Quinze minutes, c'est court. Et pourtant dans ce laps de temps, Matthieu Pavon a eu le temps de revenir en détails sur un début de saison plein de nuances et sur un U.S. Open qu'il aborde pour la cinquième fois cette semaine.

Matthieu Pavon dispute cette semaine à Oakmont son 5e U.S. Open en carrière. © Andy Lyons / Getty Images via AFP

À quelques jours de ce cinquième U.S. Open pour vous, est-ce que l’excitation est la même que les premières fois ?
Plus je joue d’U.S. Open, plus je prends ce tournoi comme une date normale. En fait, ça fait deux ans que je participe aux tournois les plus relevés au monde donc je commence à avoir l’habitude de faire face à la difficulté - ce qui est presque dommage puisque lors de mes premiers Majeurs, j’étais excité par la découverte de l’organisation, du public, de l’ambiance. Et maintenant que j’en ai joué plusieurs, j’ai davantage l’impression d’aller sur un tournoi régulier du PGA Tour plus que de jouer quelque chose de spécial. Si je le compare à un événement comme celui du Memorial deux semaines plus tôt, je n’ai pas plus d’excitation. Bien sûr, j'ai hâte d'y être parce que je vais aussi découvrir un nouveau parcours mais l’excitation est la même.

Justement, l’Oakmont Country Club accueille son dixième U.S. Open. Comment pensez-vous classer cette expérience parmi toutes celle que vous avez vécues ?
L’année à Shinnecock Hills était vraiment incroyable en termes de parcours. Derrière… (il réfléchit), Pinehurst et Pebble Beach sont dans le top 3 tandis que l’édition au Los Angeles Country Club ne m’avait pas particulièrement plu. Pour cette année, même si je ne connais pas le parcours, je n’ai pas trop de doute sur le fait que le tracé arrivera dans le top 3 lui aussi. De ce que j’en ai entendu, c’est un des parcours les plus durs du pays, rien que le fait d’avoir accueilli dix éditions de l’U.S. Open parle de lui-même. D’ailleurs, je crois que lors de la plus récente, le cut était à +10…

Ce qui amène à la question de la préparation légendaire des parcours hôtes d’un U.S. Open. Est-ce qu’elle n’est pas trop exagérée parfois ?
Ce qui peut être « un peu trop », et parfois dommageable dans le golf de manière générale, est la hauteur des roughs. Selon moi, l’une des choses intéressante dans ce sport est la possibilité d’avoir toujours un deuxième coup pour aller vers le green. Mais lorsque cette option n’existe plus et que la seule possibilité est de devoir se recentrer péniblement, ça n’a plus de sens. L’an dernier à Pinehurst, c’est justement parce qu’il y avait toujours une option pour se rapprocher du green que je n’ai pas mal joué (il a terminé 5e, ndlr). Et toute la difficulté résidait dans le fait de laisser la balle dans la bonne zone du green pour pouvoir sauver le par ensuite. C’est ce type de parcours que j’apprécie particulièrement.

Pour cette année, le trou n° 8, un par 3 de 290 yards (260 mètres) fait beaucoup parler. Vous avez un avis sur le sujet ?
Je trouve que c’est un peu too much (sic) parce qu’un bon par 3 n’a pas besoin d’être long. Les meilleurs ne le sont pas d’ailleurs. Si on prend en exemple le trou n° 8 du Royal Troon (qui avait accueilli The Open 2024), le Postage Stamp, il y a simplement besoin d’un wedge pour le jouer et pourtant il est diabolique. Même chose avec le trou n° 12 lors du Memorial la semaine dernière : on a un fer 8 ou fer 7 dans les mains et pourtant il y a eu énormément de bogeys enregistrés, ou pire. D’autant plus que j’ai vu une photo du par 3 en question qui laissait penser qu’on pouvait finir court à droite ; en finalité, ça se jouera davantage sur un chip qu’autre chose.

Avec cinq capes pour vous dans un U.S. Open, quel conseil donneriez-vous au Matthieu Pavon qui abordait son premier open américain il y a de ça sept ans ?
Je lui dirais de baisser ses attentes personnelles sur un tournoi de cette envergure. Il faut se dire que c’est un parcours très difficile, qu’il y aura obligatoirement des erreurs de faites et que le but du jeu est d’éviter les double bogeys et les scores catastrophes. Dès qu’on est dans une position délicate et que le par est compromis, le mieux est de se donner la chance de faire un bogey facile. Il faut accepter l’erreur et se défendre d’être trop gourmand lorsque l’on essaie de le la rattraper.

Trois mousquetaires à Oakmont

En plus de Matthieu Pavon cette semaine, Frédéric Lacroix et Victor Perez sont en lice après leur réussite lors des qualifications ces dernières semaines.

La première moitié de saison du PGA Tour est passée pour vous : quel regard portez-vous sur votre jeu ?
Dans l’attitude, je reproduis un peu les schémas que j’avais connus lors de ma deuxième année sur le DP World Tour (en 2018, ndlr). C’est-à-dire que j’ai pas mal d’impatience, et il est assez difficile pour moi de rester serein et calme sur un parcours. C’est une bonne chose puisque ça veut dire que je sens que je peux bien faire, mais c’est une attitude qui m’empêche également de bien performer. Mais je ne m’inquiète pas, je savais que la deuxième saison allait être compliquée après une année 2024 que je considère exceptionnelle. L’envie constante que j’ai de vouloir être meilleur chaque année m’a amené à faire des changements, et ces modifications prennent du temps, c’est comme ça. Ça va encore prendre un peu de temps, mais je suis content parce que je sens que je tape des coups de bien meilleure qualité.

De quels changement s’agit-il ?
Je ne voulais plus être en position de gagner uniquement grâce à des fulgurances au putting. Ma saison a été exceptionnelle, oui, mais les quatre ou cinq tournois où j’ai brillé s’expliquent par le fait que j’étais parmi les trois meilleurs putters ces semaines-là. Cette année, je n’ai plus ces coups d’éclat au putting,mais je sens que le long jeu est bien meilleur. Si on compare mes performances à Quail Hollow, j’ai moins bien joué l’an passé (à l’occasion du Wells Fargo Championship, ndlr) alors que le parcours était moins bien préparé que cette année pour le PGA Championship ! Là, j’étais juste derrière la tête après deux tours grâce à mon niveau au long jeu et je suis content parce que, bien que ce soit encore en transition, c’est ce que je cherchais à consolider.

Est-ce que dans une semaine comme celle-ci, la Ryder Cup occupe une part de vos pensées ?
Non, je n’y pense absolument pas. Et on ne va pas se le cacher, la Ryder Cup s’éloigne de semaine en semaine, mais bon… Il reste pas mal de tournois et il y aura des wild cards (des joueurs sélectionnés uniquement par le libre-arbitre du capitaine, ndlr) donc il suffit de très bien performer un mois ou deux avant l’échéance pour que les chances augmentent. La différence va justement se faire sur la manière dont je vais gérer les six ou sept prochains tournois ,mais je sais que je peux obtenir les résultats nécessaires. Je me le suis prouvé l’an dernier.