Alors que se dispute cette semaine à Évian-les-Bains le 6e Jabra Ladies Open, la lauréate de l'édition 2018 Astrid Vayson de Pradenne n'apparaît pas sur la liste des engagées. Et pour cause : l'Avignonnaise de 37 ans a tourné la page du golf professionnel il y a un an et demi, pour poursuivre d'autres rêves.

Astrid Vayson de Pradenne compte 1 victoire en 56 départs en carrière sur le LET. © Tristan Jones / LET

« J'ai arrêté le golf professionnel en Arabie saoudite en novembre 2021 », répond-elle par écrit à notre premier message, en fin de semaine dernière. Le Jabra Ladies Open, tournoi qu'elle a remporté en 2018, approche à grands pas, et, étonné de ne pas voir le nom d'Astrid Vayson de Pradenne dans la liste des engagées, nous l'avons contactée. Ils nous avait pourtant bien semblé la voir signer un top 5 sur le Letas il n'y a pas si longtemps que ça... « J'aurais peut-être du vous prévenir, à la fédé, que j'étais passée à autre chose », s'excuse-t-elle en rigolant, le lendemain, au téléphone. Astrid, 37 ans, n'est plus golfeuse professionnelle. Enfin, si, mais elle fait tout autre chose maintenant. Avec l'enthousiasme débordant qui la caractérise, elle revient sur son changement de vie, opéré avec discrétion il y a un an et demi, et sur ses nouvelles passions.

Pourquoi avez-vous décidé de mettre un terme à votre carrière de golfeuse professionnelle ?
Je ne m'imaginais plus faire des exploits dans le golf. Et au bout de huit ans, je commençais à trouver le temps un peu long. Là, l'argent saoudien vient d'arriver sur le circuit et ça devrait aller mieux pour les filles, mais dans mon cas ça a été huit années avec très peu de sponsors, ce qui fait que je n'arrivais pas à mettre de l'argent de côté. Mais le fait d'arrêter, c'était surtout une décision prise par rapport à ce que je ressentais de mon golf : j'étais un peu face à un mur à cause de mes mauvaises performances au putting qui entachaient beaucoup mes résultats. Les yips, car c'est de cela qu'il s'agissait, sont une dystonie d'originie neurologique ; et tu as beau changer de putter, de grip ou faire de l'hypnose, ça finit toujours par revenir. En Espagne à l'automne dernier, sur le tournoi du LET Access Series dont j'ai fini 5e, c'est revenu sur les neuf derniers trous, et je me suis dit alors « je sais pourquoi j'ai arrêté le golf ». Quand tu puttes avec des yips, c'est d'un désagréable, c'est d'une tristesse... À côté de ça, il y avait aussi le rachat de ma maison de famille, qui m'a demandé de faire des crédits immobiliers et des travaux. Et puis, honnêtement, je n'avais pas envie d'être comme tous ces gens qui n'arrivent pas à refermer le chapitre, qui continuent à jouer année après année sur des divisions inférieures, avec une persévérance que je n'arrive pas à comprendre. Je me suis dit que je n'avais qu'une vie, et que puisque j'avais d'autres rêves, ce n'était pas en continuant à pousser une balle dans un trou que j'allais les réaliser. C'était donc le moment de faire ce choix.

Pourquoi, alors, avez-vous joué l'an dernier en Finlande sur le LET et en Espagne sur le Letas ?
Pour le fun, et pour revoir les copines. Je paie toujours ma cotisation au circuit, donc j'ai gardé une catégorie par la Career Money List. Je ne m'interdis pas de revenir au golf, car je sais que j'ai un talent pour ça. Quand je suis passée pro, j'avais vaguement gagné un Grand Prix en amateur, et j'ai quand même fini ma carrière avec une victoire sur le Tour. Et en Espagne à l'automne dernier, je m'étais entraînée un peu avant, deux fois par semaine, car il faut bien se préparer un minimum ; mais le fait d'accrocher un top 5 contre des filles qui ont fait ça toute l'année me laisse penser que moi et le golf, ce n'est pas une histoire terminée. La grosse page est bel et bien tournée, mais je n'exclus pas de faire des petits trucs comme ça de temps à autre, si mon boulot me saoule ou que mes nouvelles passions passent.

Vous avez donc renoué avec le métier de kinésithérapeute, que vous exerciez avant d'être golfeuse pro ?
C'est ça ! En 2022, j'ai travaillé en intérim, et sur mon temps libre j'ai fait pas mal de randonnées. Le 1er janvier de cette année, j'ai signé mon CDI avec le Centre de rééducation orthopédique de Carpentras. Je change le monde tous les jours au taf, et après je profite de mes week-ends et de mes vacances. Je suis contente d'avoir fait ce changement de vie, d'autant plus que quand je leur ai dit « cinq semaines de vacances par an, ça ne va pas aller, les gars ! », ils m'ont répondu qu'ils avaient tellement de mal à recruter qu'ils préféraient prendre un kiné susceptible de partir plusieurs semaines sans solde plutôt que de se retrouver sans personne. J'ai déjà pris deux ou trois semaines en mars pour aller faire de la voile aux Glénans, et j'en reprends cinq semaines en septembre pour aller marcher en Colombie, avant d'aller voir la Ryder Cup à Rome avec une pote. Et puis je m'occupe de rénover ma maison, en faisant des trucs par moi-même et d'autre avec des artisans. Bref, je ne m'ennuie pas !

Je suis quelqu'un d'assez simple, je n'ai pas des goûts de luxe et je n'avais pas, de toute façon, des rêves de grandeur en me lançant dans le golf professionnel. [...] Vu la carrière que j'ai faite, alors que je n'en rêvais même pas, je me dis que j'ai vécu bien plus que ce que j'avais imaginé.

La compétition vous manque-t-elle ?
J'ai parfois un petit pincement au cœur quand je vois, sur les réseaux sociaux, les filles être dans tel ou tel endroit sympa, mais je sais à quel point cette vie est difficile. Quand je repense à ma carrière, je revois les visages des joueuses et des caddies que j'ai croisés, je revois toutes ces belles rencontres et ces amitiés nouées pour le reste de la vie. Mais tout sacrifier au profit de la performance, je n'en ai plus envie. Et je n'ai pas spécialement envie non plus de jouer en amateur, car quand tu as connu les parcours du Tour européen, et que tu reviens à l'ordinaire des golfs autour de chez toi, il y a quand même un sacré décalage en termes de qualité d'entretien. Et après, il n'y a pas de club de haut niveau près de chez moi, et je n'ai pas spécialement envie d'être recrutée par un gros club parisien si c'est pour aller prêter main-forte sur une Golfers' et voir mes coéquipières trois fois dans l'année. J'aimerais faire un truc par équipes qui me fasse vibrer dans un club pas loin de chez moi, mais dans le Vaucluse il n'y a rien qui soit assez compétitif. Donc je joue, quand je joue, à Châteaublanc, le petit 9 trous à côté de chez moi où j'ai commencé le golf. Et j'ai dû faire trois 18 trous depuis le 1er janvier ; et l'an dernier, j'avais breaké totalement de décembre à juin...

Avez-vous gardé des contact avec vos anciennes consœurs ?
Oui, avec quelques-unes. Il y a Julie Berton qui est venue crécher à la maison avant de faire le Terre Blanche Ladies Open l'autre jour, et j'échange toujours régulièrement avec Émie Peronnin, qui est vraiment une bonne amie. C'est difficile de garder contact avec des filles qui sont perpétuellement en vadrouille aux quatre coins de l'Europe voire du monde, donc c'est pour ça aussi que j'ai fait la Finlande et l'Espagne l'an dernier : pour revoir les copines. Quand j'y repense : je suis allée en Finlande pour voir Émie, qui habite à trois heures de route de chez moi... ! (Rires) Je ne revois pas grand-monde dans l'absolu, mais je sais que les liens avec certaines sont forts. Par exemple, quand j'irai en Colombie au mois de septembre, je vais en profiter pour revoir ma pote suédoise Anna Christina Kindgren, qui a fait une ou deux saisons sur le LET, et qui va faire une partie du voyage avec moi.

Êtes-vous heureuse dans votre nouvelle vie ?
Il y a des avantages et des inconvénients dans tous les parcours, tous les choix de vie. Mais à l'heure actuelle, je suis juste bien dans ma petite existence. Je pousse le palpitant en faisant 22 bornes aller et 22 bornes retour avec mon vélo de route pour aller au taf trois jours par semaine, je bricole dans ma maison, je vais à l'église le dimanche et je me balade le reste du temps. Bref, c'est le ron-ron d'une vie modeste, comme tout un chacun ! Je suis quelqu'un d'assez simple, je n'ai pas des goûts de luxe et je n'avais pas, de toute façon, des rêves de grandeur en me lançant dans le golf professionnel. Je viens d'une petite famille provinciale et le golf n'était même pas mon chemin à l'origine ! Je sortais d'un remplacement de cinq mois à Mayotte comme kiné, et j'avais tenté cette aventure comme un coup de poker. Vu la carrière que j'ai faite, alors que je n'en rêvais même pas, je me dis que j'ai vécu bien plus que ce que j'avais imaginé.

Astrid, ici caddeyée par Émie Peronnin lors du Magical Kenya Ladies Open 2019. © Tristan Jones / LET

Jabra Ladies Open

  • 6e édition, du 11 au 13 mai à Évian-les-Bains (74)
  • Ladies European Tour, 300 000 € de dotation
  • Parcours de l'Evian Resort Golf Club, par 71 de 5928 m
  • 132 joueuses de 31 pays, dont 22 Françaises
  • Liste des inscrites