Au lendemain de son premier succès sur le Tour européen, Adrien Saddier est revenu sur le déroulement d'une semaine mémorable, conclue dans un torrent d'émotions.

Qu'est-ce que ça fait d'être « campione d'Italia » ?
(Rires) C'est chouette, forcément ! Tu travailles longtemps et dur pour goûter un jour à ces émotions, donc c'est vraiment génial de les vivre enfin. Il y a un peu tout qui est sorti juste après la victoire : je n'ai pas eu un début de carrière rêvé, j'ai eu des années de galère autour de la période Covid, j'ai même songé à arrêter il y a deux ou trois ans de cela... Je suis quand même passé pro il y a douze ans, et ça veut dire que j'ai passé pas mal d'heures au practice depuis, donc gagner enfin sur le Tour européen, c'est juste génial.
D'autant plus que c'était votre 200e tournoi sur le DP World Tour ! C'est un joli clin d'œil, non ?
C'est un petit chiffre sympa, c'est sûr, mais je suis loin des 600 et quelque de Raphaël Jacquelin (681, ndlr) ou des 500 et quelque de Grégory Havret (560)... J'ai encore quelques années à faire ! Mais je pense qu'atteindre 200 tournois sur le Tour, ça montre quand même que je ne suis pas là par hasard.
Comment s'est déroulée cette semaine en Italie ?
Je sortais d'un break de trois semaines que j'avais mis à profit pour bien travailler afin de retrouver les bonnes sensations des mois de février et mars. Il y a d'abord eu un jeudi entre guillemets tranquille, mais où j'ai senti que j'avais produit de bonnes choses. Cette journée m'a mis dans de bonnes dispositions golfiques et mentales. Ensuite, il y a eu un très gros vendredi, et le week-end a été dans la droite ligne. Tout au long de la semaine, j'ai réussi à avoir un bon momentum à chaque partie, j'ai régulièrement réussi à sauver des pars et à convertir des occasions de birdie, et à me mettre dans le bon wagon pour aller jusqu'en haut du leaderboard.
Comment avez-vous appréhendé le fait de jouer en dernière partie dimanche ?
C'était déjà la troisième fois cette saison, après le Joburg Open où je m'étais bien crashé dans le mur (19e, ndlr), et le Porsche Singapore Classic (3e). Du fait de cette récurrence, je me suis vite senti assez à l'aise, assez calme. J'ai essayé de faire abstraction des autres, de rester dans mon couloir et de jouer mon golf sans penser au résultat. Martin Couvra et Eugenio Chacarra ont très bien démarré, mais ils ont ensuite fait quelques erreurs qui m'ont permis de rester au contact. Puis, au début du retour, j'ai lancé la chasse aux birdies qui m'a permis de passer devant.
Le fait de jouer avec un Français vous a-t-il aidé à être encore plus décontracté ?
Avec Martin, on a un peu discuté tout au long de la partie, c'était sympa ; mais c'était surtout spécial d'être avec Olivier Elissondo, son caddie, qui était mon premier caddie quand je suis arrivé sur le Tour européen il y a douze ans. C'était une partie vraiment amicale, et c'est vrai que ça m'a peut-être un peu aidé à relâcher la pression.
Votre caddie à vous, qui est-ce ?
Il s'appelle Andrea Ginola, c'est le fils de l'ancien footballeur David Ginola. À la base, il est arrivé sur le Tour il y a trois ans avec Alexander Levy, qui est un très bon pote à lui. Il a un peu continué ensuite à caddeyer de son côté, et ça fait pile un an qu'on bosse ensemble puisqu'on a commencé l'an dernier à Munich, où on est cette semaine. C'était sympa de se faire ce petit cadeau pour notre anniversaire !
Vous êtes allé chercher la victoire grâce à un retour de rêve, alors que la tension montait et que les conditions météo étaient de plus en plus difficiles. Comment expliquez-vous cette réussite dans la difficulté ?
Avec Andrea, notre discours et notre attitude ont été les mêmes pendant quatre tours, y compris sur le retour, dimanche. On ne s'est jamais affolés ni excités, on a bien discuté des coups à chaque fois, bref on est restés exactement les mêmes. Et il y a eu cet enchaînement sympa sur le retour avec tous ces putts qui sont tombés, mais même sur les trois ou quatre derniers trous, quand la victoire se rapprochait, on a réussi à ne rien changer. On n'a pas essayé d'en faire plus, et c'est pour ça que ça a bien fonctionné.
Quels sont le ou les coups que vous retenez sur ce retour ?
Honnêtement, je peux dire que c'était un retour parfait ; j'ai vraiment bien joué sur ces neuf trous dans leur ensemble. Le coup que je redoutais le plus était celui du 17, un par 3 assez long et vraiment serré entre les arbres, avec un green tout petit et un fer 6 dans les mains. Quand j'ai vu ma balle finir à hauteur du mât, je me suis quand même un peu relâché en me disant que j'avais bien géré ce coup redouté. Ça m'a donné de la confiance pour bien terminer au 18. Avant cela, j'ai quand même bénéficié de la petite chance du vainqueur avec ce putt au 13 qui a fini par tomber après être resté en suspens une seconde ou deux, alors que celui de Martin au 14 a fait pratiquement la même chose, mais n'est pas tombé. C'est là aussi que dans ma tête, je me suis dit que ça pouvait tourner en ma faveur, et j'ai surfé cette vague jusqu'au bout.
Vous avez eu des mots émouvants pour votre famille lors de l'interview à la sortie du green du 18. À quel point êtes-vous heureux de leur offrir cette victoire ?
C'est beaucoup de choses à dire... Mon père m'a mis au golf à Ésery à l'âge de trois ans, il m'a trimbalé quand j'étais tout petit sur les tournois juniors, week-end après week-end. Ma mère m'a dit que si j'avais un diplôme après le bac, je pourrais essayer d'être professionnel de golf, c'était le deal entre nous. Ce n'est pas évident pour des parents de laisser leur enfant choisir une voie comme la mienne... Ma femme (Marie Fourquier, ndlr) a été joueuse de haut niveau elle aussi, elle avait également ce rêve de gagner sur le circuit féminin, et elle a mis ça de côté pour qu'on fonde une famille... Et mon fils, qui est né il y a trois ans et demi, c'était la cerise sur le gâteau ! Le fait d'être père m'a donné des perspectives différentes, son arrivée m'a bien remis en question sur le plan mental, et aujourd'hui je suis super heureux de pouvoir leur offrir, à tous, ce trophée.
Ce trophée, justement, quelle valeur a-t-il à vos yeux, sachant que l'open d'Italie fêtait son centenaire cette année et qu'il fait partie des grands opens nationaux d'Europe ?
La seule chose que je peux dire par rapport à cela, c'est que sur la coupe il y a le nom de Grégory Havret qui est un très bon pote à moi. Pour lui aussi, c'était sa première victoire (en 2001, ndlr), et dès qu'on m'a remis la coupe j'ai cherché son nom pour lui envoyer en photo ! On a un peu discuté de ça vite fait hier, mais ça m'a fait un petit quelque chose de gagner mon premier trophée comme lui dans cet open d'Italie.
Est-ce qu'il y a eu une célébration digne de ce nom dimanche soir, ou cela attendra-t-il ?
Honnêtement, non, parce que la remise des prix a duré pas mal de temps, et quand on est arrivés à l'hôtel de l'aéroport il était déjà 22 heures. J'ai dîné avec les cadets qui étaient dans le même hôtel que moi – Olivier Elissondo, Sébastien Clément et Andrea – mais il n'y a rien eu de plus exceptionnel qu'une bière... Maintenant, la tradition française veut que j'organise un dîner pour tout le clan, et je pense que je vais me tenir à mes principes et attendre d'être à Crans-Montana pour qu'on puisse se faire une belle raclette entre nous (rires) !
En plus de la victoire, vous avez également décroché votre place au prochain British Open...
C'est top ! C'est un super bonus d'aller jouer un British Open au Royal Portrush pour mon premier Majeur. J'ai hâte d'y être, et ça m'excite d'autant plus que je suis un grand fan des links. Après, ce sera le quatrième tournoi d'une série, donc il va falloir que d'ici là je gère bien la préparation physique pour arriver frais là-bas. Et j'espère que deux ou trois amis pourront venir et qu'on pourra passer une bonne semaine ensemble.
Est-ce que cette victoire a un impact sur le reste de votre calendrier pour 2025 ?
Pas vraiment, non, puisque je rentrais déjà au Scottish Open. J'ai juste rajouté le British la semaine d'après, et a priori j'ai aussi verrouillé ma participation à la finale de la Race to Dubai. Maintenant, tout le reste de la saison va n'être que du bonus.
Faisant suite à un très bon début de saison, cette victoire vous met enfin dans la course pour aller chercher une place sur le PGA Tour l'an prochain...
C'est sûr que ça va devenir le nouvel objectif, mais j'ai envie de garder les pieds sur terre, de continuer à travailler semaine après semaine, et on verra à la fin ce que ça donne. Si je continue à faire le bon travail que j'effectue depuis le début de la saison, je pense que d'autres résultats suivront, donc pour que ça arrive il faut juste rester concentré sur le boulot.
Le staff d'Adrien Saddier
Coach technique : Benoît Ducoulombier
Coach performance et statistiques : Mathieu Santerre
Préparateur physique : David Baudrier
Préparateur mental : Makis Chamalidis
Kinésithérapeute : Adrien Dufour
Adrien, un nouveau défi t'attend !