Après avoir manqué les deux premiers tournois de la saison en raison d'une blessure à l'épaule, Victor Perez lance cette semaine en Californie sa saison 2024 sur le PGA Tour, où il retrouve ses compatriotes Matthieu Pavon et Paul Barjon.

Après deux mois de pause, Victor Perez retrouve enfin la compétition cette semaine au Farmers Insurance Open. © David Cannon / Getty Images - AFP

Qualifié pour le PGA Tour cette saison grâce à sa 7e place au classement final de la Race to Dubai 2023, Victor Perez avait été contraint de différer sa rentrée, en raison d'une petite blessure à l'épaule contractée durant la pause hivernale. Après avoir manqué le Sony Open in Hawaii et The American Express ces deux dernières semaines, le Tarbais de 31 ans est bel et bien au départ du Farmers Insurance Open, qui se jouera de mercredi à samedi sur le parcours Sud de Torrey Pines, à San Diego (Californie). Dans ce long entretien qu'il nous avait accordé avant les fêtes de fin d'année, le nouveau membre du circuit américain revient sur sa belle campagne 2023 en Europe, son travail durant l'intersaison, sa nouvelle vie aux Bahamas et ses ambitions pour l'année qui démarre.

Comment évaluez-vous votre saison 2023 ?
Dans l'ensemble, c'était une saison hyper positive, avec cette grosse victoire à Abou Dhabi en début d'année, qui a rendu les choses beaucoup plus faciles. J'ai fait aussi ma meilleure performance en Majeur (12e au PGA Championship, ndlr), mon deuxième meilleur classement (7e) à la Race to Dubai après 2020 (6e) qui avait été perturbée par le Covid. Il y a donc beaucoup de positif au niveau des résultats, mais aussi une bonne progression dans mon jeu. Le seul bémol est forcément la non-qualification pour la Ryder Cup, due en partie à ma blessure au dos en milieu d'année. À part ça, c'était quasiment une saison carton plein.

À quoi voyez-vous que votre jeu a progressé ?
Le jeu de fers s'est bien amélioré grâce à tout le travail fait avec Pete Cowen. C'est l'un des secteurs les plus importants du jeu, celui qui te permet de te procurer des occasions de birdies et qui détermine la performance à chaque semaine. On a regardé les statistiques et on s'est rendus compte que j'ai réalisé beaucoup de journées avec un Strokes Gained positif dans ce compartiment. C'est quelque chose dont je vais vraiment avoir besoin sur le PGA Tour, où les greens seront sans doute un peu plus fermes, le rough un peu plus épais. Il faudra avoir un jeu de fers affûté l'an prochain, donc c'est plutôt bon signe.

Comment vous êtes-vous organisé pour cette première saison complète aux États-Unis ?
La chance que j'ai eue, c'est qu'en gagnant à Abou Dhabi en début d'année, j'ai su que j'allais avoir ma carte du PGA Tour pratiquement un an à l'avance. Ça m'a permis d'évaluer certaines options d'organisation par rapport à cela. On a décidé de s'installer aux Bahamas et de passer l'année là-bas pour s'éviter de trop longs voyages, pour rester dans le même fuseau horaire que la côte Est des États-Unis, afin de se rendre la vie plus facile. On s'est installés à Albany, sur le golf où s'est joué le tournoi de Tiger Woods début décembre. Il y a de super installations, et c'est vraiment tout proche de la Floride, à 35 minutes de vol de Miami. Le temps est top toute l'année et ça va me permettre d'optimiser mes séances d'entraînement. J'ai fait quatre voyages aux USA en 2023, et à chaque fois c'est difficile de s'ajuster au décalage horaire et à la fatigue.

Pourquoi avez-vous choisi les Bahamas plutôt que les États-Unis ?
Je pense que le rythme va être assez intense sur le PGA Tour, qu'on va être dans le jus toute la semaine et, sur certaines périodes, plusieurs semaines d'affilée, et j'avais envie de sortir de cette routine du golfeur pro lors des semaines de break. C'est déjà ce que j'avais essayé de faire en m'installant en Écosse : sortir un peu, respirer. Je n'avais pas trop envie d'aller en Floride ou au Texas et de croiser dix collègues au practice le matin, les mêmes que sur le tournoi d'avant et celui d'après, et d'avoir le sentiment au final de passer tout mon temps sur le Tour.

 

 

Le PGA Tour, c'est plutôt un rêve d'enfant ou une ambition de pro ?
C'est une envie que j'ai depuis que je suis petit, à l'époque où je regardais le golf pro à la télé. À force de voir la qualité des joueurs et des tournois, je me suis rendu compte - comme tout le monde - que le PGA Tour est la Premier League du golf. Puis l'objectif de me mesurer à ces joueurs-là est venu au fil de ma carrière pro.

Que retenez-vous des tournois que vous avez joués sur le PGA Tour ces dernières saisons ? Y a-t-il des particularités propres à ce circuit ?
Le niveau du circuit est plus dense, je dirais que le milieu de tableau est globalement plus fort qu'en Europe. Il faut avoir un fonds de jeu solide pour être performant. Après, c'est difficile de m'évaluer pour l'instant par rapport aux joueurs du PGA Tour car je n'ai jamais fait une saison complète là-bas, ni même une série de plus de trois ou quatre tournois. À chaque fois c'était des séjours de courte durée, et je ne peux pas dire que j'ai eu le temps de m'habituer véritablement à la vitesse des greens, aux bunkers, aux roughs, et au style de jeu que tout cela demande. En 2024, c'est ce qui va être différent pour moi, ce à quoi je vais devoir m'adapter en premier lieu, et c'est d'ailleurs pour ça que j'ai choisi de m'installer à Albany et de m'entraîner sur un parcours qui est utilisé chaque année par le PGA Tour. Ça va me permettre d'avoir des repères, ce que je n'avais pas auparavant puisque je m'entraînais en Écosse ou parfois en Espagne l'hiver. Si ça peut me raccourcir le temps d'adaptation avant chaque tournoi, d'un jour ou deux à quelques heures, ça sera vraiment du temps de gagné.

Y a-t-il des différences évidentes en termes de façon de jouer au golf ?
La fermeté des greens est l'un des premiers facteurs, et il y a peut-être aussi un peu plus de rough autour des fairways et des greens aux États-Unis. Après, je pense que le driving est un peu différent car les parcours sont généralement plus larges aux USA, plus ouverts. En Europe, on est assez habitués à des tracés étroits, dans les arbres, et on essaie de garder la balle plus basse et plus droite. Sur le PGA Tour, je pense qu'on pourra taper le drive un peu plus à fond. Quant aux greens, il faudra s'adapter, évidemment, mais je pense que d'une semaine à l'autre ils seront beaucoup plus homogènes que sur le DP World Tour, où tu peux passer de l'Écosse à Dubaï puis à l'Espagne en quelques jours, avec des vitesses à chaque fois différentes. En Amérique, si le putt à 3 mètres breake de deux trous à gauche, par exemple, il y a des chances pour que ce soit quasiment la même chose la semaine suivante, et celle d'après, etc. Mais je pense que le plus important va être la faculté à ramener régulièrement des scores sous le par, et pas juste deux fois -2 qui te font rater le cut. Là-bas, je pense qu'on peut faire une bonne semaine et se retrouver 40e à la fin, alors que sur le circuit européen on aurait fait top 10 ou top 15. Il ne faudra donc pas se taper sur la tête si les résultats n'arrivent pas de la même façon.

L'objectif sera forcément d'intégrer le top 50 mondial et de grappiller le plus de places possible. Et derrière, essayer de se qualifier pour les Signature Events en 2025 afin d'avoir une vraie chance de bien figurer à la FedEx Cup.

Quel calendrier allez-vous pouvoir jouer en 2024 ?
Je pense pouvoir rentrer dans tous les tournois, sauf les Signature Events. Il faudra donc être performant sur les tournois réguliers afin de se qualifier de temps à autre sur des gros événements, par le biais des mini-rankings qui offriront cinq places aux meilleurs des trois tournois précédant un Signature. Donc mon calendrier va être assez facile à faire, finalement. Ça va ressembler aux joueurs qui viennent des Cartes en Europe, sans trop se poser de questions. L'objectif sera donc de bien se classer en fin de saison pour pouvoir jouer ces Signature Events de manière régulière en 2025. Après, je suis d'ores et déjà assuré de jouer le PGA Championship et le British Open, deux Majeurs qui vont distribuer beaucoup de points, donc je vais essayer de faire le forcing en début de saison pour marquer des points et rentrer au Masters en avril et à l'U.S. Open en juin.

Que pensez-vous du nouveau format du PGA Tour ?
On est dans le monde de l'entertainment, il ne faut pas l'oublier. Les gens veulent voir les 20 ou 30 meilleurs du monde s'affronter les uns les autres semaine après semaine, et je pense que le fait d'avoir resserré le calendrier va leur offrir beaucoup plus d'occasions en ce sens. Dans mon cas, si j'arrive à élever mon niveau et à intégrer régulièrement ces gros tournois, ce sera un grand accomplissement, donc je n'ai pas de problème avec ce nouveau format.

Quels objectifs vous êtes-vous fixés ?
Du fait de jouer sur le PGA Tour, où il y a quand même beaucoup plus de points mondiaux qu'ailleurs, l'objectif sera forcément d'intégrer le top 50 mondial et de grappiller le plus de places possible. Et derrière, essayer de se qualifier pour les Signature Events en 2025 afin d'avoir une vraie chance de bien figurer à la FedEx Cup. Ils nous ont montré leurs projections pour l'an prochain, et on voit que c'est fait pour favoriser les joueurs du haut du panier, ceux qui joueront ces tournois richement dotés et sans cut. Ils nous ont dit que la limite serait aux alentours de la 30e place, c'est-à-dire que sur les 50 premiers de la FedEx Cup 2023, il y en a 30 ou 35 qui vont statistiquement rester l'année d'après, et donc 15 à 20 places à prendre pour tous les autres, dont moi. C'est un gros challenge, mais un beau challenge !

Quels sont les tournois ou les parcours que vous avez hâte de découvrir ?
Les tournois mythiques, je les ai presque tous faits déjà ces dernières années, que ce soit le Bay Hill, le Memorial, le Players, le Colonial... Et ces tournois historiques passent en Signature Events l'an prochain, donc je ne suis pas sûr de les rejouer en 2024. Le plus gros challenge va être de jouer des parcours que je ne connais pas, contrairement aux habitués du PGA Tour, mais c'est le même type de challenge qu'un golfeur rencontre quand il change de circuit, qu'il gravit les échelons, donc c'est le même process. C'est sans doute le TPC Scottsdale (thépatre du WM Phoenix Open, du 8 au 11 février, ndlr), avec le public et le fameux trou n° 16 entouré de tribunes, qui va être le plus sympa et folklorique à découvrir.

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Comment vous organisez-vous en termes de staff ?
Rien ne change, je reste avec les mêmes puisqu'on ne change pas une équipe qui gagne ! Tout a été hyper positif avec tout le monde, donc il y a zéro besoin de rajouter ou d'enlever quelqu'un. Je continue donc avec mon entraîneur Pete Cowen, mon préparateur physique Ben Shear, mon physio Jérémy da Silva, mon agent Joe Shuchat et mon caddie James  Erkenbeck.

Comment allez-vous préparer votre sac ?
On a droit à 14 clubs sur le parcours, mais j'en ai 17 dans mon sac, qui sont tous des Ping à l'exception de deux wedges. Dans le haut du sac, le fer 2 risque d'avoir un peu moins de temps de jeu que le bois 5 puisqu'on va sans doute avoir des greens plus fermes. Je joue l'avant-dernière gamme de bois depuis 2022, et en fers la nouvelle gamme Blueprint que j'ai mise directement dans mon sac en mai ou juin. Donc je ne vais pas changer tout ça de sitôt puisque je commence à être bien habitué à ces clubs. Et je putte avec le Sigma 2 de Ping depuis trois ans, et lui non plus n'est pas près de sortir du sac ! De manière générale, je suis très content avec Ping qui me suit depuis la fin de la fac en 2011 : ils ont été top avec moi durant toutes ces années et ils ont un gros staff aux USA puisqu'ils sont basés à Phoenix.

Un mot enfin sur Matthieu Pavon et Paul Barjon, vos compatriotes que vous allez retrouver régulièrement cette saison ?
Matthieu, on se connaît depuis qu'on est gamins, on a beaucoup joué ensemble quand on était jeunes. Il a fait une super saison avec une fin d'année extraordinaire. Paul, je le connais bien aussi puisqu'on s'est croisés sur les tournois universitaires et on a joué ensemble en équipe de France. C'est quelqu'un à qui on va pouvoir poser beaucoup de questions sur le PGA Tour car il y était en 2022, il a cette expérience. Et avant tout, ce sont deux mecs que je connais très bien et avec qui j'ai une super relation. C'est super de démarrer cette aventure avec eux. Même si on sait qu'on ne passera pas forcément tout notre temps ensemble, se côtoyer régulièrement tout au long de l'année va être chouette. Et ça va être sympa de se tirer la bourre tous les trois !