À l'aube de l'édition 2018 de l'ANA Inspiration, Patricia Meunier-Lebouc revenait sur ce Majeur forcément cher à son cœur, qu'elle avait remporté en 2003 à l'époque où il s'appelait Kraft Nabisco Championship.

Patricia Meunier-Lebouc avec le trophée du Kraft Nabisco Championship. © D. R.

Il y a quinze ans presque jour pour jour, le 30 mars 2003, vous vous êtes imposée au Kraft Nabisco Championship. Quels souvenirs gardez-vous de cet exploit ?
Quinze ans déjà... (rires) Les souvenirs sont toujours aussi frais. D'autant plus qu'en ayant gagné ce tournoi, je suis réinvitée chaque année, donc j'assiste à des événements qui mettent ces souvenirs en lumière. Ça revient à grands pas à chaque fois que j'y retourne... Impossible d'oublier, surtout que rien n'a bougé ! L'autre jour, en marchant le long du green du 18, je suis passée devant les plaques indiquant les noms des gagnantes. On jouait en meilleure balle avec deux juniors, et en arrivant au 18 j'ai réalisé qu'on était deuxièmes à -9, derrière l'équipe de Liselotte Neumann. J'avais un putt de 6 ou 7 m droite-gauche, et je me suis tout à coup retrouvée vraiment dans l'ambiance du tournoi, avec le même genre de pression ! Et je suis passée au bord du trou... Même si c'est pour le fun et qu'il n'y a pas d'incidence sur la suite de nos vies respectives, on reste des compétitrices ! Donc on a failli gagner le tournoi par équipes. C'est un bonheur de retrouver cette ambiance chaque année.

Pour revenir à votre victoire, gardez-vous en mémoire le déroulement du dernier tour ?
Je me souviens de chaque coup ou presque ! Au 1 je fais le par, puis au 2 je rentre un petit lob de 20 m court du green pour faire eagle sur ce par 5. Au 3, sans doute à cause de l'adrénaline, j'enroule mon drive. Et malheureusement, il y a un hors-limites assez près du fairway à cet endroit-là, donc je fais double bogey. Mais ce qui était exceptionnel, c'est qu'à l'époque j'étais imperturbable. Ce n'était pas la fin du monde, et j'ai continué à faire mon truc. C'était juste un trou, un coup. J'étais au top de mon jeu techniquement et mentalement, j'étais vraiment dans un état d'esprit optimal, et même le fait de jouer avec Annika Sörenstam ne m'a perturbée. J'avais déjà eu pas mal d'occasions de jouer avec elle, et je n'étais pas impressionnée. J'avais construit de la confiance, et ça m'a permis de jouer ce dernier tour comme n'importe quel dernier tour de n'importe quel tournoi. Je jouais tellement bien que je savais que ça pouvait se faire, ou pas, mais dans tous les cas ce n'était pas un problème. Je ne pouvais pas influencer ce que faisaient les autres, mais je pouvais contrôler au maximum ce que je faisais. Ce moment-là semblait facile en comparaison de tout le travail fourni en amont, des moments de doute traversés. L'année 2003 a été fantastique puisque quelques mois plus tard j'étais en tête du British Open après trois tours. Je n'y ai pas cru le dernier jour tellement ça me semblait trop facile... Bien sûr il faut avoir le jeu, les qualités techniques, il faut développer tout ça car rien ne peut arriver si on n'a pas à un certain niveau, mais j'avais construit mon jeu auparavant, et là c'était pratiquement juste dans la tête que ça se jouait.

Patricia Meunier-Lebouc, sa caddie et son mari Antoine après leur saut dans le Poppie's Pond. © Scott Halleran / Getty Images

Vous avez joué en dernière partie en compagnie d'Annika Sörenstam, qui était à l'époque la meilleure joueuse du monde et visait le triplé dans l'épreuve. Avez-vous eu le sentiment de vous livrer un véritable duel toutes les deux ?
Plus la partie avançait, plus il devenait évident que ça se jouait entre elle et moi. Dans sa carrière, Annika n'a jamais rien vu autour d'elle, c'est-à-dire qu'elle était capable de bloquer complètement tout ce qui se passait autour pour se focaliser uniquement sur ce qu'elle avait à faire. C'était sa grande force de rester à 100 % dans sa bulle et d'avancer comme un rouleau compresseur. Et là, il se trouve qu'elle a été confrontée une résistance dont elle n'avait pas forcément l'habitude. On a vécu des moments dignes d'un match-play ce jour-là. Quand elle a pris la tête au 12, elle a montré une attitude très différente de l'ordinaire, en mettant le genou à terre, en levant le poing après son birdie, je suppose inconsciemment pour m'influencer. Mais ça m'a enlevé de la pression. Au trou suivant, c'est moi qui rentre 5 m en descente pour birdie, et elle rate 1,5 m pour le par. Derrière, sur le par 3, elle tape les pierres et revient en arrière : bogey, je prends deux coups d'avance. Donc la pression qu'elle avait pensé me mettre au 12 lui est revenue en pleine figure. C'était vraiment un face à face, et elle n'a pas réussi à m'influencer car j'étais très bien dans mes baskets. Sur le moment j'étais complètement en paix : j'acceptais le fait que je pouvais gagner – ça m'est venu à l'esprit au cours de la partie, évidemment – mais aussi que je pouvais ne pas gagner. J'étais dans l'acceptation de tout cela. J'avais développé la capacité à me mettre dans la zone, en accumulant de la confiance, en gagnant des tournois, j'avais énormément travaillé sur le plan mental, et à ce moment-là je me sentais indétrônable.

Cette victoire est d'autant plus remarquable que vous disputiez le Kraft Nabisco Championship pour la première fois de votre carrière...
Effectivement, je ne connaissais pas le parcours, mais j'ai pris ce tournoi comme n'importe quel autre. Je n'en ai pas fait trop : ce n'est pas parce que c'était un Majeur que j'allais jouer le parcours 50 fois avant. J'avais à l'époque une cadette pro, une Anglaise nommée Jo Berry, et mon mari Antoine Lebouc était à nos côtés puisqu'il m'entraînait. On a fait nos reconnaissances, on a mis en place une stratégie, et on l'a appliquée. On a fait les choses simplement et professionnellement. Après, c'est clair que le parcours me plaisait et qu'il correspondait bien à mon jeu. Dès le début je l'ai trouvé magnifique et stimulant, mais je n'étais pas la seule à l'apprécier non plus...

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