Le joueur toulousain est entré dans la catégorie des vainqueurs sur la deuxième division européenne, en remportant le Challenge de España le 11 mai dernier. Le résultat d'une mentalité qui ne se met plus de limites, et d'un destin qui l'a laissé saisir sa chance.

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Clément Charmasson a obtenu sa catégorie sur l'HotelPlanner Tour à la faveur des performances d'autres joueurs lors des Cartes européennes, fin 2024. © Aitor Alcalde / Getty Images - AFP

La phrase est souvent lâchée, prémâchée, prête à servir, employée en parfait colmatage sur un mur de résultats : « Le golf, ça ne se joue pas à grand-chose ». D'accord, mais dans le cas de Clément Charmasson, « pas grand-chose », ça fait combien au juste ? Difficile de quantifier précisément le nombre de coups. Est-ce ce chip-putt loupé au dernier trou qui l'a empêché d'accéder à un play-off sur un tournoi du Pro Golf Tour l'an passé ? Est-ce l'unique coup qui l'a privé de franchir la première étape des qualifications des Cartes européennes à l'automne dernier ? Ou bien, en lieu et place de coup de golf, est-ce le coup de tonnerre qui a zébré le ciel autrichien cette semaine-là, et réduit l'épreuve à 36 trous ? Mais sans tout cela, aurait-il dû attendre interminablement que ses devanciers au classement de la troisième division n'obtiennent leur montée sur le DP World Tour, lui offrant ainsi un sacré... coup de pouce ?

Le cri de joie du père

Impossible de dire quel coup a pesé plus que les autres. En revanche, il est possible de donner un nombre ferme : 267. Soit le nombre de coups que le Toulousain de 26 ans a tapés pour s'adjuger le Challenge de España, le 11 mai dernier. Un dimanche marquant pour le golf français dans son ensemble, puisqu'en même temps ou presque, Clément Charmasson et Martin Couvra entraient dans la catégorie des vainqueurs, respectivement sur l'HotelPlanner Tour et le DP World Tour. « Je connais bien Martin, et si on se débrouille pour gagner à chaque fois, ça me va très bien », sourit celui qui s'est imposé sur la deuxième division.

Sur le terrain, pourtant, ce dimanche-là, Clément Charmasson ne jouait pas avec ses meilleures sensations. La nervosité inhérente à ce genre de situations n'était pas tant le problème que l'absence de sensations une fois le club au creux des mains. « À chaque fois que je me préparais à taper un coup, je ne sentais absolument pas le club, c'était très bizarre, s'étonne-t-il encore. Les échos que j'avais eus, c'est qu'on avait tendance à sentir le club plus lourd quand c'était comme ça, mais moi pas du tout. J'essayais de serrer le grip un peu plus fort pour avoir des sensations, mais ça ne donnait pas grand-chose. » 

La solution, dans ce cas, a consisté pour lui à faire confiance aux centaines d'heures passées à l'entraînement, à ajuster ses distances, à construire et entretenir sa mémoire musculaire. Un processus parfaitement exécuté sur le 18, où un coup de fer déposé à moins de 4 m du drapeau l'assurait du gain du tournoi en prenant deux putts. 

L'émotion jusqu'ici très bien contenue par le Français a alors jailli d'un seul coup, surtout lorsqu'il a entendu le cri de joie de son père Frédéric, au bord du parcours avec sa mère Isabelle. Deux parents venus en voisins depuis leur pied-à-terre en Espagne, et qui avaient choisi le bon jour pour venir voir jouer leur fils parmi les professionnels pour la première fois. « Ça m'a fait monter les larmes aux yeux, témoigne Clément Charmasson. J'en rigolais avec lui après, je lui disais : "Tu aurais pu attendre avant de crier, ça aurait été cool". » La joie de la victoire, il a ainsi pu la partager non seulement avec ses deux parents, mais également avec celui qui faisait office de deuxième star sur le green du 18 : le chien de la famille, Thor, qui était du voyage. « Il a pu parler un peu dans toutes les langues », sourit son jeune maître.

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Clément Charmasson dans les bras d'Antoine Bigot, son grand ami et caddie la semaine de sa victoire. © Aitor Alcalde / Getty Images - AFP

L'un des atouts de l'ancien étudiant de la University of Central Florida (UCF), dans une fin de partie soudain riche en émotions, a été son caddie Antoine Bigot. Ami avec Clément Charmasson depuis leurs plus jeunes années au Golf de La Ramée, bon joueur de golf lui-même (index négatif), il avait été sur son sac sur la plupart des tournois du Pro Golf Tour (PGT), l'an passé. Cette saison, même en ayant moins de temps disponible en menant parallèlement ses projets personnels, il avait promis à son copain de venir passer quelques semaines en tournoi avec lui. « Quand il est sur mon sac, j'ai l'impression de jouer une partie du dimanche, explique le joueur professionnel. Il me fait des blagues, il parle d'autre chose entre les coups, ça m'aide à me détacher de l'enjeu. »

Se détacher de l'enjeu. S'il y a bien un effort mental que Clément Charmasson a dû produire plus souvent qu'à son tour ces derniers mois, c'est celui-là. Y compris dans des situations où lui-même n'était pas en personne sur le terrain pour défendre ses chances. Retour début octobre 2024. Le dernier tournoi de la saison du Pro Golf Tour, circuit européen de troisième division, se termine, et le joueur occitan se classe 7e de l'ordre du mérite final. Un mois à peine après avoir échoué de peu à la première étape des Cartes européennes en Autriche, il se retrouve donc, à l'issue d'une saison à cinq tops 5 mais hélas sans victoire, deux places trop loin pour monter sur l'HotelPlanner Tour

Pour autant, ses espoirs de promotions n'étaient pas terminés. En effet, si deux membres du top 5 devant lui arrivaient à franchir le cut du quatrième tour à la finale des Cartes, la catégorie qu'ils avaient gagnée dans un premier temps lui reviendrait. Et de fait, deux joueurs ont réussi cette performance : le Franco-arménien Jean Bekirian et le Slovaque Tadeas Tetak... qui n'était autre que le coéquipier, colocataire et meilleur camarade de Clément Charmasson à UCF. « Il m’a envoyé un message à la fin des Cartes, en me disant que je pouvais lui offrir une bouteille de champagne », souligne le Toulousain qui, avant d'être délivré par ce verdict, avait vécu une journée éprouvante nerveusement. « J’avais accepté dans ma tête de repartir sur le PGT l’année prochaine, se souvient-il. Le jour du cut, j'actualisais les scores sans arrêt. C'est le pire, quand on n'a aucun contrôle sur ce qu'il se passe. »

Syndrome de l'imposteur

La promotion acquise, il a tout de même fallu lutter contre un obstacle beaucoup moins administratif mais autrement plus insidieux, après cette montée acquise loin du terrain : un lointain syndrome de l'imposteur. « C'est un peu la première chose qui m'est venue à l'esprit, confesse Clément Charmasson. J'ai eu un peu le contrecoup, je me demandais si je le méritais vraiment. » Des pensées négatives qu'il est parvenu à balayer, notamment en se remémorant des parties partagées avec Matthieu Pavon, David Ravetto ou Tom Vaillant, entre autres. « Quand j'ai joué avec eux, j'ai bien vu qu'en termes de golf pur, je n'étais pas à des années-lumière », indique-t-il. Confirmation au Championnat de France professionnel MCA, au Cabot Bordeaux une semaine avant sa victoire, où il accrochait une troisième place, aux côtés par exemple de Tom Vaillant, en ayant été par moments dans le sillage direct du vainqueur Ugo Coussaud, deux joueurs du DP World Tour.

Par conséquent, le joueur coaché par Karine Mathiot a réussi à évoluer lors de ses débuts sur la deuxième division en ne se mettant pas de limite. À l'en croire, cette mentalité est pour une bonne partie dans sa victoire. « Si on vise gros, on est moins surpris quand il arrive des beaux trucs », résume-t-il. L'actuel 10e de la Road to Mallorca garde le même objectif qu'en début d'année : terminer dans le top 20, pour accrocher un droit de jeu sur le DP World Tour en 2026. Tout ça pour un joueur passé à deux doigts de rester sur place il y a six mois. L'histoire est belle. Elle se poursuit...