Le joueur amateur de la Réunion a participé, la semaine passée, à son tout premier tournoi sur le Korn Ferry Tour. Une expérience dont il a surtout conclu une chose : l'écart de niveau entre lui et la deuxième division du PGA Tour n'est pas abyssal.

Vendredi 25 juillet 2025. Les suiveurs du golf professionnel tricolore sont traversés par un émoi inattendu, mâtiné de nostalgie : Victor Dubuisson est leader d'un tournoi, en l'occurrence la Biarritz Cup, qui voit se dérouler sa première édition en tant qu'épreuve de l'Alps Tour. La légende du golf français, officiellement retraité, a ressorti les clubs par sympathie pour C&S Partners (il finira même par s'imposer, deux jours plus tard).
Mais en ce soir du premier tour, regarder vers l'avenir, c'était peut-être faire le petit effort oculaire de passer à la ligne d'à côté. Car le Cannois était en réalité coleader, à -7, avec un amateur originaire de l'Île de la Réunion : Rudy Sautron. Un joueur alors à l'aube de ses 20 ans (il les a fêtés ce mardi 12 août), et qui grimpe patiemment mais sûrement aux échelons du haut niveau. Dernier barreau d'échelle gravi en date : le Pinnacle Bank Championship, épreuve comptant pour le Korn Ferry Tour (la deuxième division du PGA Tour), que le joueur formé au golf réunionnais du Colorado a disputé la semaine passée.
Un point d'amélioration au putting
Rudy Sautron avait obtenu cette invitation en remportant, le 13 juillet, l'Indian Creek Invitational. Une épreuve amateur organisée dans la banlieue d'Omaha, dans le Nebraska, et qui donnait fort logiquement une place dans le champ du Pinnacle Bank Championship, celui-ci se tenant à... Omaha, dans le Nebraska. Mais quoi de plus logique pour un joueur qui, depuis maintenant un an, est justement étudiant dans l'université de cet état situé au beau milieu des grandes plaines américaines. En tout cas, en arborant fièrement sur le terrain les couleurs des Huskers, le Français s'est assuré le soutien du public. « Il y avait même des petits qui me tendaient des casquettes pour que je les signe, rigole-t-il. C'était très sympa d’avoir tout ces gens autour. D'habitude on ne regarde pas trop ce qu’il y a autour, mais forcément, je n'allais pas faire semblant qu’il n’y avait personne non plus. Mais j’arrivais à le percevoir bien, la pression était plus sur les coups que je devais taper. »
Du Korn Ferry Tour, Rudy Sautron a aussi et surtout pu découvrir l'univers. Un cadre qui tranche forcément avec ce qu'il a pu connaître, que ce soit dans les tournois universitaires américains, ou dans les différents championnats de France qu'il est régulièrement venu disputer dans l'Hexagone depuis ses 12 ans. Infrastructures, camions d'équipementiers, staffs autour des joueurs, multiples caméras de télévision au bord du parcours, personnel d'organisation nombreux... autant d'éléments qui ne se retrouvent que sur les gros circuits professionnels. « Ça a été une expérience exceptionnelle. Au début, je ne me sentais pas où je devais être, tellement il y avait de choses », reconnaît-il. Même le parcours, sur lequel il s'était déjà rendu avec sa fac à plusieurs reprises, ne lui paraissait pas si familier, ne serait-ce qu'avec les roughs plus épais et les greens plus rapides.
Une fois lancé dans son tournoi, pourtant, Rudy Sautron ne s'est pas révélé maladroit face aux joueurs, expérimentés pour certains, du Korn Ferry Tour. Un secteur de jeu, toutefois, lui a manqué cruellement : le putting. « Lors des deux tours, j'ai pris 15 greens en régulation à chaque fois, mais au premier tour j'ai pris 32 putts, et au deuxième 35 », détaille-t-il. Résultat : des scores de 72 et 75 (par 71), pour un total de +5 le mettant hors du cut. « Je vois bien mon point d'amélioration, note le joueur amateur. Et en tout cas, je vois que le Korn Ferry Tour, ce n'est pas du tout hors de ma catégorie. »
Le Réunionnais prenait aussi cette apparition sur la deuxième division nord-américaine comme l'occasion d'ouvrir grand les yeux, afin de se comparer aux joueurs déjà bien établis. L'un de ses partenaires de jeu des deux tours, l'Australien Rhein Gibson, 39 ans, déjà vainqueur à deux reprises sur le Korn Ferry Tour, lui a d'ailleurs fourni un bon exemple d'efficacité. « Quand on le regarde jouer, ce n’est pas impressionnant au niveau du long jeu ou du wedging, raconte Rudy Sautron. Mais dès qu’on en vient au putting, il devient dangereux. Il ne fait pas d’erreur bête, tout simplement. »
Pour approfondir
L'organisation du golf universitaire américainDe la Réunion au Nebraska, en passant par Lons-le-Saunier
Apprendre et progresser, Rudy Sautron en a encore le temps. Lui qui a commencé le golf à 8 ans à la Réunion a même montré ses capacités en la matière ces dernières années. Après une dernière année de lycée passée en sports-études à Lons-le-Saunier (changement de cadre assuré), il a effectué sa première saison universitaire à Cameron, dans l'Oklahoma. Une fac qui évolue en division II de NCAA, ce qui est forcément synonyme de moyens nettement moins importants que dans les plus grandes maisons. « On était obligés de ramasser les balles nous-mêmes sur le practice », illustre le Français. Par ailleurs, ce dernier a eu du mal à trouver la parfaite entente avec le coach, un ancien étudiant de cette même fac prenant le job au pied levé, pour succéder à celui qui l'avait recruté.
« Heureusement, au bon moment, j'ai fait une très bonne saison », sourit Rudy Sautron, qui a ainsi pu aller montrer quelques lignes de palmarès sur le portail des transferts, au printemps 2024. Cette plate-forme permet aux joueurs désireux de changer d'air de s'inscrire, et aux universités intéressées de les contacter puis de les intégrer, choses qui sont interdites dans le courant de la saison. Pour Rudy, Nebraska offrait le compromis parfait : une université de division I, qui plus est dans l'une des conférences les plus puissantes du pays (la Big10), et une scolarité entièrement prise en charge. En arrivant à Lincoln, localité qui abrite le campus, il a découvert un autre monde, où les étudiants disposent de radars au practice et en intérieur, de putting abrité, et de trois parcours de golf où ils peuvent jouer gratuitement.
Les effets positifs du transfert n'ont pas été longs à venir, puisque dès le Gopher Invitational, épreuve d'ouverture de la saison des Huskers, il s'est imposé dans le classement individuel. Un bon socle pour empiler une année qui l'a vu établir une moyenne de score de 71,70, nouveau record de son programme. Lors de la deuxième partie de saison, au printemps, il a toutefois enregistré quelques coups durs, comme cette mauvaise carte signée, qui lui a valu une disqualification pour le tour en question, et un recul net dans la hiérarchie universitaire. Pour quelques places seulement, il lui a donc fallu faire le deuil des Regionals et des Nationals, les deux prestigieuses épreuves de la fin de saison. Du moins pour cette année. Car avec encore deux ans d'études devant lui, il compte bien y participer. « Ça a été un peu la douche froide, mais quand on prend les choses comme ça comme de l'expérience, on revient plus fort derrière », assure-t-il.
Et si l'on songe à l'après ? À horizon de plus de deux ans ? « Le PGA Tour, c'est le rêve de tout le monde, répond-il sans détour. Mais il ne faut pas forcer le processus. Si, par exemple, je dois aller d'abord sur le PGA Tour Américas (la troisième division, NDLR), je ferai étape par étape. » Ou pourquoi pas le Korn Ferry Tour directement, via les différentes passerelles proposées entre la NCAA et la galaxie du PGA Tour pour les tout meilleurs. Après tout, la deuxième division, Rudy Sautron a déjà pu la voir de près. Et il est prêt à recommencer.