Onze ans après ses débuts dans l'épreuve au côté de Victor Dubuisson, Tom Ayling va participer à sa deuxième Ryder Cup, comme caddie du Danois Rasmus Højgaard. Avec l'expérience d'un vétéran, et l'enthousiasme d'un junior.

Que vous inspire le fait de participer à une deuxième Ryder Cup, onze ans après celle de 2014 à Gleneagles ?
C'est d'abord beaucoup de fierté, parce que la Ryder Cup, c'est deux ans de boulot. On a eu pas mal de défis à relever ces dernières années avec Rasmus : il est parti jouer aux États-Unis où le niveau est plus élevé, donc il a fallu s'adapter. L'expérience avec Victor en 2014 avait été, golfiquement parlant, l'une de mes meilleures semaines de caddeyage. Je m'en souviens comme si c'était hier : Victor avait été incroyable, il était fait pour ce moment. Il avait géré la pression à la perfection, l'équipe était fantastique et on était entourés de personnes qui avaient tout fait pour que les joueurs soient dans les meilleures dispositions possibles. Golfiquement, ça reste une des plus belles semaines de ma carrière, donc je suis super fier, content et excité d'être de l'aventure à New York pour essayer de mettre une rouste aux Américains ! (rires) Je ne sais pas si gagner une Ryder Cup est supérieur à gagner un Majeur en termes d'émotions, mais pouvoir renouveler cette expérience, c'est génial.
Y participer est devenu une réalité ces derniers mois pour Rasmus et vous, mais la qualification n'a été arrachée qu'au dernier tournoi (le Betfred British Masters, fin août en Angleterre, ndlr). Comment avez-vous vécu toute cette période ?
On avait marqué beaucoup de points à la fin de l'année 2024, mais cette saison les résultats ont été moins bons, à part ces dernières semaines. Pour la qualification automatique, c'était presque trop tard. Ça aurait été agréable de se mettre à l'abri un peu plus tôt ! On a eu une période un peu compliquée au niveau du jeu au début de l'été, mais à partir du British Open, Rasmus a de nouveau montré des signes intéressants, il a réussi à faire quelques résultats et ça s'est avéré suffisant pour passer devant Shane Lowry. Tant mieux, car si c'était sûr que Shane allait faire partie de l'équipe, ça l'était moins pour Rasmus. Mais ces dernières semaines, il a vraiment montré de bonnes choses, du cœur et du bon jeu, et il s'est remis dans une super dynamique à quelques semaines de la Ryder Cup.

Comment avez-vous abordé le British Masters, où le contrat pour vous qualifier mathématiquement pour la Ryder Cup était de finir parmi les 29 premiers et ex æquo ?
C'était une situation très particulière, car on avait au fond de la tête cet impératif de finir dans les 29 premiers, alors que ça n'arrive jamais sur aucun autre tournoi. On s'est posés ensemble le lundi pour essayer de déterminer l'objectif de la semaine, sachant qu'en général on essaie de découper toutes les journées, tous les trous, toutes les situations, en morceaux les plus petits possible. C'est notre façon de faire et ça nous permet d'établir un plan et de rester dans le présent. Ça fait un peu cliché, mais on essaie vraiment de respecter ce découpage et de voir où ça nous amène le dimanche avec neuf trous à jouer. Le but, au British Masters, était de se mettre en position pour avoir une chance de gagner le tournoi, même si on ne savait pas quel niveau de jeu Rasmus allait avoir sur la semaine. En tout cas, ça a été très dur et très stressant, pour lui comme pour moi. Il fallait arriver à faire avec le bruit autour, l'agitation, trouver des parades pour nous concentrer sur notre mission, qui était bien sûr de finir dans le top 29, mais avant tout de se donner une chance de gagner le tournoi.
Le soulagement ou la joie : quel sentiment a prévalu à la fin ?
C'était énormément des deux ! C'est quand même la consécration de quatre ans de boulot ensemble, avec des bons moments et des périodes difficiles, pour arriver à cet objectif qui reste le Graal dans une carrière pour tout golfeur. On peut être un très bon joueur et ne jamais jouer la Ryder Cup, et les gens n'imaginent pas à quel point c'est dur de se qualifier... C'était donc énormément de joie et de soulagement, un moment très fort et très sympa à partager tous les deux, car cette compétition est aussi le Graal pour tout caddie.
Avec Rasmus, vous n'êtes pas passés loin de confirmer la qualification en remportant l'Omega European Masters, la dernière semaine d'août. Votre deuxième place vous a-t-elle permis de faire le plein de confiance ?
En Suisse, on est repartis dans le même process que d'habitude, à savoir se placer pour jouer la gagne à neuf trous de la fin. Là, il a mis un gros coup d'accélérateur sur le dernier tour et s'est retrouvé dans une position qu'il adore. Ça n'a pas suffi pour gagner, mais c'était une grande satisfaction de finir le tournoi en rendant la meilleure carte de la semaine. Quant à confirmer la qualification, ce n'était pas une obligation, mais ça fait plaisir quoi qu'il en soit. Et surtout, c'est important d'amener du bon jeu à Bethpage, et c'est ce que Rasmus fait depuis quelques semaines. Il y a eu quelques changements dans son staff récemment, et le travail commence à payer, et tous ces signaux positifs ne peuvent être que bénéfiques à quelques semaines de la Ryder Cup.
Par rapport à la dernière édition à Rome, Rasmus remplace Nicolai. À quand une Ryder Cup avec les deux jumeaux Højgaard ensemble dans l'équipe européenne ?
J'aurais aimé qu'ils jouent celle-ci tous les deux, même si, personnellement, je suis très content que Rasmus ait eu la place cette année ! (rires) Mais je suis sûr qu'un jour ils en joueront une ensemble, car ce sont quand même deux énormes potentiels du golf européen, et il n'y a pas de raison que ça n'arrive pas. La relation qu'ils ont est incroyable, et très compliquée à expliquer. Je crois que les jumeaux ont un peu des pouvoirs spéciaux, et quand ils excellent dans le même domaine c'est encore plus impressionnant. Tous les deux, ils ont une manière de se tirer vers le haut, de se motiver, de se botter le cul (sic) parfois, qui est étonnante. Ils commencent tout juste à arriver à faire des performances en même temps, mais ça n'a pas vraiment été le cas auparavant. C'est intéressant de voir à quel point ils se tirent la bourre dans leur carrière respective.
Que pensez-vous pouvoir amener de votre expérience de 2014 pour permettre à Rasmus d'être au top ?
Ce qui est important à comprendre, c'est que ça reste un tournoi d'équipe joué par des individus qui ont leur propre staff et sont habitués à faire leur travail d'une certaine façon. Il faut donc trouver l'équilibre entre ce qui fait que le joueur est bon individuellement d'un côté, et comment il peut contribuer à la performance collective de l'autre. Ce qui m'avait le plus marqué à Gleneagles, et ce en quoi Paul McGinley avait été incroyable avec Victor, c'est que même s'il faisait les choses un peu différemment des autres, il avait complètement respecté sa façon de faire parce que c'était ça qui l'avait amené à être un joueur de Ryder Cup. Je pense que comprendre comment chacun fonctionne en tant qu'individu pour l'amener à apporter sa contribution à l'équipe est une énorme qualité du capitaine, et ça doit être une qualité du cadet aussi. Il faut aider le joueur à faire ce qu'il sait faire pour qu'il apporte sa pierre à l'édifice. Quand on voyait Victor de l'extérieur, on pouvait avoir l'impression que c'était facile, mais c'était tout sauf facile car il y avait énormément de pression et d'émotions à gérer. La Ryder Cup, c'est une semaine hyper cool, mais hyper stressante, et Paul avait été énorme pour aider les joueurs à donner le meilleur d'eux-mêmes.
En tant que caddie, votre rôle est-il différent de d'habitude, étant donné qu'il y a cette dimension collective à prendre en compte ?
Des infos arrivent depuis longtemps pour préparer cette Ryder Cup, et en tant que caddie on est impliqué à 200 % dans le processus. C'est une des grandes forces de l'équipe européenne depuis longtemps maintenant : cette esprit de groupe avec les joueurs, les cadets et le staff. Et nous, on est valorisés de manière incroyable dans cette équipe ! Je ne peux pas trop rentrer dans les détails car je n'ai pas envie de dévoiler des secrets, mais je peux dire qu'il y a un travail énorme qui est fait pour que nous, les cadets, on soit mis dans les meilleures dispositions possible pour aider au mieux les joueurs. Niveau data, niveau compréhension, niveau optimisation de la performance, c'est poussé au maximum, et ça nous permet de faire notre travail dans les meilleures conditions.
Combien de personnes y a-t-il dans la team room européenne ?
C'est dur à quantifier précisément, mais c'est sûr qu'il n'y a pas seulement douze joueurs : il y a aussi douze cadets, un capitaine, cinq vice-capitaines et plein de gens dans le staff qui ont des rôles bien spécifiques et très importants. Puisque aucun détail n'est laissé au hasard, il y a des gens qui sont là pour tous les aspects de la performance : physios, kinés, nutritionnistes, statisticiens, etc. On a l'impression de faire partie d'une énorme équipe de rugby ou de foot ! Mais, en partant du principe que le fait que je me sente bien va avoir une influence sur la performance de Rasmus, ce n'est pas étonnant qu'il y ait tant de monde. Le but est vraiment de permettre à l'individu de réaliser la meilleure performance personnelle, au service d'un collectif.
Une fois sur le terrain, votre travail est-il très différent par rapport à un tournoi individuel ?
C'est un peu particulier à gérer pour nous, car le joueur se retrouve en binôme avec son partenaire de double. Mais quand on a fait un peu de golf amateur, on sait grâce à cette expérience du match play et notamment des doubles qu'il faut être là au bon moment, mais aussi - et surtout - laisser les joueurs créer cette dynamique entre eux, parce que c'est une situation dans laquelle ils peuvent s'apporter énormément l'un l'autre. Lors des doubles, il faut surtout être attentif à ce que le plan soit respecté. Et ce qui est dur dans une Ryder Cup, c'est de passer de deux journées de doubles aux simples du dimanche, où on se retrouve seul avec son joueur. Et même si c'est ce qu'on fait toutes les semaines, le fait de revenir à un format individuel peut paraître très solitaire. Je pense que le rôle du cadet a plus d'ampleur le dimanche. Sans oublier que cette année, on va être en territoire adverse : ça ne va pas être facile et il va falloir se serrer les coudes.
Connaissez-vous le parcours de Bethpage ?
Non, je le découvrirai le lundi après le BMW PGA Championship à Wentworth (entretien réalisé le 2 septembre, ndlr). Je l'avais vu à la télé en 2019 quand Brooks Koepka y avait gagné le PGA Championship, j'ai reçu pas mal d'infos du statisticien de Rasmus, j'ai vu pas mal de vidéos des trous du parcours, j'ai même demandé en début d'année à un copain qui joue bien au golf de me faire une reco' sur simulateur Trackman pour me faire une idée ! (rires) On a une idée des qualités qu'il va falloir avoir pour être performant, et ça va nous donner des pistes d'entraînement, mais au final c'est la préparation du parcours qui va dicter la façon de jouer.
Gagner sur le sol américain : croyez-vous que c'est à la portée de l'équipe européenne ?
Bien sûr ! Même si on sait à quel point c'est difficile d'aller gagner là-bas... Le public va nous attendre au tournant, mais ça fait partie du jeu. On a des procédures d'entraînement depuis quelque temps par rapport à cette gestion-là, donc je pense qu'on va arriver préparés et conscients de ce qui va nous attendre. Et bien sûr, je le dis sans aucun manque de respect envers les Américains qui vont être morts de faim, avec pas mal de nouveaux joueurs qui ont soif de gagner leur première Ryder Cup et vont amener beaucoup d'envie : le but est vraiment d'y aller pour les fracasser ! (rires) On sait qu'eux vont nous aborder de la même manière, donc on va tout faire pour être le plus performant possible, tout en restant le plus sport possible. Mais si à la fin, on pouvait leur serrer la main en sachant qu'on est victorieux, ce serait une satisfaction incroyable.
