Malgré la distance et l'isolement, la Réunion voit éclore chaque année des espoirs parmi les meilleurs de leur génération. Le fruit du travail et d'un système particulièrement efficace mis en place par la ligue régionale.
Quel est le point commun entre Nicolas Viroleau, sacré champion de France minimes en octobre dernier, et son dauphin Rafael Amiel ? L'un est licencié au UGolf Mionnay Garden, l'autre au RCF la Boulie, mais tous deux représentent surtout fièrement les couleurs de la Réunion, où ils ont été formés avant de rejoindre ces deux grands clubs métropolitains. Une réussite exceptionnelle et une véritable fierté pour une région qui ne compte qu'environ 3500 licenciés de golf.
Exceptionnelle ? Pas vraiment, compte tenu des résultats accumulés depuis de longues années par les golfeuses et golfeurs réunionnais. Des éclaireurs chez les pros tels que Benjamin Kedochim, Christian Verrougstraete, Alexandre Daydou, Jade Schaeffer ou Charlotte Liautier. Des jeunes pros prometteurs comme Julien Sale, titré sur l'Asian Tour cette année. Et surtout une relève impressionnante dans les catégories jeunes : Rudy Sautron, vainqueur d'un gros tournoi amateur au début de l'été et invité à jouer sur le Korn Ferry Tour dans la foulée, Mila Jurine et Melliyal Schmitt, joueuses des équipes de France… La liste est longue et non exhaustive. Jusqu'aux plus jeunes pousses, puisqu'au-delà de ces minimes brillants, la Réunion compte aussi dans ses rangs la numéro 1 tricolore des moins de 10 ans, Farah Badate !
Wilfried Le Biez, entraîneur régional basé à Bassin Bleu.
Comment expliquer cette profusion de talents dans une île de 2500 km2 qui ne compte que deux 18 trous (Bourbon et Bassin bleu) et un parcours 12 trous (Colorado) ? « La Réunion est une région particulièrement sportive », explique Jean-Marie Hoarau, président de la ligue réunionnaise de golf. « On est une terre de pratique sportive, et on a surtout la chance d'avoir du beau temps toute l'année. Ça favorise la pratique extérieure du sport. » Certes très favorable, le climat n'explique pas à lui seul la réussite de cette région située à près de 10 000 kilomètres de la métropole. C'est justement cet isolement qui a poussé la ligue réunionnaise à s'organiser pour aider ses meilleurs espoirs. « On a fait une force des difficultés et contraintes liées au fait d'être loin de la métropole et isolés, » confirme Wilfried Le Biez, entraîneur régional basé à Bassin bleu. « On doit en effet s'organiser et se dynamiser seuls », ajoute Jean-Marie Hoarau.
Comment ? En cochant une à une toute les cases de la performance. « Le haut niveau c'est beaucoup d'entraînement, des coachs de qualité, un recrutement de qualité avec des vrais potentiels et des confrontations. Si on a tout ça on n'a pas de souci à se faire », explique Jean-Marie Hoarau. L'entraînement, c'est a minima tous les samedis pendant quatre heures, et un dimanche par mois, pour les meilleurs espoirs de 8 à 14 ans. L'enseignement est entre les mains des coachs locaux, mais aussi celles de Wilfried Le Biez qui supervise la région. « On a la chance surtout d'avoir des mécènes qui nous financent et nous ont permis de recruter un préparateur mental, un préparateur physique, d'accompagner les jeunes qui vont faire les Grands Prix jeunes majeurs en métropole », complète Jean-Marie Hoarau. « On les soutient financièrement et ça contribue à les installer dans une vraie filière de haut niveau. »
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Des confrontations face aux jeunes Sud-Africains
Nerf de la guerre, l'argent récolté par les mécènes locaux permet notamment de cocher la dernière case, celles des confrontations. Si loin de la métropole, les jeunes golfeurs réunionnais ne peuvent que ponctuellement affronter leurs homologues métropolitains, le coût des voyages rendant difficiles les aller-retours. Alors la ligue réunionnaise a trouvé une autre solution, celle d'affronter ses voisins les plus proches. À Maurice bien sûr, et surtout en Afrique du Sud. « Chaque année, nous organisons un stage de 12 jours dans la province du Gauteng », raconte Wilfried Le Biez. « C'est une province qui a vu beaucoup de grands joueurs éclore. On rencontre les meilleurs de la région, notamment dans deux tournois en 36 trous sur une journée. Ça change du tempo français de deux tours en deux jours. Et c'est comme ça dès huit ans en Afrique du Sud. On organise un planning international dès le plus jeune âge parce que c'est la meilleure solution pour nous. Et grâce à ça, quand nos jeunes disputent des Internationaux à 14, 15 ans, ce n'est pas nouveau pour eux. Il n'y a pas de grosse pression car ils l'ont déjà fait à 10 ans contre les meilleurs Sud-Africains. »
L'avenir au plus haut niveau ?
Ce système rodé depuis de nombreuses années permet chaque année à la Réunion de briller notamment lors du championnat de France des jeunes. Les meilleurs espoirs prennent ensuite souvent la direction de la métropole et notamment des centres de performance de la Fédération française de golf. Mila Jurine, Melliyal Schmitt et plus récemment Rafael Amiel ont ainsi rejoint le système fédéral. « Ils ont appris très jeune à bosser dans tous les secteurs de la performance : mental, physique, sportif, tactique et même diététique », confie Wilfried Le Biez. « Quand ils arrivent en centre de performance, ils ont les billes mais aussi la culture du travail. Dans notre projet sportif, on leur dit dès le début qu'on veut aller dans le travail et être dans la performance rapidement. On n'a que les championnats de France et les rencontres internationales à l'extérieur pour se faire repérer. Il faut claquer le résultat au bon moment pour se faire remarquer. On déboule sans avoir les mêmes index que d'autres car on joue moins de compétitions, mais quand on arrive on est au niveau. »
Reste maintenant à confirmer dans les rangs professionnels, ce que peu de joueurs réunionnais ont accompli à l'heure actuelle. Mais tous les espoirs sont permis pour cette jeune génération plus prometteuse que jamais. « Il ne faut pas s'emballer non plus », tempère Jean-Marie Hoarau. « Ils sont petits et tout le monde n'ira pas jusqu'au haut niveau. Mais notre objectif est de leur donner les moyens d'aller jusqu'au bout de leurs rêves. Si leur rêve est d'être pro plus tard, pourquoi pas. Et pour nous, ce sera une grande fierté. »