Désormais n° 1 amateur français, Bastien Amat s’apprête à entamer son dernier semestre à l’université du Nouveau-Mexique. Après une année 2023 où il a notamment disputé l’U.S. Open, il lorgne déjà du côté des pros, et se voit rester du même côté de l’Atlantique.

Bastien Amat (ici lors des Mondiaux amateurs par équipes en octobre) est actuellement le meilleur Français au classement mondial amateur. © Martin Dokoupil / Getty Images Europe - AFP

San Diego, ses plages, sa douceur de vivre, son climat sud-californien qui permet au mercure de franchir allègrement les 20°C fin novembre. Quel meilleur endroit pour venir apprécier la si typiquement américaine semaine de vacances de Thanksgiving ? Surtout lorsque, comme Bastien Amat, on a passé le plus clair de l’année à écumer du fairway, de l’air sec du Nouveau-Mexique à la touffeur d’Abou Dhabi, en passant par l’Estonie, le Colorado et même Waterloo. Au total, le Nordiste a joué pas moins de 22 tournois en 2023. Un nombre qui ne ferait déjà pas si mince pour un professionnel, mais qui commence à donner dans le roboratif pour un amateur qui doit suivre ses cours de fac à côté.

Les vacances sont donc (remarquez, c’est souvent le cas) tombées à point nommé. Elles ont également donné l’occasion à Bastien Amat de s’habituer encore un peu plus au calendrier et au rythme de vie américains. Car non seulement il prévoit d’y demeurer, mais mieux encore : il s’y plaît. « Je me sens bien aux États-Unis, j’ai l’impression que c’est ici que je dois être », campe celui qui a intégré l’université du Nouveau-Mexique en 2020, et qui s’apprête à y entamer son dernier semestre.

Leader au pied levé

En seulement quatre ans, le chemin parcouru est gigantesque. Et pas seulement en termes géographiques, pour celui qui est passé de la métropole lilloise au climat aride d’Albuquerque. Sans sélection en équipe de France chez les jeunes, catégorie dans laquelle il était loin de faire partie des plus en vue, Bastien Amat avait même été recruté par son université sans figurer au classement mondial amateur. Quatre ans plus tard, il est 81e et premier Français de ce même classement, multiple vainqueur de tournois universitaires, auteur d’apparitions sur le PGA Tour et en Majeur, et membre indiscutable de l’équipe de France messieurs.

Une position qui l’a mené à disputer, fin octobre, ses premiers Championnats du monde amateurs par équipes. Bilan : une quatrième place avec l’équipe de France, et une troisième place dans l’officieux mais très parlant classement individuel. La performance prend une ampleur supplémentaire si l’on considère qu’il lui a rapidement fallu s’adapter à l’air très chaud et humide de bord de mer régnant à Abou Dhabi, et qui est en réalité très différent des conditions qu’il est habitué à rencontrer au Nouveau-Mexique, où l’air est sec, et où l’altitude avoisine les 1500 m.

Surtout, il lui a fallu assumer un peu au pied levé un rôle de leader, dans une équipe de France amputée de Martin Couvra, parti avec célérité chez les professionnels à la suite de sa victoire sur le Challenge Tour. « C’était intéressant, car c’était la première fois que ça m’arrivait en équipe de France, relève-t-il. J’étais très content de pouvoir éventuellement apporter quelque chose à Hugo (Le Goff, 15 ans, le benjamin de l’équipe, NDLR), de montrer l’exemple s’il y en avait un à montrer. Mais en réalité il joue déjà très bien et il est très mature, donc il n’a pas vraiment eu besoin. »

En compagnie du n° 1 mondial

Avec Le Goff et le troisième larron Paul Beauvy, les Bleus ont donc décroché une 4e place finale. Si l’amertume, due au fait de terminer au pied d’un podium sur lequel elle s’est tenue du début à la fin, est bel et bien survenue au sein de l’équipe de France, son effet a été court. « On a vite vu qu’on avait quand même fait une performance meilleure que celle que l’on attendait de nous. Sur le papier, on était 13e ou 14e », constate Bastien Amat.

Lors des deux derniers tours de l’épreuve, il a pu jouer en compagnie de l’Américain Gordon Sargent, actuel n° 1 mondial amateur, et déjà assuré d’évoluer sur le PGA Tour grâce à ses performances en université. Certes, il a pu constater un écart au driving, où même en ayant une longueur au-dessus de la moyenne, il voyait le natif de l’Alabama une grosse vingtaine de mètres devant lui. « Mais dans le reste du jeu, certes c’est un bon joueur, mais je ne me suis pas dit qu’il y avait un écart énorme », précise Bastien Amat.

« L’U.S. Open, c’est incomparable »

La marge le séparant encore des meilleurs professionnels, il a justement pu la mesurer, principalement, à deux occasions : le Barracuda Championship, tournoi du PGA Tour pour lequel il s’était qualifié via une victoire universitaire fin 2022, et surtout, quelques semaines auparavant, l’U.S. Open, son premier Majeur, où il a fait partie des derniers conviés, quelques jours avant le coup d’envoi du tournoi. Un manque de préparation qui a sans doute un peu pesé dans le fait qu’il n’a pas pu franchir le cut, avec un total de +6 sur les deux premiers tours.

« L’U.S. Open, c’est incomparable. J’ai ressenti que, parmi les joueurs présents, il y avait encore plus de sérieux que ce que j’avais vu avant, et un peu plus de régularité dans l’ensemble du jeu, analyse-t-il. C’est ce qui fait qu’ils peuvent scorer toutes les semaines. Mais je ne me suis absolument pas dit que dans cet U.S. Open, j’avais zéro chance d’être dans le top 100. J’ai très bien joué, et d’ailleurs, au driving, j’étais dans le top 25 ou top 30 du champ, sur le jeu de fers dans le top 60 je crois… bref, j’avais ma place. Sauf sur le putting, où j’étais dernier ou avant-dernier. »

Surtout, il s’est attaqué de front à toutes les vicissitudes de la vie de joueur sur un gros tournoi du PGA Tour, où il n’avait encore jamais évolué. Des choses aussi futiles que le fait de ne pas prendre une voiture de location soi-même car l’organisation s’est déjà occupée de tout font vite perdre quelques heures précieuses dans une semaine intense. « Ce sont de bons problèmes à avoir, mais quand c’est la première fois, c’est dur à gérer », constate Bastien Amat.

Plus d’appétit au Barracuda

Un mois plus tard, au Barracuda Championship, la configuration était bien plus favorable. Non seulement le tournoi était plus modeste, car organisé en même temps que l’Open britannique, mais en plus, le Nordiste, sûr de sa participation depuis des mois, avait pu s’organiser beaucoup mieux. Le résultat n’a pas dénoté, avec son premier cut franchi en carrière sur le PGA Tour, et une 64e place finale. « Je n’ai pas sorti mon meilleur jeu, j’ai cumulé cinq ou six coups de pénalité sur tout le tournoi, souligne Bastien Amat. Et malgré tout ça, j’ai passé le cut. Donc je peux jouer plus haut. Il faut juste que je trouve plus de régularité. »

Se sentir à l’aise sur le PGA Tour est une bonne nouvelle car, à terme, il représente l’étape finale du chemin qu’il s’apprête à emprunter. L’un des moyens d’y arriver serait par le PGA Tour University, un système mis en place par le circuit américain pour permettre aux meilleurs joueurs des facs américaines de grimper directement sur le grand circuit. Le Suédois Ludvig Åberg, joueur de Ryder Cup et vainqueur sur le PGA Tour et le DP World Tour, tout ça dans ses six premiers mois de carrière professionnelle, en a notamment bénéficié pour amorcer sa trajectoire météoritique.

Mais si Bastien Amat garde un œil sur ce classement, dont il occupe à l’heure actuelle la 52e place, c’est avec une certaine distance. En effet, pour faire partie des bénéficiaires, il doit grimper dans le top 20, d’ici au Championnat national NCAA, fin mai. Et encore, les places 11 à 20 n’ouvrent les portes que pour le PGA Tour Americas, soit la troisième division. Une tâche compliquée, d’autant que sa performance aux Mondiaux par équipes n’aura pas de poids, le système ne prenant en compte que les tournois universitaires. Sa victoire, la semaine précédent Abou Dhabi, à l’Alister Mackenzie Invitational, l’a certes bien replacé, mais à moins de plusieurs autres performances significatives dans les prochains mois, il faudra compter sur une autre voie.

Des qualifications à domicile

Justement, au début du printemps, Bastien Amat va avoir l’occasion de disputer, à domicile qui plus est, la Q-School du PGA Tour Americas. Cette dernière entité est née de la fusion du PGA Tour Latinoamérica et du PGA Tour Canada. Certes, les deux circuits n’en forment plus qu’un, mais la saison reste divisée entre le Latin America Swing, de mars à mai, et le North America Swing, de juin à septembre. La Q-School qui concerne le Nordiste est disputée entre les deux, et qualifie ses meilleurs joueurs pour la seconde partie de saison, en Amérique du Nord, avec une seule étape sur six parcours en simultané. Là, les opportunités sont plus nombreuses, avec des droits de jeu pleins pour chaque joueur terminant aux places 1 à 9 de l’un des six tournois, et des droits partiels pour les places 10 à 25.

« Si je passe, pendant l’été, le North America Swing démarre, illustre Bastien Amat, qui deviendrait sans doute professionnel à ce moment-là. On ne sait jamais, si ça se passe très bien pendant l’été, je peux aller directement sur le Korn Ferry Tour (la deuxième division du PGA Tour, NDLR). Et si ça ne se passe pas comme ça, comme j’ai participé à l’U.S. Open cette année, je suis exempté de la première étape de la Q-School pour aller sur le Korn Ferry Tour, en octobre. »

Le conseil de Perez : rester aux États-Unis

Et puis surtout, même avec un statut partiel, il obtiendrait une chose fondamentale : la prolongation, pour plusieurs années, de son visa outre-Atlantique. Car quel que soit le scénario, il tient à suivre la voie américaine. D’ailleurs, les échanges qu’il a pu avoir lors de l’U.S. Open avec Victor Perez, le n° 1 français professionnel, l’en ont convaincu. « Il m’a dit que lui, il avait fait l’erreur de rentrer en France un peu trop tôt après l’université, livre Bastien Amat. Il m’a conseillé de rester ici le plus longtemps possible, car c’est beaucoup plus facile que de partir et de revenir ensuite, avec les visas et tout ça. »

D’autant que, si l’on fait le calcul, le Korn Ferry Tour est dans les mêmes ordres de grandeur que le DP World Tour en termes de dotations, tout en offrant plus de tickets pour le PGA Tour en fin de saison (30 contre 10). Tels sont ses plans pour le futur. Et comme il le dit lui-même : « On verra bien comment ça se passe ».