Depuis dimanche, Damien Guinard et son équipe enregistrent les données de vitesse et de puissance des participants au CFJ, afin de mettre à la disposition de la filière des outils pour optimiser la performance des jeunes.

Les plaques de force enregistrent la poussée au sol durant le swing. © Tomas Stevens / ffgolf

Depuis dimanche, première journée d'entraînement du Championnat de France des Jeunes 2025, la file d'attente à l'entrée du box qu'il occupe sur le practice du Domaine du Gouverneur ne diminue pas. Damien Guinard, coordinateur pédagogique du Centre national de formation de la Fédération française de golf, accueille un à un les participants désireux de passer son « test ». « On a comme ambition de faire passer entre le tiers et la moitié du champ, dans les mêmes proportions selon les différentes catégories », explique-t-il au détour d'une rapide pause-déjeuner.

À raison de six minutes et demie par candidat, les données s'accumulent rapidement dans les ordinateurs de ce dynamique trentenaire, titulaire d'un Master en physique théorique et des diplômes de moniteur et d'entraîneur de haut niveau en golf. « On mesure au Trackman trois coups de fer 7 et trois coups de driver pour avoir les datas minimales, moyennes et maximales. On fait aussi un petit test au wedging pour mesurer la stabilité des vitesses et des éléments mécaniques », détaille-t-il. « Sur les plaques de force, on mesure un fer 7 et un drive à vitesse normale, puis la même chose à vitesse maximale, pour voir quelles sont les ressources au sol mobilisées. On mesure enfin un saut vertical pour savoir quelles sont leurs capacités physiques, et voir s'ils arrivent à mobiliser la même puissance dans le swing. » Tout cela grâce à la société smart2move et son directeur de la R&D, Jean-Paul Fernandez, qui a mis ses technologies de recherche à sa disposition.

Un Benjamin bondissant ! © Tomas Stevens / ffgolf

La phase d'industralisation

Si le recours aux données est loin d'être une nouveauté dans l'univers aujourd'hui très scientifique de la petite balle blanche, il est en revanche relativement nouveau en ce qui concerne les plus jeunes. « Les meilleurs pros du monde ont tous ça autour d'eux. Tout est mesuré, organisé, suivi ; il n'y a aucune place pour le doute. Les staffs des top players ont toutes ces données à disposition et organisent ensemble le travail de l'athlète en fonction », expose Damien Guinard. « Avec les jeunes, on a commencé en octobre dernier lors des Interligues. C'est donc la première fois qu'on fait ça au CFJ, sur une épreuve individuelle d'une toute autre dimension. On est entrés dans la phase d'industrialisation, et d'ici trois ans j'espère, on pourra sortir les minima, moyennes et maxima qui nous intéressent, et on pourra les corréler aux caractéristiques physiques des jeunes et à leurs statistiques de jeu sur le parcours. »

Même si les données ne sont pas dévoilées individuellement afin de permettre à chacun de rester concentré sur son championnat, la démarche séduit visiblement les jeunes, qui manifestent un sérieux et une envie de bien faire comme s'ils passaient un examen. « De toute façon, on peut dire que la seule chose qui les intéresse, c'est la distance et la vitesse maximale de swing : "Est-ce que je swingue plus vite que le copain ?" » rigole le technicien. « Mais le plus impressionnant, c'est l'intérêt que ça suscite chez les parents, entraîneurs, cadres techniques et autres accompagnateurs, qui montrent beaucoup d'intérêt et de curiosité. Les gens commencent à comprendre que la data est un outil qui peut aider au développement des jeunes. »

« Puissante est la force chez ce joueur... » © Tomas Stevens / ffgolf

Des performances déjà comparables aux pros

En monitorant ainsi la filière Jeunes, la Direction technique nationale (DTN) compte, grâce au travail mené par Damien Guinard, disposer de références chiffrées pour orienter avec plus de précision le travail de détection et de perfectionnement des jeunes golfeurs. « Si on voit qu'un jeune est capable de pousser deux fois sa masse sur un saut, mais n'utilise qu'une fois sa masse dans le swing, on peut dire qu'il y a un potentiel à développer. Si c'est l'inverse, on peut établir que l'apprentissage du saut n'est pas assez développé, et qu'avec un travail physique adapté le jeune va pouvoir combler cette lacune, et au final développer davantage de puissance dans son swing », illustre le spécialiste.

Quelques éléments sortis à la volée des données enregistrées lors des Interligues à l'automne dernier sont assez frappants. « On sait que les plus puissants U12 Garçons sont capables de porter une balle à 218 m au driver. On avait une joueuse qui avait en vitesse maximale la vitesse moyenne du LPGA Tour ! Sur les forces utilisées au sol, certains jeunes ont des datas comparables - pour leur âge - à des vainqueurs sur les circuits européens », énumère un Damien Guinard admiratif.

« Alors, il swingue à combien de mph ? » © Tomas Stevens / ffgolf

Une partie au service d'un tout

Dans ce jeu de hasard qu'est le golf, le recours aux données chiffrées a donc pour vocation de réduire la part d'inconnu, mais ne prétend pas annihiler totalement l'instinct, l'œil, l'aléatoire et même la magie qui en constituent l'essence. « On ne veut pas faire du scientisme, mais simplement apporter des données quantitatives qui vont se joindre au diagnostic habituel de l'entraîneur. C'est une pierre de plus dans la construction de la performance, pas plus importante que les autres, mais pas moins non plus. C'est juste un outil », conclut Damien Guinard.

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