Après avoir perdu son droit de jeu complet en 2018 sur le Tour européen et vécu par la suite deux années très difficiles, le Bordelais, en possession d’une catégorie 17 sur le Challenge Tour, ne désespère pas de revenir au plus haut niveau. Mise au point.

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Grégory Bourdy a remporté quatre titres sur le Tour européen. © Stuart Franklin / Getty Images Europe - AFP

Opération reconquête pour Grégory Bourdy ! Joint par téléphone en fin de semaine dernière en pleine séance d’entraînement du côté d’Arcangues (64), chez son coach de toujours, Olivier Léglise, le Bordelais, 40 ans depuis le 25 avril, fourbit ses clubs avec le sérieux qui le caractérise avant la grande reprise de la saison en Europe à partir de la mi-mai sur la deuxième division européenne. 

Jusque-là, le quadruple vainqueur sur le Tour européen entre 2007 et 2013 n’a que très peu joué en compétition depuis le début de l’année calendaire. Un cut manqué en Afrique du Sud au Mangaung Open sur le Challenge Tour le 6 mars, une demi-finale au Pro-Am de la National Golf Week début avril au Golf National, une troisième place au PGA France de Mont-de-Marsan la semaine suivante avant de finir dans le top 25 (23e) il y a quinze jours à l’Open de Roissy.

Le moral est plutôt bon. Dans la sphère privée, tout va très bien. Au niveau professionnel, les choses sont plus claires

« Cela m’a permis de poursuivre ma préparation et avoir quelques billes de travail, explique doucement le tout jeune quadra. Le moral est plutôt bon. Dans la sphère privée, tout va très bien. Au niveau professionnel, les choses sont plus claires… » 

On l’a dit, les choses sérieuses vont débuter le 19 mai prochain, à Cadix, pour le Challenge de España (250 000 euros de dotation). Un tournoi qui lance « véritablement » la saison après six rendez-vous exclusivement disputés en Afrique du Sud entre le 10 février et le 3 avril et co-sanctionnés avec le Sunshine Tour, le très relevé circuit professionnel sud-africain.

Compte tenu de sa catégorie 17, il ne devrait pas entrer dans le champ de ce tournoi qui marque le grand retour du circuit sur le Vieux continent. On y restera d’ailleurs jusqu’à début octobre. Avant, peut-être, un déplacement en Chine pour deux dates, prélude à la finale de la Road programmée du 3 au 6 novembre à Majorque.

« J’espère pouvoir en être, mais ce n’est pas sûr, souligne-t-il, lucide. Après, ça va se décanter. Comme il y a un tournoi toutes les semaines, les gars vont faire des choix, effectuer des breaks régulièrement. Là, pour l’Espagne, la pause a été longue (six semaines). Je pense que tout le monde va y aller. Ce sera compliqué pour moi… »

Jouer l'Open de France fin septembre

Si dans l’absolu, il ne pourra jouer qu’une dizaine de tournois, il espère néanmoins faire grimper son quota autour de quinze, voire plus. Il compte aussi être là sur les trois événements prévus en France (Open de BretagneVaudreuil et Hopps Provence). 

« Le plus important sera de bien jouer sur les premiers tournois dans lesquels je rentrerai. Si c’est le cas, je pourrais rentrer plus régulièrement sur les autres. Bref, je vise entre 15 et 20 tournois. Pour cela, je dois accrocher des tops 10, être bien classé au sein de la Road… Les dates en France seront aussi importantes pour moi. Sans oublier l’Open de France sur le DP World Tour (22-25 septembre). C’est un parcours que j’aime bien. J’espère que ça le fera… »

J’ai mis beaucoup de temps à digérer

Cet Open de France, absent depuis deux ans du calendrier en raison de la pandémie, pourrait être sa seule « incursion » sur le Tour européen en 2022, si, bien sûr, on lui accorde une invitation. « Il va falloir que je me concentre d’abord sur le Challenge Tour, prévient-il. Je ne vais pas courir après les invitations sur le Tour européen. Si je rentre au pays de Galles, où j’ai gagné (en 2013), il y a de fortes chances que j’y aille aussi. Les autres tournois que j’ai remportés ne sont, hélas, plus au calendrier… Il n’y aura donc pas d’autre opportunité. » 

Présent au plus haut niveau depuis 2005, Grégory Bourdy a brutalement perdu ses droits de jeu à la fin de l’exercice 2018. Une « relégation » que le Girondin, qui défendait encore les couleurs de la France au tournoi olympique de golf à Rio deux ans auparavant, a très mal vécu.

« J’ai mis beaucoup de temps à digérer, confirme-t-il. A cela est venu se greffer l’arrivée du Covid, qui a gelé pas mal de catégories. Les possibilités de remonter étaient devenues quasi inexistantes. Les Cartes (PQ3) ont été annulées. La période a franchement été compliquée pour moi. »

« Depuis 2005, je suivais une progression constante, enchaine-t-il. Jusqu’en 2016 où je collectionne les grosses perfs (23 cuts franchis sur 26). Je fais deux tops 20 dans les Majeurs (18e à l’US Open et à l’USPGA). Je me retrouve en tête de l’US Open (à Oakmontsur l’un des parcours les plus difficiles au monde… Je me sens alors à ma place. Je sens que je suis très près de remporter les plus gros tournois du monde. Je me qualifie pour les JO à Rio… Et en plus, j’ai l’impression d’en avoir encore sous le pied. Tout est en place pour franchir un nouveau cap, que je me fixe pour 2017. Là, j’essaie aussi de gagner un peu en distance mais ça me fait un peu défaut en termes de régularité, ce qui était ma force jusque-là sur les mises en jeu. Je manque d’un rien la finale de la Race (66e). Pour moi, c’est une contre-performance. » 

La Ryder Cup 2018, un leurre !

L’année 2018, tant attendue pour la France puisque la Ryder Cup s’arrêtera en septembre au Golf National, stigmatise à souhait cette fameuse spirale négative dans laquelle Grégory Bourdy est alors en train d’être broyé. Il rêve en effet d’intégrer l’équipe européenne emmenée par le capitaine danois, Thomas Björn. Hélas, rien ne se passe comme prévu pour le Français. Qui va accumuler les désillusions (Ndlr, 12 cuts franchis en 29 départs, pas un seul top 10). Quatre ans après, il revient sur cet épisode, douloureux. Forcément !

« Avec le recul, j’y ai porté beaucoup trop d’importance, souffle-t-il. Et je me suis sûrement brûlé les ailes car je n’ai pas très bien démarré la saison. J’ai essayé de courir après ça, en retrouvant un très bon niveau… Mais je ne joue pas assez bien. D’où une grosse frustration. Je suis frustré de ne pas pouvoir franchir ce palier et avoir cette opportunité de jouer la Ryder Cup en France, qui était un grand objectif dans ma carrière… Et je m’aperçois finalement que j’en suis très loin, alors qu’en 2016, en termes de jeu, je pense, là, ne pas avoir été loin d’y prétendre… »

Je trouvais que le circuit européen n’était pas assez cohérent, notamment dans les points distribués.

Cette dégringolade, on l’a dit un peu plus haut, semble alors inexorable. Les raisons de cet échec sont nombreuses. Des cuts manqués pour un point dans des tournois importants, une mauvaise stratégie dans l’élaboration de son programme, la chance qui tourne aussi, alors que, paradoxalement, il devient papa durant cette période sportivement néfaste. 

« Plein de choses ont tourné dans le mauvais sens, résume celui qui affiche 410 tournois joués sur le DP World Tour. Je prends l’exemple de l’arrivée des Rolex Series. Je trouvais que le circuit européen n’était pas assez cohérent, notamment dans les points distribués. Il y avait de trop grosses différences entre les tournois, avec un champ de joueurs qui était plus ou moins identique entre un gros et un tournoi plus modeste. Je rate des cuts d’un point sur deux-trois gros événements, alors qu’en termes de fond de jeu, je me sentais bien. Je me suis retrouvé d’un seul coup en difficulté au classement de la Race… Sur les 15 dernières années, pas une seule seconde j’ai pensé à ne pas garder ma carte. C’était inenvisageable. Pour moi, ce qui était plus important, c’était de finir dans les 10 ou 20 meilleurs européens, disputer la finale de la Race très régulièrement… Et là, d’un seul coup, ça me traverse l’esprit en 2018. Et je perds mon droit de jeu complet en fin de saison… » 

Avant de poursuivre :
« J’ai fait aussi des mauvais choix, pris de mauvaises options en voulant par exemple jouer à la fois sur le Tour européen et sur le Challenge Tour. Le Challenge Tour, c’était un circuit que je ne connaissais plus, avec des parcours différents, pas aussi exigeants, qui me convenaient moins. Au final, je ne joue pas assez de tournois sur le Tour, pas assez non plus sur le Challenge Tour, alors que mon fond de jeu était plutôt bon. Je me suis éparpillé et je me retrouve avec des catégories bidons… Je me suis aussi rendu compte que je devais d’abord m’en sortir par moi-même. Et ne pas trop compter sur ces fameuses invitations. Là, on prend une claque de plus. Moi seul était en mesure de trouver les solutions, sans attendre d’hypothétiques coups de pouces à droite et à gauche… Toute la préparation d’avant-saison que je mettais en place depuis plus quinze ans était remise en question puisque je n’avais plus la même visibilité. Ce fut très dur à vivre. »

J’ai toujours la gnaque. J’ai encore des rêves à accomplir ! Cela prendra le temps qu’il faut mais je suis, au fond de moi, très confiant !

Certes, loin d’être sorti « d’affaire » aujourd’hui, l’état d’esprit a totalement changé. Il croit ainsi encore en sa bonne étoile. Le Girondin redouble d’effort, même si l’agence ISM, dirigée par l’Anglais Chubby Chandler, qui lui permettait d’accrocher justement quelques invitations et gérait tout l’aspect logistique, vient de mettre « la clef sous la porte » la semaine passée... 

« Je vais continuer en mode privé avec ma femme qui va gérer toute la logistique, conclut-il. Et on verra bien si je fais appel à quelqu’un d’autre. Mais pour l’instant, on va poursuivre dans la cellule familiale… Aujourd’hui, je suis dans un autre état d’esprit. Bien meilleur qu’il y a deux ans. Je mets beaucoup de choses en place pour revenir au plus haut niveau. Je me sens de mieux en mieux dans mon fond de jeu. Je réalise de très belles choses à l’entraînement. A moi de mettre cela en pratique en compétition. J’ai toujours une grosse motivation. Et de l’ambition aussi… La passion du jeu, l’envie de gagner ne m’ont pas quitté. J’ai toujours la gnaque. J’ai encore des rêves à accomplir ! Cela prendra le temps qu’il faut mais je suis, au fond de moi, très confiant ! »