Dans l’une de ses meilleures saisons, Bastien Amat a pris, tour à tour, le dessus face à lui-même. Son ouverture manquée a laissé place à une saison de fou, ponctuée par un U.S. Open qui, malgré un cut raté, lui a apporté une grande confiance.

À 21 ans, Bastien Amat a participé à son premier U.S. Open cette année, en tant qu'amateur. © David Cannon Collection / Getty Images - AFP

Il est des journées où les golfeurs profitent de tout leur temps pour ne rien faire. Le 21 juin, décalage horaire en cours d’encaissement, valise à peine défaite, Bastien Amat apprécie l’air d’Angoulême en tenue de pyjama alors que la mi-journée a déjà sonné depuis quelques heures. C’est là son réconfort après une semaine d’effort ; la plus intense de sa jeune carrière d'amateur. À la même heure sept jours plus tôt, c’est bien en appareil de golfeur et sur les fairways du Los Angeles Country Club qu’il préparait sa toute première participation à un tournoi Majeur, en l’occurrence le 123e U.S. Open de l’histoire. Prêt pour le tournoi de golf qui l’attend, le joueur de 21 ans est pourtant impressionné par les à-côtés. « À l’arrivée, les organisateurs m’ont donné un papier précisant les services disponibles pour les joueurs. Il mentionnait la nourriture 24 h sur 24, un 4x4 de luxe, le nettoyage des chaussures tous les jours au vestiaire et même un coiffeur : autant de choses auxquelles je n’avais pas du tout pensé. C’était fou, mais j’en ai profité pour me couper les cheveux et me tailler la barbe », lâche-t-il dans un sourire.

C’est donc tout apprêté que le dernier des cinq Français qualifiés s’est mêlé aux meilleurs joueurs de la planète pour son tout premier tournoi professionnel outre-Atlantique. En deux jours de reconnaissance, il immortalise sa rencontre avec Jon Rahm, partage le jeu avec Abraham Ancer - avec qui il copinera au point d’échanger les numéros de téléphone - et vide son sac de balles de practice entre quelque Dustin Johnson et autres Phil Mickelson. Pourtant, du haut de son mètre quatre-vingt huit, il garde la tête froide. « Ça tape fort mais, mis à part Dustin Johnson ou Brooks Koepka, je ne prenais pas non plus des kilomètres par les autres. Rory McIlroy est impressionnant parce qu’il est tout petit et la balle ne s’arrête jamais », raconte-t-il avec un certain aplomb qui traduit l’assurance qu’il y a gagné.

Un pour tous et tous pour un

Pourtant, quelques mois plus tôt, encore simple joueur de l’université du Nouveau-Mexique à Albuquerque, c’est l’instabilité et la colère qui habillent une partie de son quotidien. Durant l’hiver où il jongle avec les examens de fin d’année et les premiers tournois de renom, l’attitude se délite. Jusqu’au point de non retour fin janvier en Arizona. « Je fais 35e sur un tournoi moyen, j’étais tout le temps énervé et les coachs m’ont dit qu’il était temps de changer. » De retour à l’entraînement, Bastien et l’équipe des Lobos sont réunis pour une session de physique. « Je devais monter le plus vite possible les escaliers en courant pendant que l’équipe faisait des pompes, des abdos ou la planche. Plus je mettais de temps, plus les équipiers en faisaient. C’était une manière de me faire comprendre que sur le parcours, je ne joue pas que pour moi. » Au-delà de ce message, ses coachs Glen Millican et Sean Carlon le font relativiser sur son jeu. « J’avais tendance à m’énerver dès que je ratais un coup donc ils m’ont montré les stats du PGA Tour, puis les miennes, et m’ont prouvé qu’il y avait des shots qui ne méritaient pas que je m’emporte comme ça. » De là, l’étudiant de 3e année gagne en régularité. Outre une victoire avant cette période, il cumule une 2e place, trois top 10 et un 27e rang lors des Regionals, tournoi parmi les plus importants de l’année. Jusqu’à cette qualification à l’U.S. Open.

Des chiffres et des rêves

En Californie, l’objectif premier était de passer le cut, « de montrer que, même amateur, je peux faire partie des meilleurs mondiaux. » Une mission non accomplie après deux tours bouclés en 73 (+3), loin de toute correction, mais trop justes pour profiter de deux jours supplémentaires. « Le dernier avantage à être joueur, c’est que l’on peut suivre n’importe quelle partie dans les cordes. Donc le dimanche, j’ai regardé les neuf derniers trou de Scheffler et McIlroy en étant tout le temps à 5 mètres d’eux », confie-t-il. Si l’amertume demeure encore une semaine après, le retour au calme a permis de dégager les raisons du « missed cut. » « En regardant mes stats et celles des joueurs, j’ai vu que j’étais dans le top 50 sur la grande majorité des compartiments, et même top 20 sur le driving le deuxième jour. Mais au putting le vendredi, j’étais 153e sur 156. » Une donnée qui en amène une autre : la perte moyenne de 3,8 coups sur les greens face au reste du champ (aussi appelé strokes gained putting, ndlr). « Sachant que je rate le cut de quatre coups, c’est ce qui fait que je suis un peu dégoûté. »

Au-delà de la déception du résultat, le Tricolore tire des bénéfices de sa semaine extraordinaire. À commencer par une motivation qui s’entend dans la voix. « Je suis remonté à bloc pour gagner les championnats d’Europe individuels (du 28 juin au 1er juillet, ndlr) et obtenir le ticket pour jouer un autre Majeur (The Open, du 20 au 23 juillet, ndlr). C’est viser très haut mais je sens que j’en ai la capacité », affirme-t-il. En cas d’échec, le n° 2 amateur français honorera son invitation au Barracuda Championship, tournoi du PGA Tour organisé la même semaine que le Majeur britannique. Une autre excellente opportunité pour l’un de ses objectifs de l’an prochain.

Un avenir déjà pensé

Car en tant qu’étudiant de quatrième et dernière année, Bastien sera éligible au ranking du PGA Tour Univeristy, un classement offrant chaque année un statut sur l’un des circuits estampillés PGA Tour pour les 20 meilleurs joueurs. L’U.S. Open lui a déjà offert de précieux points et un cut passé au Barracuda Championship lui en apporterait davantage encore. « Un but réaliste serait de passer le cut, mais j’ai trop envie de faire top 10 pour marquer le coup et me faire inviter sur le tournoi qui suit », dit-il dans une certaine impatience. Malgré l’excitation des tournois de l’été, l’avenir a été bien pensé : « Être dans les 20 meilleurs du ranking University m’offrirait un statut pro et donc un visa et le droit de rester aux États-Unis, tout en gagnant de l'argent », résume-t-il. Une voie que Victor Perez , en sa position de n° 1 Français et de prédécesseur à l’université du Nouveau-Mexique, lui a conseillé de suivre le temps d’une discussion au vestiaire du Los Angeles Country Club. En l’espace d’une trentaine de minutes, l’amateur a écouté les conseils du pro, dont celui de ne pas se précipiter dans ses premières années professionnelles. Un message entendu bien que le membre de l’équipe de France Messieurs se projettent déjà sur son futur proche. En ligne de mire pour lui : les championnats d’Europe par équipes, l’U.S. Amateur ou encore les championnats du monde par équipes 2023. De quoi satisfaire sa fougue du moment et se donner la chance d’accomplir une saison idyllique.