Pour son tout premier Majeur, Adrien Saddier a fini meilleur des six Français engagés dans ce 153e open britannique de l’histoire. Le Haut-Savoyard a très envie de revivre cette atmosphère unique, et cela passe par encore plus de travail à l’entraînement.

Parti depuis un mois de chez lui, Adrien Saddier, revenu en France ce lundi 21 juillet via Dublin, goûte un repos bien mérité en famille. On ne le reverra pas sur le Tour européen avant l’étape danoise à la mi-août. La fin de saison s’annonce intense pour lui avec, dans le viseur, un droit de jeu sur le PGA Tour en 2026.
Si vous deviez ne retenir qu’un seul fait marquant de cette semaine au Royal Portrush, ce serait lequel ?
(Sans hésiter) L’atmosphère ! Le public nord-irlandais, c’est quelque chose de fou à vivre. Le vendredi, je suis allé voir le départ de Rory McIlroy. Dimanche, j’avais Shane Lowry deux parties devant moi… Cela fait du bruit. C’était assez dingue !
Aviez-vous ressenti auparavant une telle ferveur, une telle intensité dans un tournoi de golf ?
Pas autant, c’est vrai. Mais l’an passé, quand on avait joué l’Irish Open au Royal County Down, c’était déjà électrique. Et là, pour Portrush, c’était un cran au-dessus. Dans ces pays golfiques, il y a tout de suite plus d’atmosphère. Il y a beaucoup de respect également. Ils savent de quoi ils parlent. Ils ont toujours deux, trois mots sympathiques entre les trous pour nous, les joueurs. C’est un public de connaisseurs et c’est vraiment très chouette à vivre.
Comment avez-vous vécu cette semaine à The Open ? Comme quelqu’un qui découvrait pour la première fois le parfum particulier d’un Majeur ? Ou comme quelqu’un qui espérait réaliser un résultat de référence dans sa carrière professionnelle ?
Un peu les deux… Je voulais vraiment kiffer, déjà. Parce que c’était un peu long d’en faire un dans ma carrière (rires). J’ai attendu douze ans… Je voulais vraiment profiter de cette semaine-là. Ensuite, je voulais forcément faire un bon résultat. Je voulais me prouver à moi-même que j’avais les capacités de faire quelque chose de bien dans ce genre de semaine. Il y avait un peu de tout, quoi. J’ai essayé durant les reconnaissances de jouer avec des top players. On pouvait réserver sa partie et voir avec qui c’était possible de jouer. J’ai essayé de me glisser avec des bons joueurs pour voir ce qu’ils faisaient. J’ai ainsi joué avec Sepp Straka, Dustin Johnson, Brooks Koepka… J’ai essayé de prendre pas mal d’infos sur eux et dans les parties de reconnaissance. Après, quand je suis arrivé sur le tee du 1 jeudi, je voulais surtout performer.
Êtes-vous animé par une certaine fierté d’avoir fini meilleur golfeur français de cette 153e édition de l’open britannique ?
Pas vraiment. J’aurais préféré être deuxième Français et être 15e au classement final (rires). Je ne pense pas qu’on jouait tous les six pour être le meilleur Français… C’est un petit titre honorifique (Ndlr, il a pris la 52e place dans le par total) mais je ne jouais pas pour ça.
Avez-vous eu un petit regret de ne pas être associé durant le week-end à une star mondiale comme l’ont pu être Antoine Rozner avec Viktor Hovland ou Romain Langasque avec Jordan Spieth ?
Un petit peu… Même si ce n’est pas de ma faute. Cela s’est joué à peu de choses en fait car le samedi, j’ai Stenson derrière moi et juste devant j’ai Matsuyama et Straka. Et le dimanche, il y avait Lowry pas très loin. J’aurais bien aimé, mais c’est comme ça.
Le fait d’avoir été au Masters 2024, invité par Matthieu Pavon, vous a-t-il permis d’appréhender différemment cette première pour vous en tant que joueur à Portrush ?
Cela m’a permis de goûter l’atmosphère que l’on peut rencontrer dans ce genre de tournoi. Il y avait beaucoup de monde au Masters. Je pouvais m’attendre à la folie des spectateurs. Mais après, j’étais en dehors des cordes donc question d’être sur le parcours, ça ne m’a pas réellement aidé ou apporter quelque chose. Cela m’a surtout préparé à ce que pourrait être une ambiance de Majeur. C’est certain.
Jouer avec Martin Couvra lors des deux premiers tours vous a-t-il aidé à vous sentir un peu plus à l’aise pour vos débuts ?
Oui, je pense que cela m’a un peu aidé lors du premier tour. Du coup, on a pu un peu discuter tous les deux, parler d’autre chose. Personnellement, ça m’a permis d’être plus calme. Le deuxième tour, je l’ai plus vécu un poil plus fermé. Martin aussi. Il voulait faire un beau score pour revenir et moi j’avais ce job à faire pour être là le week-end. Pour passer le cut, je savais que je devais faire 4 sur le 18. Quand j’ai mis le coup de fer 7 à huit mètres (du drapeau), j’avais mon destin entre les mains. Dès que j’ai fait mon deux putts, j’étais forcément tout de suite au courant que je faisais le cut et j’étais évidemment très heureux.
Était-ce pour vous un premier objectif de franchi dans votre plan de marche ?
Oui… Même si mon objectif était d’abord de profiter, qu’importe le résultat. Je voulais kiffer mes 36 premiers trous. Comme je l’ai dit, j’ai attendu douze ans. C’était long. Je voulais vraiment partir de cet endroit sans regret, savourer l’instant présent. C’est ce qui m’a aidé aussi. J’ai pu prendre les bonnes énergies pour faire cette bonne semaine. Le cut était donc un bon pas en avant.
Avez-vous engrangé des points précieux durant cette semaine irlandaise pour le reste de votre saison mais aussi pour le reste de votre carrière ?
Vivre ça, on n’a pas envie que ça s’arrête ! On a envie de recommencer. On a donc envie de travailler encore plus dur pour être de plus en plus souvent dans ces événements.
Avez-vous déjà effectué un premier débriefing avec votre coach, Benoît Ducoulombier ?
Non. J’ai juste un peu parlé avec Makis Chamaladis, mon préparateur mental. J’attends aussi les stats de Mathieu Santerre. Benoît, je vais le voir très bientôt…
Ouvrons une petite parenthèse. Scottie Scheffler est-il de la trempe de Tiger Woods ?
C’est différent. En termes de résultats, on n’est pas loin. En termes d’attitude, on a plus l’impression que Tiger était là pour écraser tout le monde. Scheffler, on a l’impression qu’il est tranquille, qu’il déroule… Je dirais qu’on a affaire à deux salles, deux ambiances. J’ai beaucoup croisé Scheffler au players lounge, j’ai un peu discuté avec lui. On n’a pas l’impression qu’il est là pour nous écraser. Il est là pour dérouler son golf. Et celui-ci est tellement bon qu’il nous écrase, quoi (rires) ! Il domine !
Vous êtes actuellement 12e de la Race to Dubai. Il reste onze tournois de la saison régulière avant les Play-Offs en novembre dans les Émirats arabes unis. Avez-vous déjà envisagé de partir aux États-Unis avec femme et enfant ? Ce droit de jeu sur le PGA Tour en 2026 devient-il de plus en plus réel pour vous ?
Pas vraiment, non. J’ai l’impression qu’entre maintenant et novembre, il peut se passer encore tellement de choses. J’ai juste envie de me concentrer sur moi, sur mon travail… Je me dis que si je continue à bien jouer, normalement, de bonnes choses devraient bien se passer. On fera les comptes en novembre. S’il y a le PGA Tour à la fin, je sais que la première année, ce sera des allers-retours, il n’y aura pas de déménagement tout de suite.
Vous êtes-vous renseigné auprès de Matthieu Pavon sur la vie aux États-Unis, sur cette façon de vivre différemment son métier de golfeur pro ?
Oui, on en a déjà parlé pas mal de fois. Lui, sa maison est sur un golf, il fait toujours beau, avec toujours de bonnes conditions… Il a des partenaires d’entraînement assez sympas aussi ! Tout est différent. Mais il faut le mériter. Et cela passe par le travail. Si j’attrape une carte, j’essaierai d’en profiter le plus possible. Après, il faut voir comment sur place ça se passe. Tous les Européens se plaignent du fait que c’est assez solitaire comme vie. Moi, je n’ai pas trop à me plaindre car je suis aussi assez solitaire de base (rires). Il faut voir comment gérer les jours entre les tournois. D’autant que la catégorie qu’on hérite en passant sur le PGA Tour, c’est un peu comme une catégorie Q-School en Europe. On ne sait pas tout le temps quand on rentre, certains peuvent entrer dans le champ et pas vous… Il faut voir le moment venu.
Quel va être votre calendrier pour les prochaines semaines ?
Je monte vendredi à Tignes avec David Baudrier (son préparateur physique) et ma famille pour un stage physique. Je reprendrai ensuite au Danemark (14-17 août). Je ne joue pas le British Masters (21-24 août) et j’enchaîne après avec Crans (Omega European Masters, 28-31 août), l’Irlande (4-7 septembre), Wentworth (BMW PGA Championship, 11-14 septembre) et l’Open de France (18-21 septembre).
Ces expériences récentes, cette victoire en Italie, cette première en Majeur, vous poussent-elles à des objectifs désormais plus élevés, comme gagner de nouveau sur le Tour européen par exemple ? Avez-vous placé le curseur un peu plus haut maintenant ?
On a toujours envie d’élever la barre. Après, mon objectif du 1er janvier 2025, c’était d’être dans le top 100 mondial. Je m’en rapproche (Ndlr, il pointe cette semaine à la 135e place mondiale). Et forcément, quand on a goûté une fois à la victoire, on a envie d’y re-goûter. Il n’y a que ça de vrai. C’était tellement un bon moment. J’ai envie de revivre ça assez vite !