai sorti un très bon chip-putt pour passer ! Je me suis fait peur, donc j'étais vraiment soulagé », souffle-t-il en zone mixte.

Classé 55e dans le par total après ce 72 (+1), Darren franchit le cut sur la limite, en n'ayant commis qu'une seule erreur en deux tours. « C'est génial ! Ce n'est que du bonus, et je vais tâcher d'en profiter à chaque instant ce week-end. Je n'ai rien à perdre, et avec deux bonnes journées je peux gagner quelques places et finir sur une très, très bonne note », se réjouit-il. Et comme Hugo Le Goff, Maxime Legros et Oscar Couilleau échouent tous trois à se qualifier, il se retrouve seul amateur dans le cut : « C'est dommage pour les autres, qui sont de très bons joueurs, mais je suis ravi de prolonger le plaisir un peu plus longtemps. C'est bien aussi de faire honneur à mon titre de champion de France. Je sentais que je devais passer le cut », ajoute-t-il. L'aventure entamée en début de semaine avec son caddie Xavier Gagneret, un copain de Wimereux, va donc se poursuivre jusqu'à dimanche, à la plus grande joie du petit fan club qui suit le duo de l'extérieur des cordes. « Ma famille est là, des amis, des gens du club : ça fait plaisir d'être soutenu ! »

Première interview télévisée, vendredi soir ! © Alexandre Mazas / ffgolf
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AVEC QUATRE BOGEYS ET UN DOUBLE EN QUATRE TOURS, DARREN STRACHAN N'A LÂCHÉ QUE SIX COUPS À L'ALBATROS.

NUL N'A FAIT MIEUX, ET SEULS DEUX JOUEURS ONT FAIT AUSSI BIEN CETTE SEMAINE : JULIEN BRUN ET RYO HISATSUNE, LE VAINQUEUR.

Le plein d'expérience

Samedi matin, Darren est associé pour la troisième journée d'affilée au vétéran Paul Waring. Alors qu'il s'était senti, de son propre aveu, impressionné de partager sa première partie de reconnaissance avec Ross Fisher, l'amateur de 19 ans est à son aise aux côtés du souriant Britannique à lunettes. « Paul a 300 tournois sur le Tour, moi c'est mon premier, on voit la différence, donc bien sûr je regarde ce qu'il fait. En plus, il est très accessible, on s'est motivés, encouragés, donc c'était sympa d'être avec un mec comme ça », admet-il. Pour un Darren plus habitué aux Grands Prix et classiques amateurs hexagonales, l'occasion est belle d'apprendre en observant au plus près les professionnels : « J'ai de la marge de progression sur la frappe de balle : il y en a qui tapent 20 m plus loin que moi, et ça aide sur un tel parcours. Au niveau de l'attitude, ensuite, ils sont très calmes, ils gèrent beaucoup mieux leurs émotions que dans le milieu amateur. Au putting enfin, ils sont très réguliers. Donc il y a un écart, mais ce n'est pas non plus un énorme fossé ».

Sur le terrain, Darren donne pourtant l'impression de n'avoir pas grand-chose à apprendre : il coche trois birdies sur sa carte ce samedi, dont au 18 pour finir en apothéose, et ne commet qu'un seul bogey, au 14, après un deuxième coup un peu trop agressif expédié dans les hautes herbes. Son 69 (-2) le fait remonter à la 45e place, de quoi s'autoriser à envisager un bon résultat le lendemain : « Si je fais une très bonne carte, ce serait bien d'aller chercher un top 25. Mais le plus important est de prendre beaucoup de plaisir, comme c'est le cas depuis trois jours. C'est d'ailleurs ça qui me permet de jouer aussi bien et d'être si régulier », commente-t-il. Plus, assurément, que sa connaissance du parcours : à la différence de la plupart des joueurs français, Darren découvre le Natio, ou quasiment ! « Je l'avais joué une fois des rouges à l'âge de 12 ans pour un Grand Prix Jeunes, donc cette semaine, des noirs, c'est comme si c'était la première fois », glisse-t-il à notre plus grande stupeur. « C'est vraiment très bien de faire aussi peu d'erreurs, surtout avec cette pression. »

J'ai laissé des coups sur le terrain, et c'est motivant de voir qu'avec plein de choses à améliorer techniquement, mentalement et physiquement, je peux finir 35e d'un tournoi du Tour européen. C'est très positif.
Darren envisage un passage pro d'ici deux à trois ans. © Lucas Hélin / ffgolf

Passage pro à l'horizon

« Avec des scores de 70, 72, 69 et 70, et un total de 281, meilleur amateur de cet Open de France à la 35e place : Darren Strachan ! » Dimanche, 18 heures, la semaine du Cantilien se conclut en beauté, sur le green du 18, lors de la remise des prix. Une ovation du public et une bouteille de champagne viennent récompenser sa participation, conclue avec le sourire malgré un anecdotique bogey sur le dernier trou. « Au début, j'ai essayé d'être un peu plus agressif, mais vu les positions de drapeaux ça ne servait pas à grand-chose ! J'ai donc fait au plus simple. J'aurais pu rendre -3 ou -4 en rentrant quelques putts de plus, mais je suis très content de finir mon premier Open de France sous le par. Avec en plus un eagle au 14, c'était super ! » débriefe-t-il. Trente-cinquième à -3, Darren chérira toujours les souvenirs de ses débuts remarqués dans son open national. « Mon téléphone brûlait le soir ! » rigole-t-il. « J'ai essayé de répondre, de regarder un peu, mais pas trop car sinon on n'en finit pas. Je suis resté concentré sur mon tournoi pour vivre le moment et prendre du plaisir, car ce n'est pas tous les jours qu'on a la chance, en tant qu'amateur, de jouer sur le DP World Tour. »

Cette chance, il la vivra peut-être lorsqu'il aura terminé son cursus amateur. « J'aimerais arriver le plus vite possible sur le Tour européen, mais il va falloir que je bosse physiquement pour gagner un peu de distance », estime-t-il. Pas question, néanmoins, de brûler les étapes : « Je ne suis pas pressé. J'ai envie de rester amateur pour jouer les plus gros tournois, car c'est comme ça qu'on progresse. J'ai fait mon premier British Amateur cette année, et j'aimerais en faire encore deux ou trois avant de passer pro pour profiter au maximum des opportunités de ce monde », assure Darren. En attendant, c'est retour à l'ordinaire pour le champion de France 2023 et meilleur amateur de l'Open de France 2023, qui disputera cette semaine les Internationaux de Suisse.