Il aurait pu être au départ cette semaine de l’AIG Women’s Open du côté de Carnoustie, Majeur remporté en 2017 à Kingbarns avec la Sud-Coréenne IK Kim. Mais cette dernière, blessée au dos, a déclaré forfait. Une décision qui a accéléré le retrait « définitif » du caddie français pris en début d’année.

Axel Bettan, 43 ans depuis le début du mois de juillet et l’un des rares caddies français (avec Fred Bonnargent) à évoluer depuis de nombreuses saisons sur le LPGA Tour, a donc décidé de raccrocher. Après vingt années passées au plus haut niveau*. Une décision prise au début de l’exercice 2021, au moment de renouer une nouvelle collaboration avec la Sud-Coréenne IK Kim avec qui il s’était imposé au British Open 2017. Un clap de fin qui s’est même accéléré au beau milieu de l’été après que son « employeur » se soit retiré quelques jours seulement avant le dernier Amundi Evian Championship pour des douleurs chroniques au dos. Il a toutefois été sur le sac de l’Américaine Jennifer Song, engagée en Haute-Savoie, pour une toute dernière pige…
2021, la der des ders…
« Arrêter était dans mon esprit depuis le début de l’année et cela s’est un peu plus précipité encore ces dernières semaines, explique-t-il doucement. Déjà absente à Evian, IK Kim s’est en effet scratchée pour le Scottish Open et le British Open… Je n’ai pas reçu de propositions pour continuer jusqu’à la fin de l’année. A vrai dire, je n’ai pas trop cherché non plus… Toutes les planètes étaient donc alignées pour que je tourne la page un peu plus tôt. Mais il est clair que je vais continuer à suivre attentivement ce qui se fait dans le sport, et plus particulièrement dans le golf. Aujourd’hui, j’ai besoin de trouver d’autres orientations, d’autres choses qui me motive. J’ai envie de me réinventer professionnellement. Peut-être que dans deux ou trois ans, je ressentirai un manque et que je reviendrai mais en ce moment, j’ai besoin de me mettre à l’épreuve et me prouver à moi-même ce que j’ai envie de faire. »
Axel Bettan
Bilans de compétences, Ligue d’Occitanie
« Je suis actuellement une formation en alternance sur les comportements humains, afin de proposer des bilans à la fois de compétences et professionnels, souligne celui qui a suivi une licence STAPS entre 1998 et 2001 à l’Université Paris-Est Créteil. Je vais davantage m’orienter vers le marché du travail traditionnel mais je vais aussi collaborer avec la Ligue Occitanie. Les moins de 18 ans ne sont pas autorisés à utiliser le laser, je vais les aider pour tout ce qui est reconnaissance de parcours, préparation d’un carnet… J’ai très envie de partager cette expérience. Si je peux transmettre un peu de cette passion aux jeunes, ou même aux moins jeunes, ce sera avec un immense plaisir. »
La théorie c’est bien, la pratique c’est encore mieux
« Pendant ces vingt années, toutes les collaborations ont été enrichissantes. Je me suis aussi rendu compte que l’apprentissage, dans tous les domaines, se fait d’abord sur le terrain, dans la vie active. J’ai appris sur le tas. Quand je suis sorti de la Fac, j’étais nul en anglais. Je ne parlais pas un mot. Aujourd’hui, je suis totalement bilingue. Du fait de partager des Airbnb et des parties avec des caddies anglais ou des joueurs anglais, de travailler avec des golfeuses ou des golfeurs s’exprimant uniquement en anglais, ça aide énormément. Le monde scolaire m’a apporté beaucoup de savoir mais celui-ci ne m’a pas été toujours utile par la suite… Au début, j’étais jeune et impétueux. Mais j’ai appris à être plus à l’écoute et à répondre aux attentes plutôt que de me reposer sur mon savoir théorique… »
Un homme et une femme. Les différences…
« D’abord, au niveau du jeu, les hommes ont plus de coups dans le sac. Ils ont plus de facilités à créer, notamment dans le rough ou autour des greens. Ils osent plus de choses autour du green, et dans des situations particulières, comme par exemple quand ils se retrouvent entourés d’arbres… Les filles sont beaucoup plus prudentes dans la gestion de leur parcours. Ensuite, les femmes sont plus prévenantes et attentionnées à l’égard du caddie. J’ai toujours senti de la bienveillance. Si j’avais des problèmes de vol ou d’organisation, elles étaient toujours dans la compréhension, elles m’aidaient toujours à trouver une solution. Il m’est arrivé de devoir prendre deux ou trois semaines pour des raisons familiales. Il n’y a jamais eu aucun problème. A aucun moment elles m’ont dit : « si tu n’es pas là, je te remplace par un autre caddie. » Les hommes sont peut-être un peu moins flexibles. Mais je pense que des filles qui sont classées entre les 150e et 200e places mondiales doivent être plus exigeantes car elles doivent avancer. Elles sont certainement moins flexibles que les pensionnaires du top 50 mondial car ces dernières savent qu’elles peuvent jouer tous les tournois au calendrier… »
Pourquoi les joueuses asiatiques sont plus fortes ?
« Elles sont élevées dans un autre esprit. Leur but, c’est d’être d’abord productive pour leur nation. Et pour eux-mêmes. Nous, les Occidentaux, notre but, c’est d’être heureux. Dès le plus jeune âge, les Asiatiques sont capables de supporter un niveau de contrainte sur les entraînements, sur la demande et la pression qui est plus élevée que ce que nous avons l’habitude de faire dans notre société occidentale. Elles peuvent supporter des heures de travail, surtout des contraintes de stress mental qui sont bien plus ancrées dans leur société que dans la nôtre. C’est plus une question de culture de l’effort, qui est naturelle pour eux. Les Occidentaux qui réussissent savent travailler en qualité. Les Asiatiques, c’est plutôt la quantité. »
Kingsbarns 2017, le sommet d’une carrière
« Avec IK Kim, ça faisait trois semaines qu’on jouait bien. On venait de gagner aux Etats-Unis (au ShopRite LPGA Classic puis au Marathon Classic). On avait fait top 10 (9e) au Scottish juste avant le British. A Kingsbarns, IK Kim arrivait sans aucune attente car le parcours est un peu un links à l’Américaine, assez large et assez long. On s’était dit : « on va faire ce que l’on peut même si le parcours ne correspond pas forcément à notre jeu » Au fur et à mesure de la semaine, ça s’est bien passé car elle jouait très bien. Le dimanche, j’ai su qu’on était bien embarqués pour gagner à partir du par 5 du trou n°11. Au 3e coup, on devait jouer au-dessus de l’eau et on était assez loin. Je lui ai dit : « on peut jouer par le milieu de green ». Elle m’a répondu : « Non, je vais jouer par la gauche au-dessus de l’eau car avec le vent gauche-droite, je ne pourrai pas être au drapeau. » Là, je me suis dit qu’elle était vraiment dans l’état d’esprit d’une future gagnante. La notion d’échec n’existe pas chez elle à ce moment-là. Elle était complètement focus sur son résultat. Quand on réalise ça, on sait qu’elle va gérer jusqu’au bout. Elle était certes stressée mais elle maitrisait tout ce qu’elle faisait. »
Le British, le Majeur le plus difficile à gérer en tant que caddie ?
« Je ne sais plus combien de tournois du Grand Chelem j’ai disputés. Je dirais 25… Que ce soit avec les filles ou avec certains garçons, comme Raph Jacquelin, Gonzalo Fernandez-Castaño ou encore Romain Langasque… Je les ai tous faits. Sauf l’US Open masculin. Le British est-il le Majeur le plus difficile à gérer ? Je ne le ressens pas comme ça. Mais c’est vrai que le travail de préparation est plus important sur un US Open et un British. Ce sont des tournois où les rotations sont importantes, on n’a pas l’habitude de venir aux mêmes endroits, les repères ne sont pas les mêmes… Et puis je suis quelqu’un de très instinctif. Je prends des décisions sur le moment. Pour un caddie qui est peut-être plus analytique, qui a besoin d’anticiper et de préparer, c’est peut-être un peu plus anxiogène car il faut plus préparer en amont. Moi, cela ne m’a jamais posé de problème. J’aime bien être dans l’action à l’instant T, je n’aime pas planifier. Cela ne nous empêche pas d’avoir effectué une planification de notre stratégie. Mais globalement, ce sont des tournois où moins on est dans l’anticipation, mieux on est. »
Le plus beau compliment reçu
« J’ai eu la chance qu’on m’en fasse beaucoup. Récemment en début d’année, quand j’ai de nouveau travaillé avec IK Kim, elle m’a dit : « ce qui est bien avec toi, c’est que je ne me sens pas jugée. » Cela m’a touché. J’espère que cela a été le cas aussi pour les autres. C’est en tout cas la posture que j’essaie d’adopter. Etre dans la bienveillance et le non-jugement. Je suis toujours parti du principe que les joueuses ou joueurs faisaient leur maximum sur le parcours. Après, c’est comme nous… Quand on caddeye, on essaie de faire du mieux possible. Parfois, on a des mauvaises journées. Et parfois, des bonnes… On part avec la volonté de faire toujours le mieux possible pour l’un et pour l’autre… »
Sa plus riche collaboration…
« Honnêtement, je mentirais en sortant un nom comme ça. J’ai commencé avec Raphaël Jacquelin qui m’a un peu façonné à son image, de ce qu’il voulait avoir comme caddie. C’était très professionnel et très exigeant. Il m’a donné des bases extrêmement solides, avec une exigence du métier qui m’a beaucoup servie par la suite. Après, avec Gonzalo Fernandez-Castaño, j’ai appris l’échange dans la bienveillance. La créativité dans le jeu aussi… La collaboration avec ma femme (Sophie Giquel-Bettan) a été aussi incroyable. Même si ce fut la plus stressante de toute ma carrière. Je pense qu’en termes de résultats, ma meilleure collaboration, c’est avec IK Kim (quatre victoires en un an et demi). Mais ce serait difficile de dire objectivement qu’il y en a eu un ou une qui a été plus fort que l’autre. J’ai vraiment apprécié chaque échange. Cela m’a apporté énormément avec chacun d’entre eux. Le temps que j’ai passé avec n’importe quel joueur ou joueuse a été un sentiment agréable. Au début, notre ego en prend un coup quand on se fait virer ou quand on part d’un sac. Le joueur ou la joueuse peut se sentir froissé. Mais, au pire, quelques semaines après, on renoue le dialogue. J’ai aujourd’hui des contacts amicaux avec tous ceux avec qui j’ai collaborés. C’est de ça dont je suis certainement le plus fier. »
Encadré
*Axel Bettan a collaboré chez les femmes avec Sophie Giquel-Bettan, l’Allemande Caroline Masson, la Sud-Coréenne IK Kim et la Chinoise Yu Liu. Chez les hommes, avec Raphaël Jacquelin, l’Espagnol Gonzalo Fernandez-Castaño, Anthony Snobeck, Gary Stal, Edouard Dubois, Joël Stalter et Romain Langasque.