Impressionnant de maîtrise, à la fois mentale et technique, notamment sur les greens et dans le petit jeu, Matthieu Pavon s’est offert en Espagne son premier succès sur le Tour. Le Bordelais revient sur cette victoire et cette fin de saison palpitante à plus d’un titre.

Matthieu Pavon avec son nouveau caddie depuis l'Open de France, Mark Sherwood © STUART FRANKLIN / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP

Qu’avez-vous ressenti quand vous avez embrassé ce trophée de l’Open d’Espagne où trônent les noms de golfeurs légendaires comme Arnold Palmer, Severiano Ballesteros, Bernhard Langer, Sir Nick Faldo, Colin Montgomerie ou encore Jon Rahm ?
J’ai pris conscience de tous les efforts consentis, de tous les sacrifices pour en arriver là. Mon cursus, tout le monde le connaît. Je n’ai jamais été dans les équipes de France amateurs, je n’ai jamais été le plus fort étant jeune. Je suis parti de loin. Il a fallu tout bâtir, cela a pris du temps. Mais voilà… Ce baiser sur le trophée, c’est l’accomplissement de tous ces efforts fournis ces dix-quinze dernières années.

On a l’impression que rien ne pouvait vous atteindre durant cet Open d’Espagne, pas même les rushs dominicaux de Marcel Siem et Jon Rahm, auteurs respectivement d’un 61 (-10) et d’un 64 (-7). Saviez-vous que ces deux-là étaient à vos trousses dans ce dernier tour ?
Non, je ne le savais absolument pas. Le truc, c’est que je ne regarde pas les leaderboards. Ni celui de mon téléphone. Jamais pendant un tournoi. Je ne vais pas regarder les scores le matin avant ma partie. Je ne pouvais donc pas savoir où en étaient les autres. J’ai vu que Marcel Siem jouait très bien, mais seulement quand j’ai entamé les trous du retour après avoir fait birdie au 10 puis au 12. Je m’en suis réellement rendu compte au 13. Marcel Siem était à -16 ou -17 je crois. J’avais cinq ou six coups d’avance… Cela ne m’a pas perturbé plus que ça.

Cette 2e place en 2022 ici sur ce même parcours du Club de Campo Villa vous a-t-elle aidé à appréhender différemment l’événement et notamment ce dernier tour ?
Pas vraiment, non. La configuration n’était pas la même. L’an passé, je venais de derrière et c’était contre le meilleur joueur du monde (Jon Rahm). C’était une configuration différente. Cette année, je partais devant, avec des points d’avance. C’était totalement différent à gérer.

Au niveau du mental, on a aussi senti que vous aviez franchi un cap durant ces quatre tours à Madrid. Est-ce qu’on se trompe ?
(Il réfléchit) Je suis dans la progression. J’essaie de bien travailler, je sens que j’avance. Je n’avais jamais gagné de tournoi. Là, j’en gagne un. Cela veut dire qu’il y a une progression notable et quantifiable. Après, parler de cap, je ne sais pas. C’est un peu flou pour moi. Ce que je peux dire, c’est que je progresse dans ce domaine (du mental).  

Ce que je retiens aussi sur ce dernier tour, c’est qu’à partir du trou n° 7, j’ai quasiment touché tous les fairways avec mon driver. Alors forcément, cela libère d’une pression énorme.

Une chose est sûre, vous n’avez concédé que trois bogeys sur 72 trous. Le putting a-t-il été la clé de votre victoire en Espagne ?
C’est mon putting et mon chipping. Je regardais ça tout à l’heure avec Romain Langasque… J’ai été numéro 1 au putting et numéro 1 au chipping cette semaine. Le petit jeu m’a gardé dans de bonnes dispositions toute la semaine. Cela m’a permis de ne pas lâcher trop de points. Cela m’a permis surtout d’en gagner. Ce que je retiens aussi sur ce dernier tour, c’est qu’à partir du trou n° 7, j’ai quasiment touché tous les fairways avec mon driver. Alors forcément, cela libère d’une pression énorme. Quand on se retrouve sur le fairway et pas très loin des greens, c’est une situation confortable. Je savais qu’en me retrouvant plein fairway au milieu, je ne manquerais pas les greens.

Cela fait deux ans maintenant que vous collaborez avec Jon Karlsen dans le domaine du putting. Là aussi, cette victoire, c’est le fruit de ce travail hyper spécifique ?
Comme je disais, c’est une progression constante. L’an passé, j’avais progressé au putting, cette année, je suis encore meilleur. C’est du travail et on essaie de bien cibler les secteurs de jeu à travailler. Quel genre de distance… C’est un tout en fait. Et oui, cette progression est de plus en plus visible.

Il y a eu un déclic qui s’est produit à l’Open d’Arcachon lors de la semaine de break en raison de la Ryder Cup à Rome. Qu’avez-vous ressenti au juste durant ce tournoi du circuit français ?
Ce n’est pas un déclic proprement dit. J’étais sur une série de cinq ou six tournois où je jouais moins bien. Mes parties ne tournaient pas dans le bon sens. J’ai décidé de jouer cet Open d’Arcachon pour peut-être aussi me rassurer. Pour me dire que c’était un tournoi où le niveau était moins élevé que celui auquel je suis confronté habituellement. Donc, j’ai essayé de gagner ce tournoi (Ndlr, il a pris la deuxième place, à deux coups derrière Mathis Pansart). J’ai effectué des changements. J’avais cassé mon driver en Suisse (à l’Omega European Masters). J’avais donc un nouveau driver à Arcachon. J’ai pris un nouveau putter aussi car j’avais envie de voir autre chose que mon Armlock avec lequel je puttais depuis décembre… Je me suis senti hyper à l’aise. J’ai été très confiant dans mon jeu. J’ai donc amené ça au Dunhill Links la semaine suivante. Et ça s’est une fois encore remarquablement bien passé (Ndlr, il a fini 6e). Et puis voilà, ça s’est terminé de façon exceptionnelle en Espagne…

Vous êtes caddeyé depuis l’Open de France par Mark Sherwood. Qu’est-ce qu’il vous apporte de plus que vos caddies précédents ?
C’est différent. Seb (Ndlr, Sébastien Clément, son caddie avant Sherwood), j’ai pu travailler un an avec lui. C’est quelqu’un de très compétent et super sympa. C’est un vrai copain. Mais je sentais que j’avais besoin d’une figure plus autoritaire sur mon sac. Quelqu’un qui ne me laisserait pas le choix sur une décision à prendre. J’avais besoin de quelqu’un de plus ferme. Et c’est pour cela que je suis allé chercher Woody… Cela faisait plus de deux ans que je voulais travailler avec lui. Il n’était pas alors disponible puisqu’il était avec Jamie Donaldson. Après Wentworth (BMW PGA Championship), quand mon agent m’a dit que Mark était disponible, j’ai pris la décision et j’ai foncé.

En 2022, j’avais fini 40e de la Race. Je voulais améliorer ce résultat afin notamment de me placer dans le top 30 pour The Open 2024.

Au 16 octobre, vous êtes 20e de la Race to Dubai. Quels objectifs vous êtes-vous fixés désormais ?
Je n’ai pas de nouvel objectif. Je reste sur les buts que je m’étais fixés en début d’année. C’est-à-dire remporter mon premier tournoi. C’est chose faite. En 2022, j’avais fini 40e de la Race. Je voulais améliorer ce résultat afin notamment de me placer dans le top 30 pour The Open 2024. Et valider ma présence dans un Majeur on va dire normalement autrement que via des qualifications… Donc, voilà, je reste sur cette ligne de conduite. L’objectif est bien sûr d’améliorer mon classement. Et s’il évolue dans le bon sens, ce ne sera que du bonus…

Justement, les dix spots en jeu pour le PGA Tour 2024 deviennent presque une réalité maintenant… Y pensez-vous ?
Ce serait génial. Mon rêve depuis toujours, c’est de jouer sur le PGA Tour. Après, la réalité serait pour moi d’être déjà qualifié, comme c’est le cas pour Victor Perez. Pour l’instant, comme je disais plus haut, l’objectif est d’améliorer mon classement de 2022. C’est ce que je suis en train de réaliser. Continuer aussi à bien travailler avec mon équipe. Et puis si jamais le PGA Tour se présente en fin d’année, ce sera juste la cerise sur le gâteau.