On poursuit la série sur les vainqueurs français du British Amateur avec aujourd’hui un saut vers l’année 2006 et le triomphe de Julien Guerrier. Alors âgé de 20 ans, le natif d'Évreux s’était offert le plus beau des titres amateur et deux tickets pour des Majeurs.

Julien Guerrier en 2006, l'année de son sacre au British Amateur. © Getty Images

Julien Guerrier a écrit en 2006 l’une des plus belles pages du golf tricolore. Une page dans le livre du palmarès amateur français qui était restée blanche et vierge pendant 25 années. En effet la première victoire made in France dans ce prestigieux British Amateur remontait à 1981 et le sacre de Philippe Ploujoux à Saint-Andrews. Il y a 14 ans, Julien Guerrier devenait donc le deuxième Bleu a décrocher ce titre sur le tracé du Royal Saint-George’s en l’emportant, au terme d’un tournoi marathon, 4&3 face à l’Anglais Adam Gee.

Au bout de l’effort, la consécration

 Je me souviens que lors de mes interviews à l’époque, je disais souvent que j’étais assez fatigué et quand je suis fatigué je commence à être bon donc cette semaine c’était parfait. » Alors c’est donc ça ? La fatigue serait la clé du succès ? En tout cas, pour Julien Guerrier, elle ne l’avait pas empêché de venir à bout d’un tournoi épuisant. Deux tours de stroke play d’abord pour se qualifier puis sept matchs dont une finale sur 36 trous. Autant dire que ce n’est pas à la portée de tout le monde.

En 2006, Julien a maîtrisé. Cette semaine semblait être faite pour lui et il attribue aussi son succès à ses entraînements dans le vent sur son golf d’attache de La Rochelle. Qualifié sans trop de problème au terme des deux tours en stroke play (76 et 72), il se débarrasse ensuite avec aisance de ses quatre premiers adversaires. Le première frayeur intervient en quart de final, face à Matteo Del Podio, mais il s’impose finalement au 19e trou et poursuit son aventure.

Sa demi-finale est une formalité, il l’emporte 3&2 et file donc vers un dernier round de 36 trous face à l’Anglais Adam Gee, sous les yeux de quelques spectateurs passionnés : « En finale, j’étais 2up au départ du 9, je me fait surprendre et je perds deux trous pour passer square. Je me reprends bien de suite puisque je gagne deux trous d’affilée et je gagne aussi le treize avec un bon par. Je contrôlais plutôt bien la situation et surtout je puttais vraiment bien ce jour là. On partage le 14 au birdie puis je conclus le match sur le quinze avec grande satisfaction et un énorme soulagement. »

4&3 score final, le joueur tricolore gagne et ramène sur les terres de l’Hexagone un trophée si spécial remporté par de grands noms. Sergio Garcia avant lui l’avait soulevé et graver son nom à côté représente un réel exploit pour le jeune golfeur français. Lors de cette finale, Christophe Muniesa (DTN ffgolf) avait supporté Julien, il avait à l’époque salué son petit jeu et déclaré ceci : « C'est un évènement historique, le mérite revenant avant tout au joueur mais c'est en même temps très encourageant pour tout ce qui est mis en œuvre pour le haut niveau, pour les Pôles et le coaching. »

Cette belle victoire en avait donc touché plus d’un, à commencer par le principal concerné qui considère avoir vécu quelque chose que peu de golfeurs vivent. Mais l'émotion de Philippe Ploujoux, Président de la Commission Sportive Nationale à cette époque mais aussi, vainqueur du British Amateur en 1981, et jusqu'à ce jour de juin 2006 seul Français au palmarès, était vraiment spéciale : « Dire que j'ai été contraint de vivre cela à distance, bloqué en France pour un bête problème de passeport. J'avais eu Maïtena Alsuguren (DTN Adjointe) en ligne pour pouvoir suivre quasiment coup par coup, et quand la victoire est tombée, je ne pouvais plus dire un mot, j’ai versée ma larme. »

Pour moi c’est ma plus belle victoire. C’est le plus emblématique des tournois amateur et c’est celui qui a la plus grande histoire. Il y a tant de choses derrière ce trophée.

Une piqûre d’expérience instantanée

Qui dit victoire du British Amateur dit aussi tickets pour les deux plus grands Majeurs du golf. Cette réussite a offert à Julien de l’expérience, de la reconnaissance et le droit de fouler les fairways de The Open, au Royal Liverpool, quelques semaines après et ceux de l’Augusta National au Masters l’année suivante.

C’est le genre de moment que l’on oublie pas et à l’occasion du véritable British Open 2006, Julien Guerrier se souvient d’un instant grisant et intimidant aux côtés des plus grands : « Je me rappelle que je devais choisir ma partie de reconnaissance, choisir avec qui je voulais jouer et il suffisait simplement de mettre ton nom sur un tableau. Et j’avais choisi de jouer avec Miguel Ángel Jiménez (ESP) et José Mariá Olazábal (ESP). Je me suis dit que j’allais apprendre pleins de trucs, que parler avec eux serait plus simple mais Olazábal ne m’a dit bonjour qu’à partir du trou numéro 2. C’est là que je me suis rendu compte que ce n’était pas n’importe quoi et que les gars n'étaient pas là pour déconner. »

Julien Guerrier a beaucoup appris, peut-être plus en une semaine au contact des grands qu’en plusieurs sur un tapis de practice. C’est aussi ça qui fait de cette victoire amateur un triomphe différent des autres. Le plaisir fut énorme pour lui et le challenge délicat : « J’avais joué avec Adam Scott et il m’avait dit que mon grand jeu était bon sauf que j’avais fait 36 putts alors que lui 25 et il était en haut du leaderboard. De ma vie, encore aujourd’hui, je n’avais jamais vu un jeu de fer aussi précis que le sien. C’était incroyable ! »

J'ai dit un jour à Raphaël Jacquelin que j'aimerais bien avoir sa carrière, lui m'a dit qu'il m'enviait d'avoir joué le Masters. J'espère le rejouer un jour.

Malheureusement il n’avait pas franchi le cut mais l’essentiel était ailleurs. L’histoire s’était d’ailleurs répétée l’année suivante lors de sa participation au Masters. Julien était alors en plein changement dans sa carrière. Il avait un nouveau coach en la personne d’Olivier Léglise. Un nouveau statut, parfois difficile à gérer et un passage pro en approche. Mais qu’importe c’est le graal du golf mondial qui l’attendait et il fut surpris d’entrée : « Ce parcours merveilleux est coincé au milieu de centres commerciaux. Après avoir franchi l'entrée, on entre dans le paradis golfique avec la fameuse allée de Magnolia Lane », se remémore Julien. « On sentait ici qu'il y avait une âme. Le côté vallonné du parcours était impressionnant. On ne l'imagine pas du tout comme cela quand on le voit à la télé ».

Il eut l'honneur de jouer notamment avec le légendaire Gary Player, triple vainqueur en 1961, 1974 et 1978. Ce dernier, âgé de 71 ans, avait terminé devant le Français au classement final. Guerrier, désarmé, avait rendu une carte de 83 (+11) le jeudi, et de 81 (+9) le vendredi, soit +20 : « Je n'avais pas eu l'impression d'avoir si mal joué pourtant. Avec Gary Player, on avait 50 ans d'écart et 50 Masters d'écart. J'avais pris une sacrée claque sur le 1. J’avais joué un drive parfait, coup de fer parfait mais au mauvais endroit. J’avais pris double bogey car j'avais un chip quasi impossible. Lui avait fait deux coups de bois, s'était retrouvé à 40 mètres et avait fait chip putt et le par. On avait fait le même score au premier tour et il m'avait battu sur le deuxième ».

Une autre semaine hors du temps à ajouter à la carrière et aux souvenirs de Julien. Sa victoire au British Amateur lui a tant fait gagner et ces deux tournois monstrueux l’ont tant fait grandir. Aujourd’hui pensionnaire du Tour Européen, il se sert de tout ça pour espérer revivre l’aventure. Une aventure qui fait encore aujourd’hui quelques jaloux : « J'ai dit un jour à Raphaël Jacquelin que j'aimerais bien avoir sa carrière, lui m'a dit qu'il m'enviait d'avoir joué le Masters. J'espère le rejouer un jour. »