Invité par le Tour européen, Thomas Levet prend part cette semaine à son 29e Open de France ! À 54 ans, le vainqueur de l'édition 2011 retrouve ce tournoi cher à son cœur avec bonheur, et ambition.

Thomas Levet et son caddie, Marcel Manieteka, sont au départ du Cazoo Open de France ! © Phil Inglis / Getty Images Europe - AFP

Dans quel état d'esprit êtes-vous avant de disputer votre 29e Open de France ?
C'est sympa, d'autant que je profite cette année du fait d'être compétitif, ce qui n'était pas forcément le cas depuis ma dernière participation en 2015. Il y a eu des années, après que j'ai quitté le Tour, où je ne l'étais pas du tout, donc ça ne servait à rien de vouloir revenir. Là, je sens que je peux faire quelque chose. En plus je crois que ça tombe bien cette année car le parcours est au plus facile : il n'y a quasiment pas de rough, c'est assez mou donc on va pouvoir tenir la balle, et puis ce n'est pas trop long. Je tape encore la balle largement assez loin pour me frotter à ces trous-là. J'ai joué la reco avec Matthieu Pavon qui fait partie des longs frappeurs du circuit, et j'étais là, juste 15 m derrière lui, donc j'étais content (rires) ! Donc on verra bien, c'est peut-être la dernière fois que je joue ce tournoi, mais si je passe le cut je demanderai peut-être une invitation l'an prochain !

Comment avez-vous obtenu votre place dans le champ ?
Quand j'ai gagné le Legends Open de France l'an dernier, il y a beaucoup de gens qui m'ont fait remarquer que le vainqueur de l'open britannique ou américain senior jouait le tournoi normal qui suivait, donc ça m'a poussé à demander une invitation. Et puis j'ai quand même gagné ici il y a quelques années. Et je pense aussi que les gens du circuit ont vu qu'en étant 2e du Legends Tour l'an dernier, je savais encore jouer au golf. Donc même si cette saison je ne score pas très bien, c'était le bon moment pour demander une invitation.

Quelles sont vos ambitions cette semaine ?
J'ai envie de très bien faire, de passer le cut au minimum. C'est un parcours où au niveau puissance je ne suis pas largué du tout, et je sais que si je putte bien je peux toujours être dangereux. C'est aussi un parcours que je connais bien depuis le temps, sur lequel j'ai aussi de bons souvenirs, donc ça fait beaucoup de choses qui font que je me sens bien. Après on ne sait jamais, en golf à mon âge on peut se réveiller le matin et ne pas arriver à bouger, ou se faire une blessure à la noix qui peut gêner, mais je suis en bonne forme en ce moment, donc ça devrait bien se passer.

Je suis autant capable de faire deux 65 et me retrouver en tête après deux tours que faire deux 80 et louper le cut de quinze coups.

Quels souvenirs gardez-vous de votre tout premier Open de France, en 1986 ?
C'était chez moi à la Boulie, j'avais joué en tant que meilleur joueur du club et membre des équipes de France. C'était assez drôle car le practice là-bas est tout petit, et je m'y suis retrouvé avec les Faldo, Langer, Ballesteros, Woosnam et autres Lyle, des gens que je ne voyais qu'à la télé. Le practice était plein et je n'osais pas dire à Faldo de bouger un peu pour me laisser m'entraîner (rires), donc j'étais aller taper des balles à côté, sur le parcours de la Forêt, et j'avais joué le tournoi tant bien que mal. À l'époque c'était pas évident, j'étais très jeune et c'était mon tout premier tournoi pro, mais c'était une bonne expérience, ça m'avait mis dans le bain. Ça m'avait fait réaliser ce qu'est réellement la pression, sur un parcours que je connaissais pourtant par cœur.

En tant que joueur français, l'Open est forcément particulier. À quel point ?
C'est un tournoi très compliqué pour les Français. Il y a beaucoup de demandes de la presse, des sponsors, des amis, on te sollicite sans arrêt. C'est mouvementé pour les joueurs français, qui veulent faire très bien devant leur public, mais c'est une expérience à vivre. J'ai eu la chance de la vivre très jeune et je crois que c'est vraiment ce qu'il faut faire quand on le peut : commencer le plus tôt possible. Cette semaine je vais jouer avec des gamins, qui seront certainement moins fatigués que moi après 72 trous, mais en golf on ne sait jamais ce qui peut arriver : je suis autant capable de faire deux 65 et me retrouver en tête après deux tours que faire deux 80 et louper le cut de quinze coups. Tout peut arriver, et c'est ça qui est dingue en golf. On a vu des joueurs âgés faire des performances extraordinaires dans des grands tournois. Je le prends presque comme un Majeur, en me disant qu'il va falloir sortir un très bon niveau de jeu, car les gamins qui sont là cette semaine ne vont pas m'attendre !

À vous comme à beaucoup d'autres, l'Albatros a donné du fil à retordre. À quel point ce parcours est-il difficile ?
C'est un parcours auquel mon jeu se prête bien, mais qui demande d'être vraiment dur au mal. J'ai fait deux ou trois tournois pas trop mauvais ici, mais toujours en étant dans le dur, car on ne peut jamais jouer totalement libéré sur ce tracé. Il y a des obstacles d'eau en jeu à certains endroits, et même si ça semble plus facile cette année que par le passé, et même si je pense que les scores vont être très bas, il faudra comme toujours sortir du très bon jeu pour être dans le coup.

L'un des moments forts de votre carrière est évidemment votre victoire ici en 2011. Onze ans plus tard, l'émotion est-elle toujours aussi forte en y repensant ?
J'ai revécu un peu ma victoire quand Tiger Woods a regagné le Masters en 2019 : il avait 43 ans, comme moi ; et c'était la première fois que ses enfants le voyaient gagner de leurs propres yeux, comme les miens. Je me rappelle que ma fille était là et qu'elle m'avait serré dans ses bras... C'était énorme ! Mes enfants ne m'avaient vu qu'à la télé ou dans les journaux, et là j'avais gagné sous leurs yeux et ils avaient gueulé comme des tarés... Mais j'ai d'autres souvenirs forts de ce tournoi, comme une année où je m'étais cassé le petit doigt en sortant d'un rough : j'avais fait un coup de 10 m seulement, j'avais mis la balle sur le green, les gens avaient applaudi, mais en tapant mon coup je m'étais retourné le petit doigt. Mon père était là, il me l'avait remis en place, et mon fils qui était là aussi m'avait dit « allez papa, accroche-toi ». J'avais réussi à passer le cut et forcément j'avais très mal joué le week-end, mais j'avais passé ce cut grâce à eux et ça reste un souvenir incroyable. J'espère m'en faire d'autres cette semaine : j'ai des amis qui vont venir me voir, et puis des gens de mon club qui est juste à côté d'ici – même si les fans de la Boulie sont plutôt passés sur Antoine Rozner maintenant (rires) !

C'est enfin un tournoi que vous allez partager avec Marcel Manieteka, votre caddie et ami de longue date...
Avec Marcel on se connaît depuis 40 ans, il m'a caddeyé plusieurs fois sur ce tournoi, et il me caddeye à plein temps depuis que je suis sur le circuit senior. Il a même joué l'Open de France une année (en 2005, ndlr), il s'était qualifié mais je crois qu'ensuite il avait joué 1000 et 1000 (rires) ! On a gagné des tournois ensemble, on passe pas mal de temps tous les deux sur le circuit senior, donc c'est chouette de partager encore une belle semaine avec lui. Le moral est bon, les sensations sont bonnes, il ne reste plus qu'à scorer maintenant !