La joueuse d'Aix-les-Bains a terminé son année 2025 en apothéose, en remportant la finale du LET avant de décrocher, 10 jours plus tard, sa carte sur le LPGA Tour. Une quinzaine intense, dont elle peut enfin savourer la réussite.

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Nastasia Nadaud connaîtra l'an prochain, à 21 ans seulement, sa première saison sur le LPGA Tour. © Tristan Jones / LET

Le monde du golf professionnel regorge de stratégies, recommandations et autres recettes empiriques pour combattre efficacement les méfaits du décalage horaire. À toute cette galaxie s'ajoute la tactique appliquée par Nastasia Nadaud, depuis jeudi dernier et son retour des États-Unis, qui est sans doute de loin la plus simple : ne rien essayer. « Et se réveiller à 10 h 30 du matin s'il le faut, c'est pas grave. Il faut prendre le temps de décompresser », ajoute en souriant la joueuse française. Évidemment, ce plan n'est applicable qu'en l'absence d'échéance immédiate, et lorsque la possibilité existe de s'accorder de belles journées de repos. Cela tombe bien, car c'est exactement le cas pour la joueuse formée à Aix-les-Bains, qui profite d'un repos tout aussi nécessaire que mérité.

Sa saison 2025, sa troisième en tant que professionnelle sur le Ladies European Tour (LET), était déjà une réussite au moment d'arriver à l'Andalucia Costa del Sol Open de España, l'étape finale du circuit européen féminin. Elle s'est transformée en succès éclatant lorsque, au bout des quatre tours, Nastasia Nadaud a devancé tout le monde, pour soulever son premier trophée sur la première division continentale. « Au moment où j'ai gagné, c'était très dur à réaliser, glisse la Savoyarde. Le final était hyper intense. Après, le fait d'être partie -5 après cinq trous le dernier jour, ça m'a fait un beau tremplin. » 

La pression de fin de partie, sans doute inévitable, ne l'a pas manquée pour autant. Mais elle a donné l'occasion à son attelage avec sa cadette écossaise Michele Thomson, formé pour la première fois à Houston en août dernier et voué à perdurer, de montrer sa complémentarité. « Durant le dernier tour, on papotait sur le départ du 17 (un par 3, NDLR), narre Nastasia Nadaud. Elle m’a dit qu’il restait 30 minutes à tenir, que ça allait être les plus stressantes de ma vie, mais que c’était juste 30 minutes. Après, c'est vrai que, quatre coups d'avance avec deux trous à jouer, c'est un peu plus tranquille. »

Sans doute que la nouvelle lauréate, qui montait ainsi sur la troisième marche du podium de l'Ordre du mérite final du LET, aurait aimé prendre un peu plus le temps de savourer sa victoire et passer par un premier palier de décompression à ce moment-là. Sauf que ce temps n'existait pas. Dès le soir-même, elle se mettait en route pour l'Alabama, où la finale des Cartes du LPGA Tour, le circuit féminin le plus prestigieux de la planète, était sur le point de débuter. « À peine quelques heures après ma victoire, j'étais redevenue la personne lambda qui prend l'avion toute seule, et qui est toute seule dans sa chambre d'hôtel », illustre-t-elle. Et qui subit les péripéties habituelles, en atterrissant de l'autre côté de l'Atlantique cinq heures plus tard que prévu. « J'étais malade en arrivant, je pense que mon corps me forçait à décompresser », confie Nastasia Nadaud. Néanmoins, elle avait montré sa résistance dans ces conditions, en prenant la 21e place de The Amundi Evian Championship cet été, en ayant traîné une bonne grosse crève toute la semaine. « Il faut croire que ça marche plutôt bien pour moi d'être malade, je vais aller lécher les barres de métro », rigole-t-elle.

Une fois rendu à Mobile, au bord des deux parcours servant de cadre au Final Stage des LPGA Q-Series, le changement d'ambiance a été notable. Et pas seulement parce que le mercure peinait à dépasser les 10°C, loin du doucereux soleil andalou. Il est courant de faire, en termes parfois vagues, le distinguo entre la culture européenne et une culture américaine beaucoup plus individualiste et auto-centrée. Mais là, Nastasia Nadaud a pu juger sur pièces. « J’ai vraiment vu que c’était le chacun pour sa pomme dans toute sa splendeur, appuie-t-elle. Au putting-green, tu fais ta petite mécanique tranquille, et il y a une fille qui vient poser ses balles juste devant toi, genre à 40 cm. Il n’y a aucun respect de l’espace personnel. Chacun fait sa place, tu pousses presque l’autre. Quand on est une joueuse du LET et qu'on voit ça, au début, on est un peu déstabilisée. » L'acclimatation a du bon, car d'après les échanges qu'elle a eus avec Perrine Delacour, elle aussi dans le bon wagon à l'issue des Cartes et expérimentée sur le circuit américain, il s'agit là d'un bon reflet de l'état d'esprit général.

Car oui, le 9 décembre, Nastasia Nadaud, en prenant la 10e place de l'épreuve, est devenue officiellement une joueuse du LPGA Tour. La semaine a été tout sauf facile car, outre les températures, il a fallu composer avec des précipitations importantes, des arrêts de jeu multiples, la pression inhérente à l'enjeu, et même à la prolongation d'une journée, histoire de boucler au moins 72 trous sur les 90 prévus. Pris tout seul, un marathon, mais en y ajoutant la finale du LET la semaine précédente, plutôt de l'ultra-trail. La joueuse d'Aix-les-Bains avait mis toutes les chances de son côté, en étant dans le top 25 qualificatif avec encore sept trous à jouer lors du fameux jour de réserve du mardi. Trois coups la séparaient des premières non-qualifiées, mais pas de quoi s'ôter tout stress. « J'était tendue sur ces sept derniers trous, avoue-t-elle. Quand il y avait une attaque de green sur un par 4 avec de l'eau devant, je me disais : "Il ne faut pas faire une gratte". Le genre de choses qu'on n'est absolument pas censées se dire. » Fort heureusement, un birdie à cinq trous de la fin, puis un autre sur le suivant, lui ont permis de souffler un grand coup. Et de décompresser une fois la carte signée. Enfin.

Savoie ou bien ?

La montée de Nastasia Nadaud sur le LPGA Tour évoque forcément celle obtenue, sur le PGA Tour, par Adrien Saddier. Et comme il est difficile de résister à l'évocation de la guéguerre entre la Savoie de l'une et la Haute-Savoie de l'autre, la question est inévitable : la joueuse d'Aix-les-Bains a-t-elle simplement voulu ne pas laisser la vedette au département voisin ? « Inconsciemment, peut-être que mon esprit s'est dit qu'il ne fallait pas laisser passer ça, rigole Nastasia Nadaud. Mon esprit de Savoyarde, née et nourrie en Savoie, s'est dit que non, on ne pouvait pas laisser Adrien tout seul. » Est-ce à dire, alors, que grâce à Adrien Saddier, Nastasia Nadaud a trouvé les ressources pour se hisser sur le LPGA Tour ? « J'étais dans l'obligation de le faire. Si ça se trouve, je ne me serais pas sentie obligée s'il n'y était pas allé. Donc merci, Adrien », lance-t-elle dans un nouveau rire. Car oui, évidemment, tout ça, c'est pour rire.

Rentrée dans sa Savoie pour les fêtes (et passée, de son propre aveu, plusieurs fois par la case raclette depuis), Nastasia Nadaud attendra sans doute la fin du mois de décembre pour se replonger pleinement dans son golf. D'ici-là, elle mettra bien sûr son temps à profit pour se reposer d'une longue mais fructueuse saison, mais aussi songer à la suivante. Par exemple à cette question : maintenant qu'elle est joueuse sur le LPGA Tour, va-t-elle s'installer, de manière permanente, aux États-Unis ? Car contrairement à beaucoup de celles qui seront ses congénères sur son nouveau circuit, elle n'a encore jamais vécu d'expérience américaine prolongée, n'ayant, par exemple, pas suivi de cursus dans une université d'Outre-Atlantique. Elle a seulement pu avoir des aperçus lors de tournois du LET disputés en Floride ou au Texas. « Là-bas, tout est grand, c'est l'Europe mais en fois 12 000 (sic) », indique-t-elle.

Le changement d'environnement, elle s'y dit prête. Un changement qui ne sera pas total de toute façon, puisque Michele Thomson, donc, va continuer à l'accompagner sur le sac. « On est six joueuses du LET à avoir eu notre carte sur le LPGA Tour en même temps, donc on formera aussi un petit groupe, ça pourra nous rapprocher », ajoute-t-elle. Le calendrier sera aussi l'une des grandes questions. En l'état actuel des choses, Nastasia Nadaud, montée depuis les Cartes, n'aura pas accès aux tournois à champs réduits, assez nombreux en début comme en fin de saison sur le LPGA Tour. Mais dans ces cas-là, la porte du LET lui reste toujours ouverte, comme par exemple du 11 au 14 février, lors de l'épreuve d'ouverture du circuit européen en Arabie Saoudite.

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Nastasia Nadaud poursuivra sa collaboration, sur le LPGA Tour, avec sa cadette écossaise Michele Thomson. © Tristan Jones / LET

À cette heure, donc, la question de son lieu de résidence optimal en 2026 n'est pas encore tranchée. Mais la trêve des confiseurs est le moment idéal pour y songer. Tout comme elle peut servir à prendre un peu de recul sur les trois années écoulées pour celle qui est passée pro à 18 ans, et découvrira donc le plus gros circuit au monde à 21 ans. « Il y a trois ans, quand je passais pro, si on m’avait dit que je gagnerais un tournoi du LET et que j’aurais ma carte sur le LPGA, j’aurais peut-être un peu regardé de travers, confie-t-elle. C’est quand même allé assez vite, cette histoire. Mais c’est la preuve que mon travail est allé dans le bon sens. » Des preuves qui peuvent s'apporter en chiffres : 54e de l'Ordre du mérite du LET en 2023, puis 23e en 2024, et enfin 3e en 2025, avec une victoire et deux deuxièmes places en individuel. Cette saison, elle a été la joueuse signant le plus de birdies (263) et le plus d'eagles (11) sur le circuit européen. « Me retrouver sur le LPGA Tour, ce n'est pas aberrant, je suis d'accord », pose-t-elle. Mais il faut bien, en plus de la phase de décompression, une phase de réalisation.