À l’issue de deux heures et quart d’un play-off interminable à l'open d'Espagne 2013, Raphaël Jacquelin décroche son quatrième et pour l’instant ultime succès sur le Tour européen. Souvenirs.

Raphaël Jacquelin soulève le trophée de l'open d'Espagne, son 4e titre sur le Tour européen © AFP

Ce 21 avril 2013 à Valence, le golf français entre dans l’histoire. En battant après neuf trous de play-off l’Allemand Maximilian KiefferRaphaël Jacquelin égale en effet le record du plus long supplément de suspense du Tour européen exclusivement détenu jusque-là par José Maria Olazabal, vainqueur du Dutch Open 1989.

« Ce qui me reste de cette victoire sept ans plus tard, c’est évidemment ces neuf trous de play-off, souffle d’entrée de jeu le Lyonnais, 45 ans pour encore quelques semaines, confiné comme tout le monde chez lui en Suisse depuis la mi-mars. Cela restera forcément un bon souvenir car j’ai gagné. C’est aussi une victoire assez particulière car je n’ai jamais été devant au leaderboard durant les quatre tours. Je suis revenu pour jouer ce play-off grâce à un bon finish (deux birdies sur les quatre derniers trous). Les autres ont concédé des bogeys pour ne pas gagner… Je me suis retrouvé pour la première fois de la semaine co-leader au 72e trou. Je n’avais jamais eu la moindre chance de gagner avant… Sur mes trois autres victoires sur le Tour, j’avais été présent dès le début, en position de l’emporter. Pas en Espagne cette année-là. »

El Saler, du vent et des greens pentus

Après une entame délicate conclue par un 73 (+1), Jacquelin, qui allait fêter quelques jours plus tard son 39e anniversaire, s’était parfaitement remis en selle le lendemain en claquant un très solide 66 (-6). Largement suffisant pour franchir le cut. En revanche, le week-end allait être bien plus ardu avec un nouveau 73 le samedi et un 71 (-1) le dimanche.

« Sur le parcours de El Saler, les conditions de jeu sont souvent les mêmes : du vent entre 20 et 30 km/h, venant de la mer, ou de la terre. Là, ça venait de la mer. El Saler, c’est un links espagnol où il fait grand beau, mais avec des trajectoires que l’on rencontre sur les links anglais ou écossais. J’aime bien ces configurations où il faut, sur tous les coups, être un peu plus créatif que la normale. El Saler, c’est aussi un tracé qui n’est pas très large, pas très long non plus. C’est assez sec, il faut bien contrôler la balle… Sans être péjoratif, c’est un parcours à l’ancienne, qui se défend tout seul avec un dessin assez étroit et avec des greens pas très grands mais pentus… Bref, il faut être hyper stratégique ! »

Un putt miraculeux de 15 mètres

Alors que des stars comme Sergio Garcia ou Paul Casey prennent respectivement les 12e et 16e places finales, trois hommes affichent en haut du leaderboard le même score après 72 trous : 283 (-5). Jacquelin, l’Allemand Maximilian Kieffer et le Chilien Felipe Aguilar vont devoir se départager en mort subite sur le par 4 du trou n°18. « Assez simple à négocier avec un vent favorable venant de la droite », précise le Français. Le play-off ? Un exercice qui n’avait pas jusque-là souri au vétéran tricolore. « Je les avais tous perdus, confirme-t-il. Dont celui en 2004 au Dunhill Championship (Afrique du Sud) où, avec Grégory Havret, on s’était inclinés face à Marcel Siem. Un Allemand, déjà (rires) ! »

Là, et c’est plutôt un signe, Raphaël Jacquelin est confiant quand il se présente au départ avec ses deux acolytes. Il n’a pas concédé le moindre bogey en quatre tours sur ce trou n°18. Un par 4, on l’a dit, que le trio joue constamment de la même façon : driver puis wedge. Mais c’est sur le green que ça se gâte. Aucun n’arrive à prendre l’avantage sur l’autre. Aguilar est éjecté après trois trous pour avoir signé un par. Kieffer, lui, s’en sort miraculeusement grâce à un putt de 15 mètres alors que Jacquelin était en position favorable à un mètre du trou pour birdie. Tout va désormais se jouer entre lui et l’Allemand.

Pas le plus drôle du champ

« On n’arrivait pas à rentrer les putts, explique Jacquelin. Le green était moins roulant, on était en fin de journée. Je me souviens avoir sauvé une fois le par (sur le 7e trou de play-off). Ma mise en jeu s’est un peu égarée à droite. Je pensais que ma balle était dans des « griffes de sorcières » mais elle était tombée un peu plus loin. Placée dans le sable, pas terrible, mais mieux que dans ces plantes rampantes complètement injouables. Kieffer, lui, est très régulier. Je n’ai pas de souvenir de le voir en dehors du fairway. A part ce putt qu’il a rentré au 3e trou de playoff, il n’a pas très bien putté le reste du temps. Comme moi. Il était solide sur le grand jeu, moins précis sur les coups de wedge. J’ai toujours putté en second. C’était quand même un avantage psychologique sur les attaques de greens. »

Ce duel interminable va durer deux heures et quart. Les deux hommes n’échangent pas un seul mot. « Max Kieffer, ce n’est pas le plus drôle du champ, murmure Jacquelin. Il avait 22 ans à cette époque. C’est quelqu’un d’assez timide. Il ne dit pas grand-chose, même aujourd’hui encore. Il n’y avait aucune animosité entre nous. Mais on était tout simplement dans notre bulle. »

Cuit physiquement et mentalement

Au bord du green du 18, on commence à s’impatienter sérieusement. Va-t-on pouvoir finir avant la nuit ? Et puis finalement, au neuvième trou de play-off… « Sur le putt de la victoire, je ne sais pas exactement ce que la balle a fait, s’excuse Jacquelin Gauche-droite, droite-gauche… Un putt à peu près droit en descente de deux mètres, deux mètres cinquante. Elle est rentrée par le bord… Birdie ! Ce fut très compliqué. Je ne pensais pas à ce qui pourrait se passer si le play-off avait encore duré. Je suis resté hyper concentré sur ce que j’avais à faire. J’avais qu’une seule envie, c’est de rentrer enfin un putt ! Quand c’est arrivé, ce fut un véritable soulagement. J’ai lâché le putter des mains. Les joueurs français qui étaient restés (Guillaume CambisThomas Levet…) m’ont aspergé de Champagne. Mais j’étais cuit. Physiquement et mentalement. Très vite, tout le monde est parti de son côté. Je suis allé dîner avec Philippe Allain et Anthony Snobeck. Et j’ai plutôt bien dormi. »

Cette victoire, la quatrième et pour l’instant la dernière de sa carrière, va lui permettre d’accrocher la 94e place mondiale. C’est la première fois depuis un an qu’un golfeur tricolore revient alors dans le top 100. Sept ans plus tard, est-ce sa plus belle victoire ?

« La plus belle, ça reste quand même toujours la première, s’exclame Raph Jacquelin après un long moment de réflexion en guise de conclusion. J’avais vraiment bien joué à Madrid en 2005 (Open de Madrid). Mais ce play-off, il a un caractère différent. C’est incontestablement la victoire la plus épuisante, la plus éprouvante. Mes quatre succès sur le Tour ont tous un caractère différent. »