L’édition 2008 de l’US Open, disputée comme cette année 2021 à Torrey Pines, est entrée dans la légende avec la victoire d’un Tiger Woods blessé à la jambe gauche, en playoff le lundi, face à Rocco Mediate. Si la mémoire collective se rappelle de Tiger grimaçant de douleur et de son putt ultra-décisif au 72e trou le dimanche, elle a moins retenu certains épisodes de cet US Open complètement fou, dont voici quelques rappels.

L'image est devenu iconique : Tiger Woods rentre un birdie sur le 72e trou pour arracher le playoff face à Rocco Mediate. © Jeff Gross / Getty Images via AFP

Fermez les yeux, concentrez-vous… Qu’est-ce qui vous revient en tête de l’US Open 2008 ? Que ça se jouait à Torrey Pines et que Tiger Woods l’a gagné ? Oui. Qu’il se pliait de douleur après certains drives parce qu’il était blessé à la jambe gauche ? Oui aussi. Qu’il a dû batailler contre son compatriote, le vétéran Rocco Mediate, dans un playoff sur 18 trous le lundi ? Certes. Que le Tigre, incontestable n°1 mondial à l’époque, a rentré un bon 4 m sur le green du 72e trou pour s’offrir ce playoff, et par ricochet son 3e succès dans l’épreuve ? Absolument.

Mais comme 13 ans, c’est quand même long, peut-être que votre mémoire s’arrête à peu près là. Dans ce cas, à l’occasion du lancement, ce jeudi, de l’édition 2021 à Torrey Pines, petit rafraîchissement sur ce qui est, sans doute, l'édition la plus mythique de l'US Open.

Tiger et Rocco ont bien failli ne gagner ni l’un, ni l’autre

Dans ce genre d’histoire, il n’est pas rare qu’un protagoniste pourtant essentiel à son déroulement, et qui aurait surtout pu en changer l’issue, passe au second rang. Pas besoin de chercher loin celui de cet US open 2008, son nom est Lee Westwood. Déjà il y a 13 ans, l’Anglais courait après sa première victoire en majeur. Sur les trois premiers tours, il fait le boulot comme il faut, ne sortant jamais du top 10, et occupant la 2e place avant le dernier acte à -2 total, un coup derrière Tiger Woods.

Son bogey au 1 le dimanche lui permet même, paradoxalement, de rejoindre la tête grâce au double bogey de Woods, son partenaire de jeu. Un birdie au 9 propulse ensuite le Britannique pour la première fois seul en tête à -2. Mais la machine s'enraye avec trois bogeys en quatre trous du 10 au 13. Fini pour Westwood alors, il faudra encore repasser ? Pas si vite, puisqu’un birdie dès le 14 le remet dans le par total et dans la course.

Sur le par 5 du 18, l’équation est simple pour Tiger comme pour Lee. Birdie = playoff ; moins bien = pas de victoire. Tout le monde se souvient donc de Tiger mettant son drive dans un bunker de fairway, puis sa sortie dans le rough à droite, mais réussissant à mettre un superbe coup de wedge à 4 m pour faire 4. Le trou de Westwood, cruellement, fait miroir : bunker aussi au drive, mais bonne sortie sur le fairway, puis coup de wedge un peu tonique, et putt de 6 m droite-gauche qui passe en-dessous. Et une désillusion de plus en majeur pour Lee Westwood.

Tiger, la folie dès le samedi

Même si elle a dû attendre deux jours pour être concrétisée, la marche de Tiger Woods vers la victoire a réellement commencé le samedi après-midi, sur le retour de son 3e tour. Sur le départ du 13, le Tigre, à cause notamment d’un double bogey au 1, et qui sort d’un bogey au 12, pointe à +3, trois coups derrière le leader Rocco Mediate. Sur ce par 5, il expédie son drive loin à droite, mais dans une zone piétinée et sans rien devant lui.

Alors qu’il sort un long fer pour tenter de toucher le green en deux, au micro de NBC, Johnny Miller se montre visionnaire : « Un eagle ici pourrait changer la face du tournoi », lance le vainqueur de l’épreuve en 1973. Un coup arrivé au fond du green et un putt rentré d’environ une année-lumière de long plus tard, Tiger sort du green avec un 3. Ça ne faisait que commencer.

Au 17, mal placé dans la remontée d’un bunker de green, Tiger Woods murmure « Bite ! Bite ! » (« Mords ! Mords ! », en français) à sa balle, qui vient de sortir très vive de sa face de club. Tout ça pour éclater de rire un instant plus tard, quand son deuxième rebond trouve le fond du godet, pour un birdie improbable. Le récital est parachevé sur le 18, avec un nouvel eagle amené par un deuxième coup splendide, et un putt qui ne l'est pas moins. De trois coups derrière, le voilà un coup devant. Et malheureusement pour ses adversaires, il allait encore falloir attendre un an et quelques mois avant de le voir perdre un majeur qu’il menait après trois tours.

Tiger a gagné… enfin surtout Rocco a perdu

On peut chanter tant qu’on le veut l’héroïsme de Tiger jouant blessé, ou la force mentale dont il a fait preuve dans les moments-clés. Mais il faut aussi se rendre à l’évidence : si Rocco Mediate avait été un tant soit peu régulier sur les putts courts, tout cela aurait été bien vain. Déjà, le vendredi, le vétéran américain, 45 ans à l’époque et en lice pour devenir le plus vieux vainqueur de l’épreuve, loupe 1,20 m sur le 18 pour eagle. Le dimanche, il manque cette fois le par au 15 à 2 m pour prendre deux coups d’avance sur Woods et Westwood.

Mais surtout, Rocco Mediate est sans doute celui qui a eu la plus grande opportunité de l’emporter dans le playoff du lundi sur 18 trous face à Woods. En avance d’un coup au 18, après une série de trois birdies du 13 au 15, son putt de 6 m en montée pour birdie lui aurait assuré le gain du tournoi, mais l’Américain ne trouvait pas la bonne ligne. De quoi ouvrir la porte à Tiger.

Le playoff du lundi sur 18 trous… n’a servi à rien (ou presque)

Il est souvent question d’un playoff en stroke play sur 18 trous, mais parler d’un playoff sur 19 trous serait plus exact. En effet, après 90 trous de compétition, Tiger Woods et Rocco Mediate étaient toujours incapables de se départager. Il a fallu pour cela aller sur le par 4 du 7 pour un seul trou en mort subite, où le bogey de trop par Mediate scellait l’affaire.

C’était bien la peine de passer 4h30 sur le terrain et de jouer 18 trous de plus pour en arriver là, diront les esprits chagrins. Lesquels se consoleront en sachant que l’USGA a désormais changé le format en cas de playoff, qui se jouera désormais si besoin sur deux trous dans la suite directe du 4e tour. Mais, si on y repense… le putt rentré par Constantino Rocca de l’autre bout du green au British Open en 1995 ? La victoire est finalement revenue à John Daly. Le coup de fléchette de Jamie Donaldson, le dimanche à la Ryder Cup 2014 face à Keegan Bradley ? La victoire européenne ne faisait déjà plus aucun doute à ce moment-là. Le putt du désespoir rentré par Jack Nicklaus au British à Turnberry en 1977 ? Il n’a pas empêché Tom Watson de s’imposer. Telles peuvent être nos mémoires de golfeurs : peuplées, à côté des grands exploits, d’épisodes restés sans conséquence.