Après huit saisons consécutives parmi l'élite, Benjamin Hébert, 171e de la Race to Dubai en 2022, va devoir se résoudre à redescendre sur le Challenge Tour l'an prochain. À moins d'une grande performance sur les deux « jokers médicaux » dont il dispose...

Benjamin lors du Mallorca Golf Open, le 20 octobre dernier... © Andrew Redington / Getty Images Europe - AFP

Comment s'est déroulée la fin de cette saison 2022 ?
Ça a été le gros rush ! En début d'année, ma blessure au poignet m'a handicapé, et j'ai mis du temps à retrouver le rythme de la compétition. J'ai eu une mauvaise période de mai à juillet durant laquelle j'ai raté énormément de cuts. Après les deux tournois aux États-Unis cet été, j'ai fait un petit break pour bien m'entraîner, et c'est à ce moment que j'ai commencé à collaborer avec Mathieu David, en complément du travail psychologique que je fais toujours avec Meriem Salmi. Là, on est un peu plus dans du spécifique golf ; et Mathieu est plus un coach performance que purement mental. On a mis des choses en place et sur la fin de l'année le jeu était plus consistant, plus régulier. J'ai retrouvé un peu mes standards habituels, aussi parce que le poignet me laissait un peu tranquille. Mais malheureusement j'étais tellement en retard au niveau des points qu'il a fallu que je joue beaucoup. Sur les derniers tournois, je sentais que le jeu était bon – j'ai fait un bon Valderrama, un bon Dunhill Links aussi – mais je me doutais que j'allais devoir repasser par les cartes. À un moment je me suis posé la question de ne pas aller jouer à Majorque et au Portugal pour me préparer aux PQ2 et refaire du jus, mais comme je me sentais bien et que le jeu était en place, j'y suis quand même allé. Au Portugal, j'ai bien commencé mais manqué d'énergie sur la fin, et aux PQ2 je me suis retrouvé sur le parcours où ça scorait le plus bas. C'était impressionnant car il fallait jouer au moins -15 sur quatre jours, et même si le parcours n'était pas très compliqué et que les conditions étaient bonnes, il fallait vraiment envoyer. Le dimanche, alors qu'il me fallait une grosse journée, je n'avais plus de jus. Avec le recul je me dis que j'aurais peut-être dû m'arrêter après Valderrama, mais dans un sens je me suis aussi rassuré sur l'état de mon jeu, surtout par rapport à cet été où je ne faisais vraiment pas le malin. C'est sûr que ce n'est pas une année très agréable, mais de toute façon avec une blessure en début de saison je savais que ça allait être compliqué.

Vous avez terminé 171e de la Race to Dubai et perdu votre carte, mais apparaissez sur le site du DP World Tour avec, pour la nouvelle saison, une catégorie 16a intitulée « Membership Extension ». De quoi s'agit-il au juste ?
Maxime Demory, mon manager, a écrit au Tour en fin de saison en disant que j'avais été blessé pendant trois mois et que j'avais raté six ou sept tournois, et a demandé si je pouvais avoir quelque chose en contrepartie. Ils ont fini par répondre que comme j'avais fait 22 tournois et que les joueurs en avaient fait en moyenne 24, j'avais droit à une extension de ma catégorie pour deux tournois de mon choix. Il faut que ce soient des tournois sur lesquels je rentre avec ma catégorie de l'an dernier, la n° 16. J'aurais pu jouer en décembre en Afrique du Sud ou à l'île Maurice, mais j'avais vraiment besoin de couper, et c'était de tout petits tournois en termes de points. Et pour moi, le contrat est de marquer sur ces deux tournois supplémentaires le nombre de points qui me manquent pour faire ma carte en 2022, soit 270. Ça représente grosso modo une victoire ou une deuxième place, ou alors deux top 5. Donc j'ai encore une petite chance de garder ma carte, mais il me faudra une ou deux grosses performances, sur des tournois bien dotés, donc relevés.

Avez-vous déjà choisi ces deux tournois ?
Évidemment, je ne rentrerai pas sur les Rolex Series de début d'année, donc je table sur une reprise en février. Je vais d'abord m'entraîner tout le mois de janvier au Maroc, donc peut-être que je reprendrai en Afrique du Sud, sur le Challenge Tour, en février, pour me chauffer avant d'aller jouer en Thaïlande, à Singapour ou en Inde. Je vais aussi voir s'il n'y a pas moyen de gratter un tournoi supplémentaire, ce serait l'idéal ! Mais bon, il est quand même plus probable que je joue sur le Challenge Tour en 2023... Je ne vais pas commencer à essayer de rester sur le Tour en jouant ce que je pourrai, car je connais la musique et je sais que c'est très compliqué. J'ai vu trop de mecs se retrouver en galère après avoir fait des années comme ça, donc si je n'ai pas une catégorie qui me permet de faire au moins 15 tournois sur le circuit européen en 2023, j'irai à fond sur le Challenge Tour.

Quand je fais un break, la motivation revient très vite car le golf me manque, le combat me manque.

Comment vivez-vous cette rétrogradation ?
C'est le résultat de deux années compliquées. Mais c'est le sport, et c'est comme ça. Évidemment, je préférerais rester sur le Tour avec les copains, mais peut-être qu'à un moment donné je n'ai pas fait les bons choix, peut-être que je n'ai pas assez travaillé, sans parler de la blessure... Je l'accepte, car je n'ai pas le choix. Mais c'est dur à avaler : en 2019 j'avais fait une super année, j'avais vraiment le sentiment de m'être installé, d'avoir trouvé une régularité dans le travail, et de toucher un peu du doigt le top 80 mondial et le top 20 européen. La saison 2020 était bien partie, mais le Covid est arrivé, et pour moi ça a été le début de la galère. J'ai eu du mal à me restructurer pour essayer de fonctionner correctement malgré toutes les restrictions. Et en fin d'année dernière, j'ai eu le besoin de me poser, j'ai pris du temps pour moi, et je sentais début janvier que j'étais mieux dans mon golf et mon fonctionnement, mais malheureusement cette blessure est venue tout gâcher. Ça fait donc deux ou trois ans que ça ne tourne vraiment pas dans mon sens, et je veux réussir à casser cette spirale négative. C'est pour ça que je fais un gros break cet hiver, pour mieux repartir l'an prochain, que ce soit sur le Tour européen ou sur le Challenge Tour. Si je peux faire comme les deux dernières fois où j'y étais (en 2011 et 2014, ndlr), c'est-à-dire gagner trois fois assez vite dans la saison, ce serait l'idéal. Mais le niveau de jeu augmente et les places sont de plus en plus chères, donc il faut bosser.

Votre blessure au poignet, survenue à Ras Al Khaimah début février, est-elle enfin totalement guérie ?
Dès qu'il fait un peu froid ou pluvieux, je sens que ça ne glisse pas parfaitement dans le poignet, mais niveau douleur je n'ai plus grand-chose. Le seul petit souci, c'est que quand j'ai pu reprendre le golf le chirurgien m'avait déconseillé de forcer sur le travail physique, car il craignait que le golf plus le travail physique ne fasse trop, donc jusqu'à octobre je n'ai pas vraiment bossé sur la réathlétisation de mon poignet et mon avant-bras. Je m'y suis remis depuis la fin des cartes, et ça commence à aller mieux. Mais quoi qu'il en soit, une fracture du scaphoïde reste une blessure dont les effets se font ressentir pendant pas mal de temps.

À bientôt 36 ans, avez-vous toujours la flamme, l'envie de revenir à votre meilleur niveau ?
Je l'ai, là, oui. J'avoue que ces dernières années, il y a eu des périodes où je me posais la question. Toute cette vie sur la route, cette organisation et cette pression permanente du résultat, ça use énormément, et ça fait une quinzaine d'années que je ne fais que ça... Parfois, la motivation s'estompe un peu. Mais quand je fais un break, ça revient très vite car le golf me manque, le combat me manque, et aujourd'hui j'ai vraiment envie de refaire ma place au plus haut niveau. Donc je suis à fond pour 2023, quel que soit le circuit. Avec le staff, qui ne change pas, on est aussi en train de voir comment on peut réorganiser le travail afin qu'il soit un peu plus fun et moins forcé, pour que je me sente plus libéré pour m'exprimer. Et cet hiver, pour la première fois depuis pas mal d'années, je vais avoir le temps de bien me préparer.