Le 25 avril 2004, sur l’île de Fuerteventura, Christian Cévaër s’offrait son premier succès au plus haut niveau. Dix-sept ans plus tard, il est toujours le seul Français à avoir maté les vents capricieux qui sévissent aux Canaries, cet archipel qui, justement, accueille pour encore deux semaines l’European Tour.

Christian Cévaër lors du premier tour de l'Open d'Espagne, en compagnie de Thomas Levet... © Stuart Franklin - Getty Images

Né un 10 avril 1970 à Nouméa, c’est durant ce même mois que le destin de Christian Cévaër sur le Tour européen a définitivement basculé. Ce 25 avril 2004, à 34 ans, il décroche ainsi sa première victoire au Fuerteventura Golf Club. Dix-sept ans plus tard, les souvenirs demeurent particulièrement vivaces alors qu’il s’apprête, à 51 ans, à disputer la saison 2021 du Legends Tour, le circuit européen sénior où il retrouvera notamment Thomas LevetJean-François Remésy ou encore Jean Van de Velde.

« Je n’ai gagné que deux fois sur l’European Tour, alors comment je pourrais oublier, souffle le principal intéressé. Je tiens d’ailleurs à signaler qu’il ne s’agissait pas d’un Open des Canaries mais c’était l’Open d’Espagne, l’un des tournois les plus prestigieux du Tour européen. »

Une clef trouvée à Séville

En débarquant dans l’archipel des Canaries, le Néo-Calédonien ne bénéficie pas franchement des faveurs des pronostics. Depuis le début de la saison, en sept tournois joués, il n’a guère fait mieux qu’une 36e place (en mars, au Qatar Masters). Mais la semaine précédente, à l’Open de Séville, un « déclic » s’est opéré. 

« J’avais trouvé une clef de swing, précise-t-il. J’étais déjà bien dans mon jeu, bien dans le ballon comme l’on dit dans le jargon. Sauf que je concède un quadruple bogey sur un trou, au 3e ou 4e tour, je ne sais plus... Et ça a anéanti mes chances de victoire. Je me rappelle alors du challenge émotionnel et mental de ne pas craquer… Il y avait tellement de bonnes choses en place que je me suis dit : "on remet le couvert la semaine prochaine !" »  

Le vent, un allié

Bien vu. Après dix-huit trous et un solide 66 (-4) pour démarrer, le voilà troisième. À deux coups du leader, le Gallois David Park.

« Il y avait beaucoup de vent cette semaine-là, poursuit-il. Comme toujours là-bas. Je me souviens d’un parcours sec et roulant. Je suis un joueur avec un type de trajectoire plutôt basse que haute… Je sais bien manier la balle dans ces conditions… Et puis le putting, mon point fort, était bien en place sur les greens… En jouant -4 après dix-huit trous, ça confirme en tout cas que j’étais dans une bonne dynamique. »

Dans l’ensemble, je suis quelqu’un qui dort bien. Mais je me rappelle toutefois d’une nuit avec plus d’intermittences…

Christian Cévaër

Eagle au 1 et au 16

Après 36 trous, il pointe à la deuxième place grâce à un bon 67 (-3). David Park conserve les commandes à -11. Les Français semblent d’ailleurs dans une bonne semaine puisque Jean-François Remésy et Grégory Havret sont dans le top 10, aux 4e et 8e places. À l’issue du Moving day, l’écart se resserre un peu plus encore en haut du leaderboard. Si Park demeure en tête (à -10), Cévaër, auteur d’un 69 (-1), n’est qu’à deux points derrière en compagnie du Suédois Peter Hedblom. L’Argentin Ricardo Gonzalez s’est, lui, intercalé à -9…

« Comment s’est passée ma nuit avant le dernier tour ? s’interroge-t-il. Dans l’ensemble, je suis quelqu’un qui dort bien. Mais je me rappelle toutefois d’une nuit avec plus d’intermittences… J’étais plus anxieux quand même… Dans le sens naturel des choses… Il y a une belle opportunité qui se présente. Mais j’arrive à avoir mon quota de sommeil nécessaire… Sur le tee de départ, mon principal challenge, c’est surtout la météo et le parcours, un peu plus encore que mes principaux adversaires… Dans ce dernier tour, je bénéficie de plusieurs circonstances atténuantes. Je fais eagle au 1 et je reprends mes deux coups de retard sur la tête. Ensuite, je concède quatre bogeys en milieu du parcours (entre le 7 et le 13), et je me retrouve distancé. Au 16, je boite un coup de lobeur de 60 mètres… Contre le vent. Deux rebonds, un beau spin et ça finit dans le trou. Eagle ! Au même endroit, Gonzalez, alors leader, drive direct ce petit trou et se retrouve hors-limite. Il fait double. Je lui prends d’un seul coup quatre points. Au 18, un trou compliqué, on joue vent avec. C’est très dur d’arrêter la balle… Mon petit jeu me permet de rentrer le putt pour le par sur un trou où le birdie est quasiment impossible à réaliser. J’ai une option pour la victoire mais je dois attendre la dernière partie. Finalement, je gagne à -9 (271) avec un dernier 69. »

Au palmarès en compagnie des stars du golf mondial

Un point devant Gonzalez, Hedblom et Park qui n’ont pas réussi à signer une carte sous le par. Un peu plus loin, on retrouve des garçons qui vont très bientôt s’imposer au plus haut niveau. Charl Schwartzel, vainqueur du Masters 2011, termine ainsi septième à -6. Louis Oosthuizen, victorieux à l'Open britannique 2010, finit onzième à -4 (avec Jeff Remésy). Nicolas Colsaerts se contente de la treizième place à -3. Rafa Cabrera-Bello et Graeme McDowell, qui gagnera l’US Open en 2010, prennent respectivement les 40e et 59e places…

« C’était pour moi un aboutissement, avoue Cévaër. C’est aussi un honneur d’inscrire à jamais mon nom au palmarès de ce tournoi, aux côtés de Severiano BallesterosBernhard LangerNick FaldoColin Montgomerie ou encore Sergio Garcia. D’ailleurs, d’autres Français gagneront après moi (Levet, Jacquelin). Plus qu’une délivrance, j’ai ressenti ça comme une consécration. J’ai pensé très fort à mes parents, à mon père, qui m’ont orienté vers le golf et m’ont permis de vivre des moments intenses comme ceux-là… »

2009, scénario quasi identique

Cinq ans plus tard, il gagnera de nouveau, à l’European Open cette fois, au London Golf Club. Dans un scénario très proche de celui des Canaries.  

« Sur le Circuit européen, il n’y avait qu’un tiers des tournois où je pouvais être performant car j’étais court, conclut-il. Et si je me retrouvais sur un parcours où la balle ne roulait pas, ça devenait plus long pour moi. Plus que pour les autres de façon générale. Ce n’est donc pas anodin si mes deux victoires se sont réalisées sur des parcours secs et ventés. »