Désormais 3e de la Race to Dubai et membre du top 100 mondial, Adrien Saddier réalise la meilleure saison de sa carrière professionnelle jusqu'à maintenant. Le fruit d'un travail de longue haleine, sur son golf et sur lui-même.

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Adrien Saddier est arrivé cette semaine à Saint-Nom-la-Bretèche en occupant la 78e place au classement mondial. © Lucas Hélin / ffgolf

Tout est si nouveau. Et dans le même temps, tout vient de si loin. De plusieurs saisons en arrière, lors desquelles il a patiemment travaillé, sans bruit mais avec conscience, sans avoir alors la certitude de pouvoir récolter de beaux fruits comme il le fait depuis plusieurs mois. Adrien Saddier expérimente, lors de cette semaine de FedEx Open de France, le paradoxe de se voir propulsé subitement joueur le plus suivi et le plus scruté, tant par le public que par les suiveurs tricolores, alors que le processus devant mener à cette situation a démarré il y a plus longtemps que ça. 

« J'ai l'impression d'avoir pris la place de Matthieu l'an dernier, mais c'est excitant à vivre », souriait-il en conférence de presse, la veille du début du tournoi, en faisant référence à la trajectoire fulgurante de Matthieu Pavon, il y a 18 mois. « C'est vrai que ce tourbillon médiatique, ce n'est pas une chose à laquelle je suis habitué, poursuivait-il. Mais j'ai pris conseil auprès de Matthieu, et j'essaie de m'habituer. » Son succès se mesure aussi dans la sphère numérique, puisque, selon ses comptes, sa 2e place à Wentworth la semaine dernière lui a fait gagner entre 2000 et 3000 suiveurs sur Instagram, plate-forme par laquelle environ 500 messages de félicitations lui sont arrivés, qui s'ajoutent aux 200 reçus sur sa messagerie privée.

« Chaque année, il passe des caps »

Or donc, comme dans une immense majorité des cas similaires, Adrien Saddier ne s'est pas mis à jouer encore mieux au golf par magie. Ni par un simple ripolinage technique, le swing étant globalement en place depuis longtemps lorsque l'on parle d'un joueur de 33 ans, professionnel depuis 2013 et qui, à l'exception d'une virée partielle sur la deuxième division en 2022, est présent sans discontinuer sur le DP World Tour depuis 2018. Mais 2022, justement, est le point de départ qu'il définit lui-même dans son renouveau. « C'est un ensemble de choses que j'ai mises en place sur les trois dernières saisons avec mon coach Benoît Ducoulombier, mon coach mental Makis Chamalidis et mon coach physique David Baudrier, explique-t-il. J'ai essayé de me remettre en question, de me demander pourquoi je n'étais pas à la place à laquelle je voulais être. On a défini de nouveaux axes, et on s'y est tenu ces deux dernières années. »

Dans l'énumération de ces axes, Makis Chamalidis cite en premier lieu le fait de respecter le jeu de golf, selon sa propre terminologie. « Le golf est un sport où il est question d'endurance mentale, détaille le psychologue du sport. Adrien est un joueur qui travaille très bien à l'entraînement. Avec lui, on a beaucoup travaillé sur le lâcher-prise. Car jouer pour gagner, c'est un état d'esprit, et ça passe par le lâcher-prise. » Illustration en ce début semaine du FedEx Open de France, lorsque, questionné sur les moments qui ont suivi son play-off perdu face à Alex Norén lors du BMW PGA Championship, il avouait, que même si l'issue inverse lui était bien sûr préférable, le moment ne lui avait pas paru très difficile à gérer. 

Le cap le plus visible a été passé cette année pour Adrien Saddier, qui a tout d'abord empoché sa première victoire en carrière sur le DP World Tour, fin juin en Italie, puis pulvérisé sa meilleure performance en Rolex Series, avec sa deuxième place de la semaine dernière. Désormais 3e de la Race to Dubai, solidement assuré de figurer parmi les promus sur le PGA Tour à la fin de la saison, il s'est également hissé à la place de meilleur Français du classement mondial, dont il occupait le 78e rang avant le lancement de son open national. « C'est tout ce que j'ai mis en place ces trois dernières saisons qui fait que j'ai réussi à bien faire les choses cette saison, et à faire de gros résultats, insiste-t-il. Mais Chaque année, je voyais des améliorations. Et petit à petit, j'ai réussi à casser la baraque. »

Une évolution que confirme son coach mental. « Chaque année, il a passé des caps, affirme Makis Chamalidis. Il a gagné en maturité, et il a développé son QI golf. » Sur le plan personnel également, Adrien Saddier, qui a fondé une famille avec sa compagne Marie Fourquier (qui fut elle-même joueuse sur le circuit européen féminin) bénéficie d'un solide cocon. Surtout en cette semaine de FedEx Open de France, où son entourage est physiquement présent à Saint-Nom-la-Bretèche. « D'avoir ma petite bulle à l'hôtel le soir, et de retrouver mon rôle de père et de mari, ça m'aide beaucoup à me déconnecter du golf, et à me déconnecter mentalement », livrait-il par exemple à l'issue du deuxième tour de vendredi.

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Avec ses excellents résultats des derniers mois, Adrien Saddier est l'objet de beaucoup plus de sollicitations médiatiques. © Lucas Hélin / ffgolf

Ces nouvelles forces, Adrien Saddier pourra les mettre à contribution l'an prochain de l'autre côté de l'Atlantique, une place sur le PGA Tour lui étant promise. Pour le moment, il imagine plutôt une certaine stabilité, par exemple en restant installé en Europe, et en faisant l'aller-retour pour les semaines de tournois. « Je suis assez dur à bouger de mes montagnes », souriait-il en conférence de presse, tout en précisant que Matthieu Pavon lui avait, au besoin, déjà ouvert la porte de sa chambre d'amis. Sur son sac, le Français Andrea Ginola (fils de l'ancien international de football David Ginola) a également grossi la liste des éléments stables, depuis que leur collaboration a démarré il y a un an et demi. « On a une très bonne relation sur le parcours et en dehors », affirme le joueur haut-savoyard. Sur le plan psychologique, Makis Chamalidis serait plutôt enclin à lui recommander de « défendre une identité, plutôt que défendre un statut », dans cette période qui s'ouvre devant lui, et où ses performances seront suivies avec un surcroît d'attention. En résumé, à l'aube des derniers tournois du DP World Tour 2025, et de son arrivée sur le PGA Tour en 2026, les pièces de l'échiquier sont en place. Elles donnent hâte de voir le déroulement de la partie.