Grâce à la Fédération française de golf (FFG) qui lui a octroyé une exemption médicale lui permettant d’être au départ ce mercredi du Championnat de France puis de deux étapes françaises sur le Challenge Tour, Cyril Bouniol reprend quelque peu espoir. En proie à de très sérieux problèmes de santé, l’année 2021 a en effet bien failli lui être fatale. Récit.  

Cyril Bouniol revient en France cette semaine en tant que golfeur pro depuis l'Open de France 2019 au Golf National. © Ed Zurga / Getty Images North America - AFP

Il a posé le pied en France le mercredi 8 juin. En pleine « action sociale » dans les aéroports parisiens. Bienvenue au pays ! Cyril Bouniol a pour l’occasion retiré la dernière étiquette de transport aérien accrochée à son sac de golf et qui datait du mois d’août… 2021.   

Le Français, âgé de 34 ans et installé depuis plusieurs années à Willow Park (Texas), prend le départ ce mercredi du Championnat de France programmé jusqu’à samedi au golf du Médoc. Il enchaînera la semaine suivante à Pléneuf-Val-André (22) pour le Blot Open de Bretagne avant de conclure son retour en terre natale au Vaudreuil (7-10 juillet). Deux étapes françaises du Challenge Tour

« La Fédération française de golf m’a octroyé une exemption médicale, c’est pour cela que j’ai pu entrer sur ces trois tournois, explique le Tarbais. J’ai quitté le Challenge Tour en 2016. J’ai fait un passage éclair en 2019 pour jouer l’Open de France au Golf National après mon top 5 au PGA Tour China. Au Médoc, je vais partager la chambre avec Édouard Dubois. Cela va faire du bien de revoir les copains… » 

Des mains qui tremblent, des sautes d'humeurs, des insomnies...

Ses retrouvailles heureuses auraient pu ne jamais avoir lieu. L’ancien étudiant d’Abilene Christian University a en effet connu de très sérieux soucis de santé qui ont débutés durant le premier semestre 2021. Il était alors membre du Korn Ferry Tour, l’antichambre du PGA Tour. « Le Tour nous mettait un peu la pression pour que l’on se fasse vacciner contre le Covid. J’ai eu ma première dose fin février. Pour la deuxième, j’ai dû attendre 4 à 5 semaines… Si je n’avais rien ressenti pour la première, si ce n’est un peu mal au bras, pour la seconde, en revanche, j’ai eu une montée de fièvre pendant deux jours. Et c’est à partir de là que ça a commencé à ne plus aller… » 

Des mains qui tremblent au putting sans la moindre explication, des sautes d’humeurs, des insomnies de plus en plus fréquentes. Bref, des sensations qu’il n’avait jamais rencontrées auparavant. On lui rétorque alors que ce ne sont que des crises d’angoisses, celles que peuvent rencontrées les golfeurs professionnels durant leur carrière… 

« J’ai connu des périodes où j’étais endetté jusqu’au cou, avec une grosse pression, et je ne me suis jamais senti comme ça, tempère-t-il. Non, vraiment, je sentais qu’il se passait quelque chose d’anormal. Et au fil des semaines, cela a empiré. »

Au Trackman, j’étais à peine à 100 miles à l’heure (160 km/h). Je n’avais plus aucune force. La nuit, je ne dormais plus !

Au tournant des mois de juin et juillet, il dispute une épreuve du PGA Tour Latinoamérica. Au Mexique. Il fait très chaud. Au bout de six trous seulement, impossible de poursuivre une marche normale. Des douleurs dans les muscles. Affreuses. Accompagnées là encore de tremblements, aux mains surtout. Quelques semaines plus tard, sur son dernier tournoi disputé sur le Korn Ferry Tour, il n’en peut plus… 

« Là, j’ai regardé mon caddie et je lui ai dit : "Je suis désolé, je n’arrive plus à marcher." J’avais l’impression de swinguer à 200 % alors que je tapais deux clubs plus courts. Au Trackman, j’étais à peine à 100 miles à l’heure (160 km/h). Je n’avais plus aucune force. La nuit, je ne dormais plus ! »

Des pulsations cardiaques au repos de 170-175

En raison de la pandémie, Cyril Bouniol n’avait pas encore présenté à ses parents son fils, Luka, aujourd’hui âgé de 2 ans. Il décide de rentrer en France. Mais rien ne se passe là encore comme prévu. 

« J’avais au repos des pulsations cardiaques à 170-175, souligne-t-il. J’avais l’impression que j’avais la maladie de Parkinson. Je disais à ma femme : "Je vais avoir une crise cardiaque." Le voyage a donc été ultra difficile. Je n’arrivais pas à tenir debout, je n’arrivais plus à porter mon fils… Quand je suis arrivé en France, j’ai filé aux urgences à Bayonne. Ils m’ont diagnostiqué une maladie du système immunodéficient… Cela a eu des répercussions sur ma thyroïde. Elle est responsable de nombreuses relations hormonales avec l’hypophyse. C’est pour cela que je n’arrivais pas à me concentrer, à avoir ces sautes d’humeurs, ces insomnies… Cela avait attaqué à la fois le cœur et le cerveau. Pourtant, quand on regarde mon histoire dans la dernière année, je n’ai pas eu de choc émotionnel qui aurait pu déclencher une anomalie sur mon système immunitaire. À part ce vaccin... »

À l’hôpital, on m’a fait une batterie de tests, sur plus de 50 substances différentes. Car on pensait que je me droguais, que je le cachais à tout le monde…

Le pire est encore à venir. Sous traitement, il quitte les urgences au bout de quatre jours mais commence à perdre toutes ses capacités motrices. Il n’arrive plus à prononcer le moindre mot. Retour aux urgences, à Tarbes cette fois, où il tombe dans le coma durant un peu moins d’une semaine. 

« J’ai fait une thyrotoxicose, une sorte de délire, reprend-il. Je ne contrôlais plus rien de mon corps. De cette période, je ne me souviens de rien. À l’hôpital, on m’a fait une batterie de tests, sur plus de 50 substances différentes. Car on pensait que je me droguais, que je le cachais à tout le monde… En fait, on n’arrivait pas à expliquer ce que j’avais. Je suis resté là-bas une dizaine de jours. Évidemment, je ne pouvais pas reprendre l’avion. Ils voulaient que je reste trois mois au moins mais au bout de quatre semaines, ma femme est venue récupérer mon fils et m’a finalement aidé à voyager. C’était début octobre. »

Un taux de mortalité de presque 70 %

Par miracle, sa santé se stabilise quelque peu. Les médecins ont commencé à réguler sa thyroïde à partir d’avril dernier. Mais son calvaire se poursuit quotidiennement. Pendant trois nuits et quatre jours, il ne parvient ainsi pas à dormir. Malgré les somnifères. 

« Je suis apparemment un cas extrême, analyse-t-il. On m’a demandé de signer des documents pour qu’on étudie mon cas. L’hyperthyroïdie chez l’homme est un cas très rare. Il y a un taux de mortalité de presque de 70 % quand tu fais une thyrotoxicose. Le fait que je m’en sois sorti, c’est déjà pas mal, mais surtout avec très peu de séquelles… Même si j’ai toujours un rythme cardiaque à 100-110 au repos. »

Entre novembre et décembre 2021, j’avais perdu 20 kilos. Tout en mangeant normalement, c’est ça qui est dingue.

« J’ai une prise de sang tous les mois à effectuer. Le médicament est assez nocif pour le foie. On vérifie donc que mes hormones thyroïdiennes soient bonnes. J’aurais dû avoir des radiations pour brûler ma thyroïde mais le souci, c’est que je n’aurais pas pu être en contact avec mon fils pendant un mois, étant radioactif. On a écarté cette option et il reste l’opération, c’est-à-dire l’ablation de la thyroïde. Mais cela veut dire être sous hormones le reste de sa vie. J’attends la fin de l’année pour voir si on fait l’opération… » 

Dans ce véritable chemin de croix, une lueur d’espoir apparait. Malgré tout. Depuis le mois de mars, Cyril Bouniol peut en effet reprendre le sport. Doucement. Du vélo, trois à quatre fois par semaine pendant 30 minutes. Quelques exercices de squats également. Mais sans poids. 

« Je me fatiguais très vite, souffle-t-il. J’ai aussi recommencé à refaire neuf trous, en marchant. Mais de façon ultra light. Entre novembre et décembre 2021, j’avais perdu 20 kilos. Tout en mangeant normalement, c’est ça qui est dingue. Mais en stabilisant ma thyroïde, j’ai repris en trois mois et demi quasiment 15 kilos… »

Pas d'exemption médicale sur le Korn Ferry Tour

Il retrouve aussi le chemin de la compétition. Deux mini-tours en mars aux États-Unis (sur deux tours), en voiturette, mais avec encore quelques difficultés à finir… « J’en ai fait un autre, qui a été réduit à deux tours à cause des orages, et j’ai fini 11e. J’ai fait des scores corrects en n’étant pas du tout à 100 %. » 

Sans la moindre exemption médicale sur le Korn Ferry Tour - « elle a été refusée, car j’avais soi-disant joué trop de tournois, explique-t-il. Le problème, c’est que j’ai continué à jouer en me sentant mal, tout en faisant une prise de sang sans tester ma thyroïde. Mes résultats sanguins étaient normaux avec une ou deux carences mais c’était un test peu poussé. Je continuais à jouer avec un médecin qui me disait que c’était juste de l’anxiété… » - il se tourne vers la Fédération française de golf. D’où sa présence en France pour les quatre prochaines semaines…  

Ces deux dernières années, il m’est arrivé deux choses importantes. La naissance de mon fils et cette maladie qui s’est déclarée et où j’ai failli y rester.

« Je me suis dit que ce serait un bon test, un bon moyen de voir comment mon corps réagit et comment je réagis mentalement… Le golf pro c’est très difficile quand on est à 100 %, alors quand on ne l’est pas, c’est encore plus compliqué. » 

Il n’a donc pas encore abdiqué. Loin de là. Les PQ1 des cartes du Korn Ferry Tour 2023 débutent en septembre. Et il envisage d’y participer. Malgré les 6000 dollars d’inscription…

« Je ne vais pas juste les faire pour les faire, conclut-il. Si je sens que je peux être compétitif et décrocher ma carte, bien sûr que je serai dedans à 100 %. Mais si je sens que j’ai du mal à finir quatre tours, il n’y a pas de place pour la médiocrité. Ma présence en France est un moyen de relancer la machine et continuer ensuite aux USA en juillet avec des States Open, des mini-tours et essayer d’arriver en septembre avec sept-huit tournois sous la ceinture et voir si je me sens capable. Mais pour la première fois de ma vie, c’est aussi là que j’ai pris conscience que si mes rêves en golf ne se réalisent pas, ce n’est pas si grave que ça. Ces deux dernières années, il m’est arrivé deux choses importantes. La naissance de mon fils et cette maladie qui s’est déclarée et où j’ai failli y rester. »